Detroit Stories
6.3
Detroit Stories

Album de Alice Cooper (2021)

Il s'est passé beaucoup de temps depuis mon dernier sermon sur le précédent album d'Alice Cooper, Paranormal, et, même alors, j'avais laissé un délai conséquent entre sa date de sortie et mon intervention. Comme on retourne au travail, on est parfois heureux de retrouver ses collègues les plus aimables, notre poste qu'on a petit à petit adopté et agrémenté d'une plante verte ou d'un cadre photo, mais au fond, on retourne quand même au travail.
C'est à peu près le sentiment que laisse cet album, Alice est de retour à l'école, le golf, la bronzette et les soirées (sobres) entre copains vont devoir attendre. Ah mais il est aussi de retour à la maison ! Detroit, le berceau de notre cher Vincent Furnier, qui a vu naître également une bouillonnante scène musicale, pas seulement rock, mais jazz, soul (la Motown quand même), hip-hop et techno, est le décor de cet album très rock'n'roll.


Vous l'avez deviné, c'est une habile transition avec le morceau Rock & Roll, reprise du Velvet Underground, célèbre groupe de Detr...New York. On a là une reprise qui semble parvenir tout droit des sessions des Hollywood Vampires, avec une voix lissée et bien mise en avant. Tout est très carré et peu passionné en apparence. Disons qu'elle est une introduction logique à la célébration de l'avènement du genre.


Le rock marque son empreinte sur la piste suivante, Go Man Go avec des riffs sortis du garage qui empruntent aux Stooges mais surtout aux MC5 puisque Wayne Kramer lui même vient donner un petit coup de main aux copains. Malheureusement ce n'est pas non plus un morceau très inspiré malgré une ironie sympathique dans les paroles et, surtout, la répétition du "Go man go" finit par être réellement irritante. On avait pourtant souri à la lecture de la mention "Produced by Bob Ezrin" au dos de la pochette, hélas ceci ne présage pas de l'audace ni du lyrisme légendaire des productions habituelles du bon Bob.
Le ton change avec la guillerette Our Love Will Change the World reprise du groupe pop Outrageous Cherry qui vient, lui, de Detroit ! Ouf, cette fois on est bon. Très beatlesien et même mccartneysien. On se croirait dans les années 60 même si le morceau provient tout droit des années 90. La reprise est enjouée et avec un ton relativement décalé par rapport à l'image d'Alice Cooper si on ne lui connaissait pas ce mccartnisme latent qu'on a pu remarquer ça et là dans sa carrière. Autant dire que le résultat est mignon, guère plus.
On avait pu entendre le morceau Social Debris qui faisait office de préambule à la sortie de l'album. Cette fois-ci on revient à un ton plus hard-rock avec ses solos contractuels et un Alice Cooper plus énervé. L'exploration des friches industrielles de Detroit se fait cependant sans grand risque, tout est relativement propre et aucun danger d'attraper le tétanos sur la tranche d'une vieille poutrelle rouillée, tout a été soigneusement verni et protégé par un cordon de sécurité.
Bon.
1000$ High Heel Shoes flirte avec la soul avec ses cuivres et ses coeurs féminins. On y découvre un personnage victime de son addiction à une fétichiste de luxe au beau milieu de "shoo-doo-wap" et de "yeah-yeah-yeah". On espère que la production prenne de l'audace, renoue avec les morceaux les plus souls de Welcome to My Nightmare par exemple, car il y a de lointaines ressemblances. Cependant rien ne décolle tout à fait, c'était pourtant pas loin, et surtout, un impardonnable fondu conclut la chanson, je ne peux donc plus rien faire pour la défendre !
Hail Mary vient avec un nouveau riff stoogien pour pas grand chose car on retrouve encore ce rock impersonnel malgré des paroles un peu rigolotes.
On reste dans le riff très Detroit City avec...Detroit City 2021, ex Detroit City 2020 qui est au coeur du sujet de l'album. Le morceau se veut un hymne à la gloire de la ville de Robocop en alignant un name dropping digne d'un texte de Senscritique et deux mercenaires, Ryan Roxie et Chuck Garric respectivement à la guitare et à la basse. En fait d'hymne c'est un morceau sympathique et inoffensif.
Bon, bon.
Drunk and In Love voit revenir Dennis Dunaway, bassiste légendaire de l'époque du Alice Cooper Band. Le blues-rock du morceaux nous raconte l'histoire d'amour d'une épave alcoolique qui ne peut que nous rappeler le dur passé d'Alice Cooper au sujet de la bouteille. Les termes sont assez crus et sans guère de compassion pour le personnage. Malgré tout, et ça devient difficile de ne pas se répéter, on ne ressent pas de frisson particulier face à un nouveau morceau trop carré et trop lisse. Ah si, encore un inadmissible fondu en guise de conclusion !


