Bersarin Quartett résulte de l’art d’un seul homme. Aussi simple cet unique fait soit-il, il demeure difficile à assimiler. Cet art est tellement multiple qu’il semble insensé d’oser seulement penser qu’un unique esprit en soit le maître. L’innocence dans l’insolence, la polyvalence dans l’excellence, ne sont-ce pas là les qualités primordiales à l’élévation d’un simple artiste au rang de génie ? L’œuvre de Bersarin Quartett est ainsi faite qu’à chaque ambiance fantasmagorique, à chaque lueur de violon, à chaque poésie pianotée, quiconque – de la plus sensible à la plus imperméable des mânes – se voit touché d’un état de grâce bienveillant. Je défie les lecteurs de trouver musique contemporaine plus humaine, plus grandiose, plus magistrale que les deux premiers cadeaux délivrés, dans son plus grand génie et son immense bonté, par Thomas Bücker.

Qui d’autre peut aujourd’hui se targuer de toucher l’être dans sa quintessence la plus pure, la plus personnelle, la plus imaginative, la plus chérissable d’une si divine manière ? Je l’ignore mais de grâce, si tel troubadour de notre temps existe en double, qu’il soit sanctifié au plus vite… Les bras m’en tombent. Me voilà, à abuser du champ lexical de la religion. Pire : me voilà, à écrire ce texte à la première personne, tandis que j’avais juré ne plus jamais tomber dans cette pratique. Il faut dire qu’il y a, dans ce Bersarin Quartett premier du nom (comme le second par ailleurs), une réelle communion entre la musique et ce je ne sais quoi à l’origine de l’introspection qu’elle invoque dans sa grâce mélancolique. Ceci car, malgré le multi-instrumentalisme minimaliste de chacune des sérénades, malgré l’aspect mirifique et magistral en résultant, ce recueil est le gardien d’une beauté naturelle et intimiste, inaltérée par les asservissements émotionnels maléfiques du monde actuel.

Le plus surprenant ici réside dans l’incroyable pouvoir d’attraction, instantané, de telles aubades. Dès le premier titre, les textures et les contours créatifs se dessinent d’eux-mêmes en appelant subtilement au désir de liberté enfoui en chacun. D’ailleurs, ce premier récital instrumental, « Oktober », est très certainement un des plus beaux titres électroniques jamais élaborés. Ornementé d’une orchestration époustouflante, il assoit une mise en scène d’une rare beauté : l’on se prend à s’imaginer, les pieds nus sur une plage ennuitée. La marée est basse, la lune nargue les vagues du reflet de sa hauteur inaccessible, le sable fin virevolte au rythme des souffles sporadiques du vent. « Oktober » est la sublime amorce de la contemplation à venir. Cette dernière bringuebale le méditant aux confins de diverses somptuosités sensorielles, toutes violemment hostiles à un quelconque agnosticisme. Il ne faudra pas longtemps au curieux et aux curieuses pour se convertir au déisme sain de Bersarin Quartett, celui de la beauté éthérée, des nostalgies enfantines, des grâces euphoniques.

Rappelez-vous. Rappelez-vous que ce disque n’a pas besoin de vous autant que vous de lui. Le sort de ce recueil fantastique n’est pas aussi primordial que le sort de votre vie si jamais, par le plus magnifique des hasards, vous en arriviez à tomber sur cet ouvrage. Car ceci, mesdames, messieurs, est un chef-d’oeuvre.
BenoitBayl
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le 9 déc. 2013

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