Passionnant, désordonné, drôle et terriblement beau et profond à la fois.

1996, je suis au lycée, j'ai 18 ans et j'écoute, sur mon "Discman", TIDAL, un album acheté à Virgin Megastore. Haaaa les années 90!
J'avais découvert Fiona Apple grâce à "Shadowboxer", un titre piano/drum teinté de blues mais surtout une jeune voix (19 ans à l'époque!) au potentiel incroyable, chaude et puissante.
L'album qui l'accompagne est, tout simplement une partie de ma jeunesse. Elle écrit les paroles, la musique, joue du piano, et délivre des ballades profondes, revisite la soul, fait des envolées sonores. Le tout ressemble à un album de la maturité alors que non, c'est son premier album, merde alors.
La suite? J'abandonne complètement Fiona, sa musique est moins accessible et la musique électronique m'appelle.

24 ans plus tard, je vois qu'elle apparaît parmi les meilleures sorties du 17 avril 2020 et surtout, les critiques sont dithyrambiques. J'ai beau avoir la tête dans le Hip-Hop US depuis quelques paires d'années, je suis curieux et je vais me laisser tenter. Je n'en lis pas plus sur ce nouvel opus et je me lance.

(50 min d'écoute, puis je relance l'album... J'y retourne dans la journée puis encore une fois pour écrire ces lignes, bouche bée)

VERDICT :

Enregistré partout dans sa maison de Venice Beach avec des contributions de la batteuse Amy Wood, de la mannequin / actrice Cara Delevingne, du bassiste de Soul Coughing Sebastian Steinberg et de Bobb Bruno de Best Coast. Du beau monde peut-être, je ne les connais pas tant que ça, c'est surtout qu'on a l'impression d'entendre une famille, des amis, des proches vivre.
"Fetch the Bolt Cutters" est un album à la fois ludique et urgent, mélodique et chaotique, vaste et bourré de petits détails où Fiona Apple raconte des histoires de féminisme, des partenaires abusifs, les sacrifices de l'amour et les dîners où elle a décidé de ne plus être silencieuse. Il y a une sensation que ce qu'elle chante est extrêmement important. Les paroles sont souvent lourdes sans être pesantes, elle répète parfois un vers, insiste sur des mots, sait très bien ce qui marque l'auditeur pour longtemps.
Au niveau musical, sonore, tout était réuni pour m'agacer : Boeuf musical où chaque potes se met à taper dans les mains, un pot en plastique ou sur une casserole avec une cuillère en bois? Et bien oui c'est ça et mieux que cela. Par un savant mélange de piano, de chorales DIY au accents "Bjork-esques", d'aboiements et miaulement, de cordes grattées, de percussions et autres bruits et cliquetis, le résultat phonique est passionnant, désordonné, drôle et terriblement beau et profond à la fois. Et en plus, tout cet alliage ne sonne jamais comme une cacophonie.

Fetch the Bolt Cutters a une férocité sauvage contrôlée. Les bruits, les notes, les sons, les tapotements incessants et les battements inépuisables font tous partie du maelström de l'album.
Il me faudra encore et encore écouter cet album pour en déchiffrer chaque subtilité, c'est évident car chaque écoute épaissit le plaisir ressenti.

Sur le papier, le genre de recueil qui avait tout pour m'exaspérer mais l'inverse s'est produit.
Fetch the Bolt Cutters est vivant, enivrant, ancré dans une vérité et une réalité rarement ressentie pour ma part.
Une claque.

9/10