Rien qu'avec son titre Independance Dave avait déjà gagné des points ! Le personnage sans foi ni loi nous rappelle un peu celui de I Love America sur DaDa dont il emprunte le phrasé de vendeur de voitures d'occasion. On renoue enfin avec l'humour de Cooper ainsi que sa galerie de personnages tragi-comiques. Même si musicalement le morceau ne restera dans aucune mémoire, il aura eu le mérite de nous réveiller un peu et de ne PAS finir sur un fondu.


Ecoutons ensemble I Hate You. Il s'agit cette fois d'un hommage à un groupe issu de Detroit, soit Alice Cooper. Le morceau accueille Dennis Dunaway, Neal Smith, Michael Bruce et Alice Cooper, soit, sans le regretté Glen Buxton. Chacun son tour exprime sa haine envers un membre du groupe, lui reprochant ses traits les plus marquants "A guillotine, oh big surprise !", "you're the king of America but you're no Jeff Beck" pour qu'enfin tous s'unissent et crient leur haine envers le grand vide qu'à laissé Glen à sa disparition. C'est drôle et touchant à la fois, il y a même un réel côté punk apporté par le chant approximatif des compagnons d'Alice.
Wonderful World accueille la participation de Tommy Denander, compositeur, musicien et producteur pour des gens aussi divers que Kiss, Michael Jackson ou Ricky Martin. La chanson y gagne un côté catchy et une teinte rappelant les années 80 et c'est à peu près tout ce que je trouve à dire à son sujet.
Les MC5 sont de retour au détour de la reprise de Sister Anne. On se croirait de nouveau face à une reprise des Hollywood Vampires, tant la recette de rock professionnel et sans âme est appliqué à la lettre. C'est regrettable de voir qu'un projet si objectivement cool sur le papier ne se nourrisse pas d'un minimum de passion.


Le périple semble déjà long quand on arrive à Hanging on by a Thread (Don't Give Up), chanson dont le clip avait été réalisé en compilant des extraits de vidéos tournés par les fans aux quatre coins du monde. On a donc là un premier exemple de chanson caritative publiée par Alice Cooper. Le thème est celui de la prévention du suicide avec le numéro de la hotline inclue aux paroles finales, cependant le titre avait revêtu une dimension supplémentaire au cours de la première vague de l'épidémie de COVID19 durant laquelle le morceau est paru. Voilà qui est louable. Si on s'en tient au morceau en soi, on dirait une reprise de Dragontown en plus molle.
De mauvais esprits auraient un peu envie de crier Shut Up And Rock, mais même avec un tel titre, ne cherchez pas autre chose que du remplissage peu inspiré malgré cet humour toujours présent dans les paroles. Je vous laisse vous diriger directement vers le dernier morceau.
Et c'est East Side Story de Bob Seger, de la banlieue de Detroit, qui conclut l'album. Le morceau est réellement bon, l'original en soi, et si la reprise n'apporte pas grand chose malgré un soin particulier apporté aux guitares et aux choeurs. On reste donc un peu sur sa faim, d'autant que, bien évidemment c'est le retour du fondu !


Difficile de parler de ces albums moyens, sans réelle inspiration ni réels faux pas. Difficile aussi d'admettre que l'abrasif et rigolo Alice Cooper semble désormais résigné à publier ces albums sans personnalité qui lui donnent des prétextes à de toujours incroyables tournées. S'il n'a plus rien à prouver, c'est quand même dommage de ne plus le voir affronter de défis improbables ou de flirter avec le mauvais goût le plus patent. Si j'ai pris tant de temps à publier la moindre ligne au sujet de cet album (à la couverture moche qui fait penser à The Dark Knight) c'est bien que, malgré ce que laisse penser la longueur de mon texte, j'avais bel et bien l'impression de n'avoir rien à dire à son sujet. C'était peut-être pessimiste, je désire alors compenser en manifestant mon plus grand optimisme quant au prochain album, qui j'en suis sûr me donnera encore plus de matière et de compliments à faire à notre cher Alice Cooper ! Et puisque je suis quand même un peu rancunier, je regrette de ne pas pouvoir me venger en finissant moi même cette critique sur un fondu !


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le 5 nov. 2021

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I-Reverend

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