Il faut bien admettre que la première partie de "Everything Not Saved will be Lost", publiée en mars dernier n’avait pas pleinement recueilli les suffrages de la critique, ni même le succès populaire espéré par Yannis Philippakis et sa troupe. Nombreux furent les commentaires mitigés sur un album qui hésitait entre « stadium rock » façon U2 et expérimentation courageuse, frôlant même parfois les terres un peu honteuses du Rock Progressif millésimé années 70 et 80. Heureusement, l’approche furieusement rentre-dedans adoptée par Foals sur scène, comme nous avions pu le constater lors de leur passage dantesque à Rock en Seine en août dernier, compensait largement les indécisions de l’album.


Le second volet de cette œuvre présentée par Foals comme leur plus ambitieuse à date a donc été publiée en octobre, et il n’est pas certain qu’elle lève les doutes de ceux qui en avaient, même si, à l’inverse, elle contentera à nouveau les fans. Présenté comme une déclaration politique forte, voire un accès de colère contre notre époque, "Everything Not Saved will be Lost" monte donc le ton dans son dernier volume, plus violent, plus emphatique aussi. Le single "Black Bull", tentative furieuse de challenger les dérives de la masculinité, est en quelque sorte une réécriture de "What Went Down" par un groupe qui aurait écouté "Planet of Sound" des Pixies : c’est extraordinairement efficace sur scène, ça manque un peu de finesse sur disque. En fait, ceux qui n’aiment pas Foals ne trouveront sans doute que peu de raisons de se mettre à les aimer ici, car le groupe ne semble pas sortir de sa formule hyper efficace mêlant funk et désespoir, formule à laquelle la rage de Yannis – incontournable ici – a tendance à enlever finalement de la subtilité, voire de la profondeur.


Pas de vraie rupture avec son prédécesseur, une continuité indéniable avec les structures, les ambiances, les thèmes des trois albums précédents, "Everything Not Saved will be Lost Part 2" ne marque pas l’évolution espérée chez un groupe qui a atteint désormais la pleine maîtrise de son Art, mais qui peine sans doute un peu à se réinventer. Le chemin de l’excès attire certainement Yannis Philippakis, lui qui prend des risques physiques de plus en plus conséquents lors de ses concerts, et la recherche d’une communion cathartique avec son public permettant de relâcher tout ce dégoût qu’il ressent dicte clairement sa démarche artistique. C’est impressionnant, souvent même extraordinairement plaisant, d’une manière paradoxalement superficielle… Ce n’est pas encore le second souffle dont a besoin un groupe parvenu à l’apogée de sa trajectoire à date.


[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/11/15/foals-everything-not-saved-will-be-lost-part-2-la-colere/

EricDebarnot
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le 14 nov. 2019

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Eric BBYoda

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