James Newton Howard n'a rarement autant brillé qu'à travers le prisme de la fantasy au cinéma. Peter Pan, Atlantis : The Lost Empire, Lady in the Water, The Last Airbender, Maleficent, The Water Horse, Nanny McPhee Returns sont parmi les bandes originales les plus appréciées du compositeur. Et pour cause, James Newton Howard possède une aisance naturelle pour ce registre (et tant d'autres), lui et ses orchestrations limpides comme de l'eau de roche (écoutez The Healing de Lady in the Water), ses cordes poignantes (Flow Like Water de The Last Airbender), ses chœurs féminins voluptueux (Fairy Dance de Peter Pan), etc... Il semblait par conséquent être le candidat naturel pour succéder à Alexandre Desplat, Nicholas Hooper, Patrick Doyle & John Williams dans la saga Harry Potter. Seulement voilà, la mission de James Newton Howard est ici double, assurer une continuité tout en proposant un son nouveau. La mission est accompli, mais dans l'histoire, il y a un perdant : l'amateur de la musique de JNH.

Dans Fantastic Beasts and Where to Find Them sont discernables deux axes, très schématiquement : l'axe des héros et l'axe des méchants. Voilà, bonjour manichéisme, comment ça va ? Tenez, asseyez-vous, tarte ou strudel ?

Dans l'axe des gentils (histoire de faire encore plus manichéen), on dénombre un certain nombre de thèmes et d'idées musicales pour caractériser Newt(on Howard : tout est lié !), Jacob, le thunderbird, la magie, l'amour, jusqu'au film en général. Et c'est là que nous allons commencer. Dans le Main Titles, après le thème d'Hedwig, est joué un petit motif porté par des chœurs féminins typiquement Howardiens, un jolie entrée en matière, avant la mauvaise nouvelle qui se caractérise par ces satanées percussions, dont il sera question plus tard. Il s'agit d'un petit motif récurrent dont le but est de caractériser les animaux fantastiques, ainsi on l'entend dans Billywig ou encore dans The Demiguise and the Lollipop. Toujours dans le Main Titles, un deuxième thème nous apparaît, plus jovial, celui de Newt. Il se manifeste dans un premier temps, par des ostinati des cordes, et dans un second temps, par un petit motif clairement plus défini renvoyant quelque peu au thème du thunderbird, logique vu que Newt en est le propriétaire. Le troisième thème, celui de la magie, intervient dans There Are Witches Among Us / The Bank / The Niffler, il est porté par les chœurs si chères au compositeur depuis Peter Pan sur un tapis de célesta. Un très joli thème qui, à l'instar du Lily's Theme d'Alexandre Desplat, éclipse le temps de l'album le thème composé par John Williams. Dans cette même piste, intervient le premier thème consacré à Jacob Kowalski, un thème assez penaud, renvoyant à l'état d'esprit du personnage quand la banque refuse de lui faire un prêt pour sa boulangerie, peu utilisé durant le film et l'édition simple de la BO, on le retrouve dans une version bien plus mastoc avec tuba et orchestre dans Kowalski Rag. Tuba qui sert à caractériser Kowalski, quand son thème jazzy, exposé en fin d'album et de film, n'est pas joué, par exemple dans Pie or Strudel / Escaping Queenie and Tina's Place. Par la suite, un nouveau thème, proche de celui de Newt nous est présenté dans Inside the Case, d'abord amorcé par les cordes, il explose littéralement grâce aux cuivres lors de l'apparition du thunderbird dans le film. Dans Tina and Newt Trial / Let's Get the Good Stuff Out / You're One of Us / Swooping Evil, JNH délivre un nouveau thème pour Newt, qui a pour vocation de souligner ses actes héroïques. Enfin, les deux derniers thèmes s'inscrivant dans cette partie sont ceux consacrés à l'amour. Le premier est celui de l'amour liant Newt avec Leta Lestrange et Tina, il apparaît pour la première fois dans A Close Friend, il peut être joué au piano ou avec des chœurs. Le second est celui liant Jacob et Queenie, c'est un petit motif notamment entendu à la fin de Newt Says Goodbye to Tina / Jacob's Bakery. Au début du film, c'est-à-dire dans Pie or Strudel / Escaping Queenie and Tina's Place, leur amour naissant est transcrit par quelques notes de célesta. Par ailleurs, le contexte du New York des années 30 est transcrit par la présence récurrente du jazz, JNH l'utilise notamment dans Tina Takes Newt in / Macusa Headquarter, Gnarlak Negociations, ou encore Blind Pig. Le thème de la magie connaît quant à lui une délicieuse variation jazzy dans A Man and His Beasts, et dans Kowalski Rag, le second thème de Jacob est interprété par un véritable Jazz Band. Enfin, les animaux fantastiques ont droit à leur lot d'instruments exotiques, surtout des bois, dans The Erumpent et The Demiguise and the Occamy.

