Album datant d'une dizaine d'années déjà, on a pourtant l'impression d'un disque expérimental relativement récent en écoutant "Cheftak". Délicate fusion entre le trip-hop downtempo & aux nuances jazz de Zeid Hamdan & la voix époustouflante de Yasmine Hamdan, ce cocktail d'origine libanaise est intemporel, inconditionnel, extatique.
Introduit par la douce ballade "Aranis", on découvre le duo de façon tout à fait conventionnelle, surtout lorsque les airs nu-jazz du second titre "Cheftak" viennent se poser dans le creux des oreilles de l'auditeur. On ne peut être surpris que par la piste suivante, "Tango", qui se révèle comme centrale dans cet album : après une incantation dans une langue arabe des plus charmeuses, un beat apparaît, soutenu par une instrumentalisation bien à la française (Yasmine habite à Paris), puis c'est l'éclat qui montre l'aspect trip-hop de l'album, une batterie des plus entraînantes, un break, puis des influences à la Portishead. S'ensuit le titre "Kazdoura", mon favori dans cet album, sorte de transition intimiste entre les deux parties qui constituent ce dernier, par laquelle on se laisse envoûter, arpège triomphant & références électroniques à Air & autre style de musique progressive du bas vers le haut, avec toutefois cette retenue presque systématique au long de l'oeuvre.
J'aborde le reste des pistes comme une deuxième partie en cela que la voix de Yasmine est bien moins présente & qu'on laisse place aux expérimentations de Zeid. "Marcoslow" fait par exemple songer à cette idée clichée qu'on a en général de la ville arabe, ghetto & à la fois traditionnelle ; le titre suivant, "Wadih", est la remise en doute de la quasi-"perfection" de cet album, puisque son introduction violente peut ne pas être aux goûts de tous, & cela en dépit de la douceur vocale de Yasmine intervenant au tiers & à la délicatesse qui vient alléger le tout ; "Dub4me", comme son intitulé le laisse présager, est une ode tout à fait convenable au dub, mêlant les racines de ce dernier mouvement aux instrumentales typiques dont le groupe se sert pour propager au monde la culture arabe. Enfin le dernier son est assez abstrait, sorte de dubstep préfabriqué avec une sauce 8-bit, peu convainquant finalement pour terminer un album.
"Cheftak" est donc, à deux ou trois détails près, une oeuvre-d'art permettant d'en connaître un peu plus sur la tristement méconnue musique arabe. Il va de soi qu'il s'agit quand même d'une perle rare, en cela que je ne pense pas que le trip-hop soit très répandu dans les pays du Moyen & du Proche Orients.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.