Bat Out of Hell
6.9
Bat Out of Hell

Album de Meat Loaf (1977)

C'est drôle comme le concept de la comédie musicale avortée fonctionne avec moi. C'était déjà le cas avec le Diamond Dogs de David Bowie et voilà que ça me refait le coup avec Bat Out of Hell. A l'origine ce devait être une comédie musicale délirante sur le thème de Peter Pan, une version plus adulte et rock'n'roll avec ce cher Meat Loaf dans le rôle de Clochette. Oui, comme quoi la question de gabarit c'est secondaire dans les comédies musicales.


 De ce projet nauffragé, ont survécu quelques chansons regroupées au sein de cet album chatoyant.

Ici il s'agit de rock, teinté de glam, orné de fanfreluches de type dentelle et foulard rouge, débordant de l'énergie sexuelle mal canalisée d'un adolescent qui se cherche (dans un cimetière gothique en plus). Un adolescent de belle constitution nous en convenons !
Le morceau d'ouverture, portant le titre de l'album est une véritable explosion, un flamboyant accident de moto dans un cimetière porté par la production mirobolante de Jim Steinman (admirateur de Phil Spector) qui a recruté pour l'occasion un super-groupe à base de Todd Rundgren et d'Edgar Winter. La voix de l'imposant Meat Loaf est puissante, claire et bouillonnante d'une rare énergie qui ne manque pas de le faire transpirer pendant les 10 minutes du morceau.


Le décorum de la pochette, d'un kitsch qui ne serait pas renié par les groupes de métal des années 80 à venir annonce bien ce que nous avons à écouter : une ambiance de fantaisie faussement sombre qui transparaît parfaitement dans l'intro récitée de "You Took the Words Right of my Mouth (on a hot summer night)". On y entend un homme poser une série de questions comme dans un rituel gothico-érotique, sur un ton exagérément solennel qui se conclue par un "je parie que tu dis ça à tous les hommes !" décalé.


Les morceaux s'enchaînent entre doo-wap sirupeux et explosions épiques baroques. Meat Loaf y est tour à tour exultant, suppliant, cajoleur, comme un ado qui ne sait pas ce qu'il veut mais qui le veut maintenant quand même.


L'album parvient à son apogée avec le monumental "Paradise by the Dashboard Light" duo entre le chanteur et Ellen Folley, pas en reste. Il mérite qu'on s'y attarde un moment. C'est un morceau en trois actes relatant les émois d'un jeune couple qui est venu trouver près du lac une occasion de conclure sur la banquette arrière. La première partie exprime l'enthousiasme contagieux du jeune type qui sent que ce soir sera LE soir, il est au comble de la fierté, étonné d'avoir réussi une si belle conquête. Ce qui va se passer à la lumière du tableau de bord est développé d'une façon ingénieuse, sur une musique nettement plus funky et parsemée de soupirs et de gémissements, un commentateur sportif se met avec enthousiasme à raconter l'action décisive d'un match de baseball. Pour le malheur du jeune homme il n'atteindra cependant pas la troisième base, interrompu dans son ardeur par la jeune fille, ouvrant ainsi le deuxième acte où celle ci lui demande de lui confirmer son amour inconditionnel et éternel avant d'aller plus loin. Le pauvre type, encore dans son élan et frustré par cette interruption essaie tant bien que mal d'éluder le sujet et de reporter à plus tard l'épineux problème, proposant de reprendre là où ils se sont arrêtés. Devant l'inflexibilité de sa compagne, il cède et lui jure son amour pour toujours, le malin ! Arrive alors le troisième acte, où tous deux regrettent amèrement, maudissant leur pacte éternel et priant pour qu'arrive enfin la fin des temps, seule échapatoire à leur promesse. Ce mini drame est executé d'une manière qui combine tous les aspects de cet album, le rock classique teinté de ses "chap chap cha woooo", la turgescence explosive du chanteur et le romantisme épique exagéré.


Si vous avez tenu jusque là dans la lecture de cette critique alors vous avez mérité ma conclusion. "Bat Out of Hell" est un délire adolescent immature, à l'orientation sexuelle peu claire et aux proportions d'opéra à moto. La longueur des morceaux n'est pas rebutante et exprime parfaitement le concept de beaucoup de bruit pour pas grand chose, comme tous les drames de l'adolescence où tout atteint des sommets insensés. Meat Loaf est impressionnant à tous les sens du terme tiraillé entre une sensibilité à fleur de peau et un désir sexuel incontrôlable. Les compositions sont d'un éclat inouï, scintillantes et drôles. Il est à noter que tout cela fait de cet album un OVNI en cette année 1977 où il sort en plein vague punk, un album culte désormais et un succès commercial inéspéré.

I-Reverend
8
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le 28 oct. 2012

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I Reverend

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