Ceci étant fait, passons aux méchants. Ici, les thèmes sont moins nombreux, ils sont au nombre de trois. Un thème est consacré à Credence, il apparaît à la fin du film et de la BO dans He's Listening to You Tina, il s'agit d'un thème tragique et poignant joué aux cordes. Un autre thème est consacré à l'obscurus, dans The Obscurus / Rooftop Chase, JNH l'amorce par un grondement de synthétiseur, puis fait intervenir les cordes qui joueront leurs ostinati, enfin les cuivres garnissent le tout. C'est un thème froid, monstrueux, impitoyable, donc approprié pour qualifier la créature. Enfin, pas vraiment un thème, mais plutôt un motif - anti-mélodieux, synthétique et répétitif - est associé à Percival Graves dans Relieve Him of His Wand / Newt Releases the Thunderbird / Jacob's Farewell. Mais tout cela intervient en fin de film, alors comment JNH se débrouille-t-il pour caractériser les forces du mal dans un premier temps ? Il le fait grâce à l'orchestration, ainsi il privilégie les synthétiseurs, les boucles et les chœurs féminins, plus abstraits qu'en d'autres occasions, écoutez Credence Hands Out Leaflets pour vous en persuader. Autres éléments, la viole de gambe et le violoncelle baroque intervenant dans In the Cell. De ce fait, quand les circonstances l'imposent, la musique sait se rendre rugueuse et froide. Hélas, à l'écoute seule, cet axe se révèle peu intéressant, étonnant venant du compositeur de Maleficent. De ce côté là, Nicholas Hooper semblait bien plus inspiré.

Récapitulons : un thème principal, un thème pour la magie, deux thèmes pour Newt, deux thèmes pour Jacob, un thème pour le thunderbird, deux thèmes pour l'amour, un thème pour Credence, un thème pour l'obscurus et un thème pour Gaves. Au final, ce sont douze thèmes que JNH composa pour Fantastic Beasts and Where to Find Them. C'est beaucoup, et pourtant la charpente thématique n'est pas parfaite. En effet, au final, seuls quelques uns bénéficient d'un travail de variation relativement suffisant. C'est le cas du thème de la magie et du thème de l'amour liant Newt et Tina. Le premier sait se montrer tantôt onirique (There Are Witches Among Us / The Bank / The Niffle), tantôt grandiloquent (Tina Takes Newt in / Macusa Headquarter), tantôt joueur (Pie or Strudel / Escaping Queenie and Tina's Place). Le deuxième quant à lui, se montre nostalgique (A Close Friend), éploré (Newt Says Goodbye to Tina / Jacob's Bakery), et grandiose (Relieve Him of His Wand / Newt Releases the Thunderbird / Jacob's Farewell). Seulement voilà, suffisant ne veut pas dire satisfaisant, le thème de la magie laisse un arrière goût d'incomplétude. Et concernant les dix autres thèmes, ils demeurent statiques en toutes circonstances, le seul à ne pas en souffrir, c'est le thème jazzy de Jacob.

