Chrome
7.2
Chrome

Album de Catherine Wheel (1993)

Catherine Wheel est peut-être ce qu'on appelle un suiveur, mais c'est un suiveur talentueux. Car s'ils ne sont pas les premiers à se lancer dans le shoegaze, ils savent manier des mélodies à la fois évidentes et très belles, sans sombrer dans la niaiserie ou la mièvrerie.


Est-ce pour cette raison que ce second album (intitulé Chrome) sort à peine un an après leur premier jet ? Peut-être bien. Comme si la bande à Rob Dickinson cherchait à rattraper le temps perdu et prouver, qu’en dépit d’une histoire qui avance très vite (ils sont loin d’être des précurseurs), ils pouvaient proposer une musique qui se suffit à elle-même.


Ferment était un excellent disque de shoegaze à la fois racé et puissant, porté en plus par un chanteur au-dessus de la moyenne. Pourtant ce Chrome lui est supérieur sans problème. Par conséquent, il s’agit d’une pièce maitresse du shoegaze.


On ne s’en rend pas forcément compte au début, car Le son est bien plus dense que sur Ferment. C’est parce que Tim Friese-Greene de Talk Talk n’est plus le producteur attitré (il a laissé les commandes à Gil Norton), puisqu'il se contente désormais de jouer de l’orgue Hammond sur un morceau.


Ainsi, l'album est moins riche en tubes et cela peut décevoir à la première écoute. Surtout que le groupe est cette fois-ci plus rageur dans son propos. Avec des soli venimeux qui s’échappent régulièrement de leur mur de guitares ou quand ils décident de foncer tête baissée tout simplement. Avec un Rob Dickinson étonnamment hargneux, mais crédible comme sur le morceau titre.


En vérité, malgré son aspect monolithique, Chrome est plus varié dans l'écriture que son prédécesseur. L’alternance couplet/refrain étant moins systématique, parce que le groupe a bonne idée de casser souvent le rythme avec des breaks imprévisibles (le riff atomique à la fin « I Confess ») et de donner un aspect agressif plus prononcé à certaines chansons. Comme les guitares bourrées d’effet sur « Kill Rhythm » arrivant en même temps que les cris de Rob Dickinson.


L’album est donc plus ambitieux, même s'il y a toujours ce sens de la mélodie impeccable. « Crank » est l’exemple même d’une perle mélodique pourtant très rock, capable de réjouir petits et grands. Il en va de même pour « The Nude » et « Show Me Mary » qui seront le genre de chansons types récupérées par la britpop.


Mais la principale spécificité de cet album plus écrasant qu'à l'accoutumé, est une superbe ballade ("Fripp") qui vient pointer le bout de son nez vers la fin du disque. Une parenthèse atmosphérique particulièrement réussie, où on découvre un groupe capable de faire preuve aussi d'une très grande finesse.


Chrome semble annoncer quelque part, le revirement que sera Happy Days. C'est à dire un rock alternatif plus orienté hard rock qu'influencé par le raffinement british du shoegaze comme c'était le cas auparavant. C'est à la fois vrai et faux. Cet album donne des indices pour la suite de leur carrière, mais c'est surtout l'aboutissement d'une démarche. Proposer un shoegaze qui réussit à être accessible et épique, sans se formater et sans verser dans le pompeux de bas étage.


Une vraie merveille à connaitre donc.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
9
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Créée

le 31 juil. 2015

Critique lue 140 fois

Seijitsu

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