A force de construire toujours plus haut, arriverons-nous un jour à gratter le ciel de nos doigts ?

« Civilization Is the Tomb of Our Noble Gods » est un album que j'adore.

Par contre je préviens d'emblée, c'est une écoute exigeante qui risque de vous laisser sur le bas côté. Je m'explique ici.. Voyez-vous la musique de « Darkspace » ?

« La Torture des Ténèbres » s'en rapproche grandement, dans le rendu immédiat j'entends à la nuance près que, la formation canadienne, elle, contrairement au groupe suisse, est bien moins basée sur le "riffing" au sens « Metal » du terme. Tout, ou rien. Calme ou Chaos car ici, nous serions plus dans un Black Ambient dont l'aspect hypersonique, aidé par une batterie ne s'arrêtant que pour les interludes (des chansons américaines issues je dirais des années '30 à '50) et des guitares ultra-saturées jouant en tremolo-picking, s'adonnerait à la naissance d'une forte étrange forme de « Noise ».

Conceptuellement apocalyptique et rétro-futuriste, l'album puise dans plusieurs sources afin de donner corps à cette vision toute personnelle (j'insiste sur ce mot : personnel, vu que c'est un One Woman Band) à savoir : expressionnisme, Hugh Ferriss, et Metropolis, pour ne citer que le plus évident.

Pourquoi est-ce que j'apprécie grandement cet album me direz-vous ?

Eh bien, malgré cet aspect "mur de son" fort bruyant et opaque, son écoute me plonge dans un état autre. Comme si, au delà d'un sentiment de violence, lorsque je me sens particulièrement ailleurs, comme en décalage avec le Monde, avec une douleur indescriptible qui me trouble le cœur, je le lance, l'écoute, m'y plonge avec plaisir et me mets à partir loin dans mon intériorité.

Lors de mes errances urbaines, je regarde ces immeubles si caractéristiques et me dis que peut-être, notre Monde moderne est l'indigeste dystopie d'un amoncèlement de rêves qui ont tentés leur mieux pour sceller leurs ambitions à la matérialité. En vain, à en croire la morosité ambiante.

" L'Humanité n'est que le matériel d'expérience, l'énorme excédent de ce qui n'a pas réussi, un champ de décombres " avait me semble-t-il dit Nietzche.

Tout d'un coup, ce bruit cacophonique me touche, une mélancolie se dégage de ces stridentes mélodies perdant là, l'apparat de leur violence pour devenir un sentiment de tragique Majesté, de Grandeur se conjuguant au passé et d'une implacable décadence tentant de fendre le ciel même.

C'est marrant, parce que dans le mot « grisant » il y a « gris ».