Conflict of Interest
7.4
Conflict of Interest

Album de Ghetts (2021)

*Plus de quinze ans après le début de sa carrière avec le NASTY Crew (il se nommait Ghetto), l'artiste londonien Ghetts est un vétéran de la scène. Bien qu'il soit largement considéré comme l'un des meilleurs paroliers de grime, son image populaire n'a jamais réussi à égaler les éloges.
Cela est en partie dû à son refus continuel de s'engager dans le côté pop de la grime des dix dernières années. Mais c'est aussi parce qu'il n'a jamais tout à fait réussi à sortir l'album. Celui qui marque au fer rouge l'histoire.
"Conflict Of Interest", vient de changer tout cela. L'album présente Justin Clarke, 36 ans maintenant, à son meilleur et prouve au grand public qu'il est un des plus grands talents britanniques


Incroyablement arrangé et finement lyrique, "Conflict Of Interest" renforce encore la prise de contrôle de la grime au premier rang de la musique UK.
Oui, Ghetts met en vedette Ed Sheeran, Stormzy et Emeli Sande mais il parvient aussi à illustrer sa vision éblouissante du Gospel et de la Grime à ses propres conditions, rejoint par de nouveaux venus talentueux tels que Pa Salieu, Backroad Gee et Miraa May.


Première surprise, les singles publiés précédemment comme "Mozambique" feat. Jaykae & Moonchild Sanelly et "IC3" Ft Skepta (2 véritables tueries) sonnent différemment dans le contexte de l'album, il y a des couches supplémentaires de production, qui rendent les transitions entre les chansons sans heurts.


Pour le reste, le crime et la punition, l'amour et la parentalité sont tous intimes ici, le jugement étant réservé à Dieu. Le ton plat et stoïque de Ghetts reste frappant, comme dans les lignes courtes et impitoyables de "Fire and Brimstone". Les synthés tourbillonnent et carillonnent froidement, comme s'ils passaient par les portails résonnant d'un royaume de rêve de l'Est de Londres.
Les menaces de gangsters colorent le "Crud", un morceau terrible où Ghetts et Giggs démontrent tous deux pourquoi ils méritent d'être au sommet depuis si longtemps. Et "No Mercy", avec Pa Salieu, Backroad Gee (tous deux énormes!), avec son crochet cousant les trois styles différents exposés dans un marasme de grognements violents et de cris railleurs, un banger meurtrier de trois minutes et demie. Invité tempétueux sur "Skegman", Stormzy est grand, le titre sent le classicisme.


Mais Ghetts accorde une attention égale à l'amour tout aussi complexe et aux voix féminines. “Thirty-five, still child-like,”, s'insurge-t-il sur la ballade défensive "Good Hearts", à la fois sensible et paranoïaque à l'une des deux femmes de ces chansons, Aida Lae. Emile Sandé joue l'autre, "Sonya", un piano jazz, des cordes et un saxophone. Une claque.
Aussi, il y a "Autobiography". Vraiment la clé de voûte de tout l'album, un morceau incroyablement impressionnant qui parvient à raconter l'histoire de la vie de Ghetts jusqu'à présent sans sacrifier la jouissance du morceau ou le rythme de l'album. 6:50 d'introspection, un Chef-d'œuvre.


L'avant-dernière chanson de l'album est "Squeeze'', une piste cinématographique, qui prépare la piste finale "Little Bo Peep" Ft. Dave, Hamzaa & Wretch 32. Cette chanson relie 3 des paroliers les plus acclamés ensemble sur une production émouvante donnant à Ghetts et Dave une chance de toucher au sujet de l'égarement, les différentes choses auxquelles les gens peuvent choisir d'être accro ou de suivre. Dave contrecarre ensuite cela en disant que si vous choisissez de ne pas suivre les tendances, vous obtenez : “you get Kano and Wretch, You get Skepta and Wiley, you get Dave and Ghetts.” Fort.
L'album se termine alors avec le crochet de Hamzaa (pas le Saucegod) et Wretch, une autre indication que cet album parle de la musique et non de l'ego, car ce n'est pas la voix de Ghetts qui clôt l'album.


A l'écouter d'un seul coup, la première chose qui ressort de "Conflict..." c'est la musicalité. Elle couvre tout, de la production aux paroles, en passant par le flux.
Ghetts a réalisé un album méticuleux. La production est sublime, superposée et riche, avec des rythmes entrecroisés, les paroles de Ghetts, fournissant une ponctuation sur les moments clés, en particulier sur les chansons narratives, sont des plus impressionnantes. La production est issue d'un petit groupe de producteurs: TJ Amadi, Rude Kid, Ten Billion Dreams, Sir Spyro, Reiss Nicholas, BLK Vinyl et Smasher. Avec Ten Billion Dreams ayant des crédits sur 8 chansons et TJ Amadi sur 4 (avec un crédit de producteur exécutif), le son est cohérent et les transitions entre les chansons gardent l'auditeur dans l'excursion musicale.


"Conflict of Interest" est un album qui mérite tous les applaudissements qu'il recevra.
Que quelqu'un soit dans l'industrie depuis plus de 15 ans montre déjà un très grand niveau de compétence mais Ghetts, avec ses mots, métaphores et messages soigneusement conçus et exécutés de manière exceptionnelle, montre magistralement le résultat d'années de perfectionnement de son art.
Pour moi, et je sais que c'est sûrement encore trop tôt pour balancer ça, comme ça mais cet album est une œuvre exemplaire, un véritable plan pour les artistes sur la façon de faire un album réfléchi qui ne compromet pas l'artiste.
"Conflict of Interest", de part sa maturité, son intelligence, sa créativité et sa force est un futur classique.


9/10

BRKR-Sound
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le 20 févr. 2021

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