CLUB 12345
5.8
CLUB 12345

Album de Bagarre (2018)

2. Rire de l'autre et le voler

Eux, ce sont des perdants. Les zéros de la bande. Mais ils existent. Pour preuve, ils viennent de sortir leur premier album. Ils sont peut-être beaux pour cela finalement. J'éprouve quelque chose de romantique à leur encontre, comme s'il existait, dans l'amour le plus infini, un rattachement vers l'objet le plus vulgaire possible. Peut-être est-ce mon attrait autour des éléments luxuriants.


Eux, ils adorent la fête. Tu vois, leurs productions sont vraiment folles, ils ont un concept épuré et ravageur. J'adore ce ressenti. Quand cet esprit si branché propose aux gens de se déhancher sur leurs chansons, je suis trop sensible. J'ai beau écrire avec une ironie pompeuse et risible, tout ce qui touche autour de ce groupe me fascine.


Commençons sérieusement.


En 2018, soyons capricieux.
Bagarre propose son premier album au mois de mars de cette douce année 2K18, époque où la rupture saisonale arrive bientôt. CLUB 12345 profite de cette période pour proposer un son usant excessivement d'un fond brut et froid, axé pour une programmation plutôt hivernale, mais aussi d'un fond très festif, terriblement nocturne.


Ces pauvres personnes ont compris la formule. Vers du glitch, de la trap, de la house ou même en travaillant avec de la pop, ils combinent tout pour atteindre le fin fond des abysses. Un produit de consommation voué pour un public prétendument branché et jeune se structure avec une certaine réussite à court terme. Il est facile d'expliquer le succès du groupe tant le cahier des charges (le fameux!) est respecté : songe de jeunesse, ironie mal placée, productions lourdes et tendancieuses, anticonformisme du pauvre (cf l'introduction pompeuse ci-dessus), nivellement par le bas, présence d'un son électronique ravageur (sûr et certain que le groupe sera vendu ainsi pour les festivals) et cri de la jeunesse.


Bien évidemment, la jeunesse n'est pas unique. Etienne Daho, Dominique A ou Christophe sont des jeunes selon moi. Pourtant, certains sont plus proches de voir leurs retraites fragilisées par la hausse de la CSG. En parallèle, sous l'égide de la consommation, il doit exister des groupes composés de jeunes hommes/femmes/trans/autres afin de parler auprès de son public si cultivé. Car, dans le cas de Bagarre, on s'adresse avant tout à la jeunesse étudiante, à la jeunesse fêtarde, aux prétendus branchés ou autres personnages aux ambitions démesurées.


En somme, il est difficile de défendre ou de descendre ce groupe. Bien évidemment que je le trouve médiocre, consensuel, fade, peu original, artificiel, faussement grossier, pompeux, prétentieux, risible, mièvre, sans âme, sans dynamisme, sans ambition, maladroit et possiblement désuet. Mais je reste quelqu'un de positif dans le fond. Vu que nous vivons dans une ère où tout se réalise sur le court terme, je me dis que ce groupe tombera, comme Fauve, et périra au profit d'un nouveau projet electro-pop encore plus mauvais. Mais surtout, je m'imagine danser dessus en soirée.


Je renverse ma bière sur un ami un été. Le pire, peut-être, tient compte du fait qu'il s'agissait de ma dernière bière. Je ne survivrai pas à cette soirée. Il faut impérativement que j'aille prendre de l'alcool. Dans cette maison au bord de la côte, où l'enivrement parvient à atteindre un stade critique, je récupère une bière dans le deuxième frigo. Soudain, une personne m'interpelle, me demandant pourquoi irai-je prendre sa bière sans son consentement. Tout transpirant, dans une confusion extrême, j'essaie de me rattraper. "Pas d'inquiétude" rétorque-t-il. Je rejoins le salon, dans lequel la fête continue, les corps se frôlant sous mon regard perdu - j'avais volé six bières, ou peut-être sept, mon esprit se dissipait hors de ma teneur physique. Soudainement, une personne m'interpelle en me demandant si j'aime Bagarre. Je lui réponds positivement, sans doute altéré par les litres de l'alcool. J'essaie de construire un argumentaire pour lui dire à quel point je trouvais ce groupe mauvais à une époque, que j'ai adoré la façon dont ils se sont appropriés les codes de TTC et de la scène alternative du rap français des années 2000, tout en clamant mon amour pour le Buffet des Anciens Élèves. Ce type m'expliquait que ces bases lui étaient inconnues, de quel droit ose-t-il dire cela ? Un bruit sourd frappe le parquet mat du salon, s'ensuit un cri aigu.


Par cette digression qualité éco+, je préfère désormais être plus clair et aussi grossier que ce groupe de pacotille : Bagarre est une parodie de groupe de rap faite pour un public prétentieux et aussi racoleur que cet esclave labellisé deliveroo, traînant dans les rues sombres de ma triste localité. À vrai dire, je suis tout simplement interloqué par un tel succès critique : on adore le clinquant, le bling-bling arty et autres artifices grossiers pour une raison purement économique. Bagarre plaît, donc aimons.


La vacuité plaît au grand nombre, comme le faux underground. Être branché en 2018, une tare ou une réussite ? Je laisse ces beaux perdants répondre.


Par ailleurs, ce groupe n'existera qu'à court terme (comme dit précédemment) et n'aura aucune résonance à long terme dans le paysage musical français, désolé pour les fans hihi

Amomo
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le 18 mars 2018

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Amomo

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