Frusciante inspiré pour un digne successeur de Californication

Les Red Hot Chili Peppers se sont affirmés comme l’un des groupes de rock les plus importants des années 1990, décennie au cours de laquelle ils ont livré leurs deux meilleurs albums : Blood Sugar Sex Magic, formidable œuvre de fusion entre le rock et le funk, et Californication, qui marquait une orientation plus mélodique sans rien renier du style originel du groupe. Les Californiens étaient donc attendus au tournant en ce début du IIIème millénaire. Ils pouvaient difficilement faire mieux que Californication, album quasiment parfait. Cependant, contrairement à ce que certains prétendent, By the Way ne saurait saurait se réduire à une pâle copie de son prédécesseur.


Certes, on y trouve quelques morceaux un peu fades vers la fin : « Tear », « Warm Tape », « Venice Queen ». Mais By the Way contient aussi certains des meilleurs titres de tout le répertoire des Red Hot Chili Peppers. Franchement, qui n’aime pas « Can’t Stop » ? Morceau funky des plus sautillants, introduit par une montée progressive reconnaissable entre toutes qui annonce un déluge d’énergie et de joie. Le riff de guitare est l’un des plus incisifs de John Frusciante. Antony Kiedis, dont l’inspiration mélodique est inégale selon les morceaux, se livre ici à l’une de ses performances vocales les plus mémorables. Sur les couplets, il scande jusqu’à l’égosillement des paroles d’une belle vitalité.


Autre morceau de bravoure, « By the Way » est l’un des titres des Red Hot disposant d’une des dynamiques internes les mieux construites. Tout comme « Around the World » sur l’album précédent, c’est un morceau fracassant où la puissance est mise au service d’une mélancolie encore plus grande. Les Red Hot ont un talent indéniable pour associer différentes ambiances dans un même morceau et nous balader de l’une à l’autre sans que cela paraisse artificiel. Les transitions entre refrains chantés et couplets rappés sont ici particulièrement originales. La basse de Flea est le tonnerre, la guitare de John Frusciante est un éclair, et le chant d’Anthony Kiedis est la pluie au milieu .


Les deux morceaux suivants « Universally Speaking » et « This Is the Place » poursuivent dans la veine péchue de ce morceau d’ouverture et, sans l’égaler, sont aussi très sympathiques. Le début de l’album présente donc les Red Hot Chili Peppers au meilleur de leur forme. Plus loin, « Minor Thing » s’inscrit elle aussi dans cette veine très représentative de l’univers des Red Hot, où les refrains nous entraînent tandis que les chœurs opèrent discrètement leur séduction. Ce n’est pas hyper innovant du point de vue des structures, mais tout est très soigné et efficace.


Là où By the Way marque un point par rapport à Californication, c’est sans doute au niveau de la diversité des sons et des ambiances. Mine de rien, sur cet album, les Red Hot incorporent des sonorités nouvelles qui les rapprochent davantage du rock alternatif. Les sonorités hispanisantes de « Cabron » ou le melodica (instrument à vent ressemblant à un petit synthé) qui marque le contre-temps sur « On Mercury » représentent des one shot bien amenés dans leur discographie. Ainsi, on trouve sur By the Way des éléments qui n’existent pas ailleurs. Pas nécessairement meilleurs, mais différents.


John Frusciante compte pour beaucoup dans cet élargissement de la palette stylistique des Red Hot Chili Peppers. C’est lui qui a fait le plus gros travail de composition, en s’inspirant d’artistes des décennies précédentes tels que les Beatles, les Beach Boys, The Damned ou encore Emerson, Lake & Palmer. Ses effets de guitare sont choisis avec soin et complétés par différents claviers pour créer des textures sonores inédites pour le groupe. Ainsi, « Don’t Forget Me » et « Throw Away Your Television » acquièrent une certaine puissance, mais dans un style différent des autres morceaux : l’énergie paraît ici plus profonde, comme si l’on ressentait que les artistes la puisaient en eux.


Sur d’autres morceaux, les Red Hot se montrent sous un jour plus doux. « The Zephyr Song » et « Midnight » font partie des ballades les plus exquises de leur répertoire. La première est surtout remarquable par ses mélodies et son solo de guitare exemplaires, la seconde par son ambiance atypique. Moins connue, « Dosed » est presque du même niveau et se distingue par un côté plus cotonneux dû aux effets de la guitare électrique. « I Could Die for You » est également de bonne facture.


By the Way est donc le digne successeur de Californication. Faute de l’égaler, ce qui aurait tenu du miracle, il creuse le sillon d’un rock fusion mélodieux où la recherche d’ambiances sonores n’est pas négligée. Même sur le double album Stadium Arcadium, ils ne pousseront plus aussi loin la recherche esthétique par la suite.

Kantien_Mackenzie
8

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le 14 mai 2020

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