Mais si JNH n'est pas parvenu à peaufiner ses thèmes, c'est peut-être parce qu'il était, en parallèle, occupé à assurer la continuité stylistique d'une longue saga. La première influence notable est celle de John Williams. Ainsi, le thème de Hedwig est utilisé deux fois, et le thème de la magie exposé dans There Are Witches Among Us / The Bank / The Niffler bénéficie d'une orchestration très Williamsienne. De la même façon, certains moments d'actions empruntent au bonhomme barbu quelques uns de ses gimmicks les plus célèbres (Tina and Newt Trial / Let's Get the Good Stuff Out / You're One of Us / Swooping Evil). Autre emprunt, le motif exposé au milieu de The Demiguise and the Occamy, tout droit sorti de The Arrival of Baby Harry. Deuxième influence, moins évidente, celle de Patrick Doyle que l'on constate dans les percussions du End Titles. Troisième influence, celle de Nicholas Hooper. Elle se manifeste d'une part, par le leitmotiv joueur du thème de la magie ouvrant Pie or Strudel / Escaping Queenie and Tina's Place car tout droit sorti de Living Death, et d'autre part, par le thème de Newt, en raison de ses ostinati dont l'entrain rappelle Dumbledore's Army. Enfin, dernière influence, celle d'Alexandre Desplat, plus discrète. Les nappes synthétiques couvrant les premières minutes de Tina and Newt Trial / Let's Get the Good Stuff Out / You're One of Us / Swooping Evil sont réminiscentes du fameux Severus and Lily.

Curieusement, JNH est le premier compositeur de la saga à réellement se soucier du travail de ses prédécesseurs et à mon avis, ça lui a causé du tort. Se faisant, il a alourdi sa bande originale, la rendant schizophrène. Pire encore, certainement ici la faute à la musique temporaire, le compositeur s'est permi divers hommages, divers clins d'œil envers divers compositeurs pourtant étrangers à la saga. Ainsi, du Willow de James Horner vient se glisser au début de There Are Witches Among Us / The Bank / The Niffler. Dans la même piste, on relève quelques notes synthétiques résonnant comme du Thomas Newman. Plus loin, dans The Demiguise and the Occamy, le leitmotiv du thème héroïque de Newt dispose de l'entrain naturel dont fait preuve John Powell sur ses How to Train Your Dragon. Une piste plus tard, dans A Close Friend, l'accent est clairement porté sur Edward Scissorhands et par conséquent sur Danny Elfman. Enfin, dans le Main Titles, on note l'influence Zimmerienne qui vient si souvent troubler les BO de JNH ces derniers temps.

John Williams, Patrick Doyle, Nicholas Hooper, Alexandre Desplat, James Horner, Thomas Newman, John Powell, Danny Elfman, Hans Zimmer ! L'influence de ses compositeurs planent sur cette BO, si bien qu'on se demande : Où est James Newton Howard ?

Evidemment, occasionnellement certaines caractéristiques nous rappellent qu'il s'agit bel et bien d'une BO de JNH. La gestion des cordes typique du compositeur dans He's Listening to You Tina, le mickeymousing tout droit sorti de Peter Pan dans There Are Witches Among Us / The Bank / The Niffler et Pie or Strudel / Escaping Queenie and Tina's Place, les habituels chœurs féminins également issus de Peter Pan dans Tina Takes Newt in / Macusa Headquarters, l'orchestration générale typique du compositeur dans le cœur d'Inside the Case, les boucles synthétiques de The Happening dans Credence Hands Out Leaflets, quelques sonorités rappelant Peter Pan et Atlantis : The Lost Empire dans Tina and Newt Trial / Let's Get the Good Stuff Out / You're One of Us / Swooping Evil, et enfin la viole de gambe dans In the Cell qui rappelle forcément Hunger Games. Mais c'est tout. A l'instar des marques de fabrique des compositeurs cités précédemment, la patte Newton Howardienne n'est présente que ponctuellement. Cela est certes très loin d'être suffisant pour faire de Fantastic Beasts and Where to Find Them, une bande originale ratée, l'ensemble, malgré ses nombreuses influences, demeure cohérent et très bien écrit, mais c'est suffisant pour en faire une BO décevante pour un admirateur de JNH. Donc 8/10, mais un petit.

Alex__
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le 23 févr. 2017

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