Binaural
6.7
Binaural

Album de Pearl Jam (2000)

Ou une nouvelle entrée dans les annales


  1. Une première décennie d’existence pour Pearl Jam, un sixième et nouvel album sorti 7 jours avant le début de la tournée EU/US de 73 concerts.


Vous avez vu une nébuleuse ? Au sens astronomique du terme, BINAURAL en est une. Avec le recul, il est devenu et restera une véritable étoile. Nul doute qu’à ses premières écoutes il aura du mal à convaincre, même si l’étude de l’évolution du groupe au fil des albums finira par prouver l’inverse.
L’album est homogène, sombre, dense comme un trou noir et l’immensité intersidérale est palpable dans chaque recoin ou presque. (Présents à Bercy le 08-06-2000, ne vous souvenez-vous pas avoir ressenti l'atmosphère de l'album régnant durant une bonne partie du concert ? Moi, si.)
Tout le champ lexical spatial est illustré dans la musique de BINAURAL. Les compositions soignées, les guitares excellentes de bout en bout et absolument complémentaires. Le chant est davantage maîtrisé dans le sens où E. Vedder commence à ménager son organe, comme s’il sentait venir la longévité du band. Les textes pêchent tout de même parfois.
BINAURAL propose des textures sonores inconnues des fidèles (grâce au procédé binaural sur quelques titres mais pas que), il perturbe, peut paraître mineur. Il n’en est rien. Que ce soit cette manière de traiter le son par Tchad Blake, les compositions parfois éthérées ou à la signature rythmique « asymétrique » (Sleight Of Hand), les textes universels voire aussi sombres que le monde à venir, ou encore la cohérence dans le choix des pistes et dans la construction de l’album, BINAURAL est définitivement un album majeur du groupe. Qui peut dérouter aux premières écoutes, qui transpire l’état d’esprit des membres à l’époque et de l’humanité en général en cette fin de millénaire face à l’Histoire, qui détient une force et une puissance intrinsèque à tous les niveaux et rarement égalée, BINAURAL est à ce jour - en 2016 -, la dernière originalité véritable, la dernière prise de risque, la dernière intellectualisation, appelez-ça comme vous voudrez : la dernière étincelle studio de Pearl Jam.


Faisons une parenthèse digne d’un chapitre. Pour le premier enregistrement studio de M. Cameron avec PJ, on a ici la preuve de l’influence du batteur dans la globalité d’un groupe. Ah…. PJ et ses drummers ! Ten n’aurait jamais été Ten sans le feeling funk de D. Krusen, Vs. n’aurait jamais été Vs. sans D. Abbruzzese, bien qu’à les écouter, les 2 aient un jeu et une vision presque similaires du groove et d’un rôle mélodico-rythmique de l’instrument. Vitalogy à lui seul fait la passerelle entre Abbruzzese et Irons. Et No Code et Yield n’auraient jamais été non plus No Code et Yield sans le drumming très tight et parfois tribal de J. Irons, qui sert au poil les chansons et l’esprit des albums. Il en va de même pour BINAURAL. Matt Cameron laisse sa patte de manière indélébile sur cet opus, ça coule moins, c’est direct, une force brute pourvue de technique, ça cogne, ça n’hésite pas et ça colle au moment tout en apportant un plus : rock on !
(Pour les fans, remémorez-vous son intervention orale dans PJ20 où il explique le contexte d’apprendre la centaine de morceaux du groupe en quelques semaines en 1998.)



  • Breakerfall. Comme YIELD, l’ouverture est punk, tonitruante. La rage
    vocale est de mise, la musique fait ronfler les réacteurs : la fusée
    PJ décolle sans broncher pour aller sonder des territoires inconnus.
    D’emblée les 3 guitares marquent autant que le martelage des fûts.

  • Enchaînement parfait avec God’s Dice et son break rythmique, tout
    comme sur Evacuation où les changements sont plus poussés
    (composition de M. Cameron). Et toujours ce tueur de Brendan O’Brien
    aux manettes ; un sujet à lui tout seul mériterait d’exister pour son
    importance au sein du groupe, au son du groupe. Mésestimé, il est
    pourtant indispensable, vous en serez convaincu en 2006.

  • La trilogie énergique Breakerfall/God’s Dice/Evacuation a aisément fait
    traverser le vaisseau PJ des sphères entourant la Terre. Light Years
    Années-lumière. Chanson au sujet lourd de sens, balade perdant de son
    intérêt au fil des écoutes live, il est bon de se replonger dans la
    version studio de temps à autres : pour le son et LA version
    immortalisée. Le break ascendant nous emmène où ? Y’a-t-il encore des
    hauteurs, quelle est l’échelle de référence, qu’est devenu notre
    repère tridimensionnel, là, dans l’espace où l’on vogue vers
    l’infini…

  • Nothing As It Seems, frissons garantis sur ce titre difficilement
    descriptible. Vous avez dit ovni ? Dans le mille. On se laisse
    dériver, des perturbations de champs magnétiques, une nuée de
    météorites, une tristesse nous envahit mais S. Gossard représente
    notre filet de sécurité pour ne pas sombrer.

  • Thin Air, légère, finit par perdre de son intérêt 15 ans après et des
    centaines d’écoutes toutes versions confondues, mais ne boudez pas
    votre plaisir de sa (re)découverte.

  • Insignificance. Pluie d’astéroïdes à l’horizon matérialisées par le
    drumming de M. Cameron. Changements rythmiques pour traverser cette
    zone, accélérations significatives de l’engin : un morceau puissant
    très bien construit, qui sonne diablement bien et un super temps fort
    de l’album.

  • Of The Girl est un autre temps très fort de BINAURAL. On ne sait pas
    trop, on est retourné sur Terre dans un ashram en pleine période
    mid-60s ? Un morceau disposant d’un potentiel conséquent avec un mix
    encore et toujours aux oignons et des arrangements soignés, ça plane
    fort.

  • Nouveau temps fort de la galette, Grievance et son rock très bien
    construit là encore, une structure et une progression musicale
    emplies d’énergie, pouvant rappeler des passages de RVM sous notre
    épiderme.

  • Rival sur Columbine est un bon morceau à dompter progressivement mais
    au potentiel jouissif lui aussi, du rock en groove !

  • Dernier temps fort avec le sublime Sleight Of Hand et sa batterie
    volontairement flottante, précisément claquante. Les textures des
    guitares ornent tout en déridant le morceau. Là encore au fin fond
    d’une galaxie lointaine, nul besoin d’un coup de main d’un jedi, PJ
    assure le retour au bercail en tenant bon le gouvernail.

  • L’anecdotique Soon Forget nous prépare au retour à la réalité.
    Voix/ukulélé, marque de fabrique de Vedder en cette fin de
    millénaire.

  • Parting Ways est un très bon dernier morceau, les arrangements de
    cordes, S. Gossard et M. McCready dans leur coin, M. Cameron en
    arrière-plan, E. Vedder au front, le rêve éveillé pourrait durer
    encore longtemps.


Avec la vingtaine de morceaux disponibles pour BINAURAL, les 13 morceaux de l’album, moitié moins publiés sur LOST DOGS, Pearl Jam pourrait en 2016, sortir de l’ombre les morceaux restants de ces sessions d’enregistrements… Stay tuned !

seug
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le 4 févr. 2016

Critique lue 506 fois

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