Muse a peaufiné son identité musicale sur ses 3 premiers albums, ceux que l'on accusait de n'être que des Ersatz de Radiohead ont prouvé que la musique de Muse allait bien au delà des envolés vocales empruntés à Thom Yorke. Désormais dans une irrésistible ascension vers le succès planétaire le power trio de Teignmouth quitte le label Mushroom records/naïve et signe chez le géant Warner, un signe qui ne trompe pas sur l'ambition dévorante qui anime le groupe. Un changement de crèmerie qui ne manqua pas d'inquiéter les fidèles de la première heure craignant une récupération et un formatage de Muse. le groupe, lui, se veut rassurant et affirme, qu'au contraire, ce choix était le seul leur permettant d'avoir la liberté nécessaire à l'évolution musicale qu'ils souhaitent pour Muse.

Dès les premières notes du single "Supermassive Black Hole" le changement est radical. Un son beaucoup plus lisse, une rythmique plus dancefloor, un penchant pop très affirmé. Le Muse nouveau est arrivé, pas de doute. Avide d'expérimentation le groupe s'offre donc un trip bien plus électro qu'auparavant. Les 4 premières chansons de l'album forment ainsi un bloc techno-pop déstabilisant mais pas forcément désagréable. Si la cohabitation synthé-guitare grasse fonctionne plutôt mal sur le pompeux "Take a bow" le groupe accouche de l'énigmatique "Map of the Problematics", une chanson typée new age où le mélange batterie syncopée/synthé eighties/chant déprimant donne un résultat tout à fait agréable.

Au milieu de cet acte électro il y a une chanson qui ressort immédiatement du lot. Cette chanson c'est "Starlight", un titre facile, un peu bateau mais immédiatement efficace. Dès la première écoute on sait que cette chanson sera le single phare de l'album, la chanson formatée radio qui va cartonner. Le fait est que cette chanson fut la porte d'entrée de tout un nouveau public (spécialement aux USA) dans l'univers musicale de Muse. L'hymne populaire et easy-listenning tant recherché par le groupe sur l'album précédent. L'aboutissement du travail effectué sur Time is Running Out et sur Sing for absolution synthétisé dans un même titre. L'efficacité entraînante de la première et le coté mélo de la seconde.
La chanson n'est pas vraiment mauvaise mais il faut reconnaître qu'elle peine à convaincre sur la longueur, elle a d'ailleurs un peu tendance à agacer à forte dose, mais elle remplie le job : quand elle passe à la radio tu ne changes pas de fréquence.

Puis vient la première rupture avec le duo "Soldier's Poem"/"Invincible" deux chansons qu'on devine facilement comme n'étant qu'une à la base. La première est une balade au piano assez anodine mais sympathique mais la second est en revanche une tentative ratée de chasser sur les terres des groupes pop-variété anglais. Les paroles sont faciles, la mélodie complètement transparente et l'ensemble ressemble affreusement à une chanson de Keane. Sans doute apeuré que "Starlight" ne cartonne pas assez le groupe tente d'assurer le coup avec cette parodie de soupe FM bas de gamme. Le choc est rude, Muse signe là sa première vraie croûte musicale dans un album studio.

Après cette douloureuse parenthèse l'album fait un nouveau virage et essaye de renouer avec ses les racines électriques d'Absolution et d'Origin of Symmetry. Le duo "Assassin" et "Exo Politics" (bien connu des fans hardcore puisque jouées fréquemment lors de la tournée Absolution) essaye d'envoyer le pâté. Si les compos souffre un peu de leur simplicité ("Assassin" est par exemple trop proche du monstre "Stockholm Syndrome" ) c'est surtout la nouvelle orientation du mixage qui fait le plus de dégâts. Le son trop uniforme minimise pas mal l'énergie des riffs et des phases de batterie, un constat particulièrement vrai pour "Exo politics" qui ne décolle jamais vraiment.

Sur ses deux premiers tiers l'album laisse une impression bizarre, entre vrais ratages ("Invincible"), expérimentations heureuses ("Map of the Problematics") et hymnes désincarnés ("Starlight").
Arrive alors les trio de fin qui rattrape à lui tout seul l'album. Il y a l'étrange "Hoodoo" qui ne semble pas vraiment à sa place mais dont les envolées lyriques arrivent à vous clouer au siège.
Il y a aussi "City of delusion", une chanson qui fait le lien entre le Muse d'hier et celui d'aujourd'hui.
La chanson possède en effet des arrangements musicaux (trop) sophistiqués propre à "Black Holes & Revelations" mais recèle de riffs et de lignes de basses inspirés, sortis tout droit d'Origin of Symmetry.

Pourtant le meilleur reste à venir puisque cette progressive montée en puissance de la fin de l'album aboutie sur la chanson la plus improbable que le groupe ait jamais composé. Ne reculant devant rien la bande à Bellamy fait un incroyable mélange de Western (le riff d'intro, les choeurs, les trompettes), de slogan syndicaliste a capela et de Heavy metal. La chanson est aussi étrange à écouter que sa description est étrange à lire mais pourtant : ça fonctionne, et pas à moitié.
Knight of Cydonia tire définitivement le disque vers le haut et offre une conclusion épique qui donne envie de sauter partout. Une chanson que l'on devine taillée, pensée, préparée pour le live tant l'énergie dégagée est irrésistible.

A l'arrivée "Black holes and Revelations" est bel et bien un album charnière. Les bribes d'expérimentation cohabitent avec les vestiges impulsifs du passé. Le virage musicale tente le passage en force et l'ensemble manque de chavirer à plus d'une reprise.
Ce qui fait la personnalité de Muse est toujours là (le chant puissant, la basse mélodique même si un peu en retrait par rapport aux précédents albums, les compos grandiloquentes) mais le disque semble progresser par tâtonnement, d'accidents heureux en sorties de route dramatiques.
Les grandes réussites de ce disque ne doivent pas en occulter les grands échecs. "Black Holes and Revelations" contient malheureusement en son sein les chansons les moins inspirée du groupe jusque là et la formation commence doucement à se s'auto-caricaturer... parfois pour le meilleur (on ne dira jamais assez que "Knights of Cydonia" tient du génie pur) mais trop souvent pour le pire ("Invincible", "Take a Bow" et même "Starlight").
Vnr-Herzog
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le 22 déc. 2011

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