Dragontown
6.3
Dragontown

Album de Alice Cooper (2001)

He's sick, he's sick, he's really, really, sick !

Après nous avoir montré les aspects les plus sombres d'un supposé monde fictif nommé "Brutal Planet" qui bien-sûr n'était autre que le notre, Alice Cooper tient à en décrire la ville la plus dangereuse, "Dragontown". Il s'agit bel et bien de la seconde partie de l'album précédent dont il ne constitue pas pourtant le jumeau parfait. Si sur la forme on retrouve ce côté très heavy et industriel, le fond lui s'éloigne un peu du concept. Ici le chanteur se concentre surtout sur une description d'un véritable enfer peuplé de personnages hauts en couleurs. On retrouve avec plaisir cette façon qu' a Alice Cooper de nous dresser des portraits savoureux ou horribles, mais toujours curieusement attachants.
"Dragontown" suit d'un an son prédécesseur, ça s'entend, mais cette fois, l'humour grinçant de la Sale Sorcière revient !


Enfin un peu, on n'est plus à "Zipper Catches Skin".
"Triggerman" attaque dur, et c'est bien ! Suivant un personnage de tueur à gages insaisissable le morceau déjà très énergique à son départ s'emballe petit à petit suivant un rythme effrenné qui augure le meilleur pour la suite. C'est un morceau très nerveux, comme on n'en attendait plus vraiment chez Alice Cooper, avec une montée en puissance explosive et jouissive. Le côté indus est très marqué et malgré un chanteur sur le marché depuis les années 60, ça passe plus que très bien ! Si on demandait à votre cher Révérend de produire un best-of Alice Cooper, celle-ci serait en bonne position. Donc, c'est avec un large sourire que commence l'écoute de cet album.
"Deeper" assombrit un peu le tableau. Non pas que la chanson soit mauvaise, mais l'ambiance tombe dans quelque chose de différent, plus lent et plus lourd. Ce n'est pas une réussite absolue, mais une vraie introduction après l'exlosion "Triggerman" qui servait plus ou moins d'accroche. "Deeper" au sein de cette "Brutal Planet" jusqu'à la fameuse "Dragontown". On note quelques touches orientalisantes au sein d'un gros heavy-indus qui se prolongent sur l'intro de "Dragontown" justement et rapprochent étrangement le morceau d'un de mes petits favoris du nom de "Scarlett and Sheba" sur "DaDa". C'est trop flagrant pour être fortuit, d'autant que les paroles sont tournées vers le souvenir de l'album précédent, présentant la ville comme ce que nous autres mortels appelerions l'Enfer.
"Sex Death and Money" emprunte autant à Rob Zombie qu'à Marilyn Manson avec bien-sûr l'aura du parrain incontestable qu'est Alice Cooper. Le thème principal des deux derniers albums d'Alice Cooper y est exposé sans fard. La noirceur des morceaux, les questions abordées ne sont pas si innocentes et si premier degré qu'on pourrait le croire. Car loin de se complaire dans un mode de vie finalement très rock'n'roll, Alice Cooper en dénonce les abus et regrette la perte de vue de valeurs autrement plus précieuses. Car oui, malgré un décorum plus sombre que jamais, c'est un message positif qu'essaie de faire passer le chanteur (même un message chrétien figurez-vous, mais loin de tout prosélytisme et bourré d'humour noir) en s'interrogeant sur ce qui fait vraiment le bonheur. Ah, c'est sûr, on ne s'attend pas vraiment à ça avec un tel emballage, car oui "Sex Death and Money" n'est rien d'autre qu'une version metal du 5e Livre des Proverbes !
"Fantasy Man" revient une fois de plus sur le thème du tentateur, se présentant comme l'homme de tous les fantasmes. C'est plutôt drôle à travers diverses références à la culture populaire et plutôt efficace avec des guitares nerveuses et un solo de toute beauté.
"Somewhere in the Jungle" est assez explicite et comme souvent dans le rock la jungle est une image pour décrire la cruauté de notre société moderne. Le morceau est lourd, toujours, et à vrai dire un peu plan-plan.
Heureusement que "Disgraceland" vient raviver l'intérêt là où on ne l'attendait pas du tout.
Le titre peu laisser un indice sur ce qui va se passer, mais il faut l'entendre pour le croire. Au sein d'un morceau bourré d'humour noir, Alice Cooper devient le sosie d'Elvis racontant depuis l'au-delà la vérité sur sa fin tragique. Imaginez un peu, pour votre Révérend, entendre Alice Cooper se lancer dans un morceau psychobilly-indus c'est un peu comme un fantasme inavoué ! Il ne manquerait plus qu'un hommage à Johnny Cash pour... on verra dans quelques albums. Bref, comme il l'avait montré sporadiquement par le passé, Alice Cooper prouve que sa voix de sorcière hargneuse est bel et bien un choix et qu'il ne lui est pas impossible de se la jouer voix grâve et délicieusement retro le temps d'un morceau. Pour moi, l'album pourrait s'arrêter là ce serait déjà gagné. (Ce "thank you, thank you very much" essoufflé à la fin !)
Mais "Sister Sara" en a décidé autrement. Nouvelle victime féminine du Coop, il s'agit cette fois ci d'une malheureuse religieuse qui a eu la mauvaise idée de perdre son âme en déniaisant quelques abbés et évêques. Des choeurs féminins rejoignent la fête pour l'occasion d'un morceau en mid-tempo très années 80 à la sauce (oui) industrielle. Ce n'est pas mauvais, mais on préfèrera nettement la "Nurse Rosetta" de "From the Inside" à laquelle fait inévitablement penser cette autre femme dévouée.
Ah et comme on parle de femmes "Every Woman Has a Name", c'est l'heure de la ballade de la mort au sujet de la difficulté de la vie de femme. C'est la tradition depuis "Only Women Bleed" et ce n'est pas parce-qu'on est en enfer que ça va changer. Sans être désagréable, la chanson ne va pas révolutionner grand chose, c'est toujours agréable d'entendre la partie sensible d'Alice Cooper, mais ici c'est très premier degré, trop pour faire vraiment mouche.
"I Just Wanna be God" réveille un peu les esprits. Nerveux et colérique, plein de rancoeur, le chanteur s'exprime ici au nom du diable, On nage en plein blasphème et ça fait du bien ! Même si derrière il y a une bonne cause bien-sûr, puisqu'il s'agit finalement d'une mise en garde. Le personnage sied tout à fait à notre vieille Alice et l'humour de nouveau présent est d'une grande valeur ajoutée.
"It's Much too Late" est une chanson à part dans l'album. Faussement naïve, elle est également moins lourde et très proche de ce que publiera le chanteur dans ces albums à venir. L'influence des Beatles est évidente, avec cet accent de Liverpool plus ou moins bien fait et ces choeurs "la la la la" très connotés 60s. On y découvre un personnage lisse, irréprochable moralement, gentil et naïf qui a bien du mal à comprendre pourquoi il fait malgré tout partie des damnés qui peuplent cet enfer qu'il semble lui même avoir pavé de ses bonnes intentions ! C'est un morceau qui passe plutôt inaperçu au milieu de tout ce chaos, et pourtant il mérite une écoute attentive, comme une petite perle cachée.
"The Sentinel" vient achever cet album, et malheureusement ce n'est pas un morceau particulièrement mémorable. Encore une fois les paroles sont traitées selon le point de vue du diable, mais sans l'humour de "I Just Wanna be God" et toujours sur un mode metal-indus mid-tempo qui finit par lasser arrivé à ce point de l'album.


"Dragontown" est loin d'être mauvais. Mais il souffre d'un trop plein de cette atmosphère indus un peu trop mise en avant qui a tendance à gommer les disparités de l'album en nivelant le tout dans un grondement un peu monotone. C'est dommage, car certaines chansons sont de véritables joyaux comme en témoignent "Disgraceland", "Much Too Late" ou bien-sûr l'énervé "Triggerman". Alice Cooper s'est lancé à fond dans cette orientation pour la dernière fois. Les albums suivants reviendront à une production plus épurée, bien moins lourde, qui laissera aux chansons le loisir de respirer librement sans être engoncées dans un concept qui ne leur est pas toujours adapté.
"Dragontown" mérite donc une visite approfondie, pour peu qu'on n'oublie pas d'aller voir au-delà pour découvrir d'autres facettes nettement plus subtiles de notre cher Vincent Furnier.

Créée

le 14 avr. 2014

Modifiée

le 2 juin 2014

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I Reverend

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