Voici donc, seize ans après le premier épisode, Genesis Revisited II, dont Steve Hackett a supervisé la création. Si le maestro avait pu, lors de son premier essai, se laisser aller à quelques expérimentations sur le matériel original, ici il n’en est rien ou presque : c’est avec révérence et respect que les invités ont abordé ce nouvel opus.


La liste de ces invités est longue et prestigieuse, et je retiendrai surtout les noms de Mikael Akerfeldt, Steven Wilson, Neal Morse et John Wetton. Et les morceaux choisis ? C’est un melting-pot varié et puissant, avec des extraits de Nursery Crime, Foxtrot, Selling England By The Pound, The Lamb Lies Down On Broadway, A Trick Of The Tail et Wind And Wuthering, les albums de Genesis avec Steve Hackett.


Évidemment, il est difficile de critiquer la musique présentée sur cet album, puisque ce ne sont que des reprises, et des reprises de classiques! Hackett s’est fait plaisir, et n’a sélectionné que des morceaux bien rodés, connus des fans et considérés comme faisant partie des meilleurs. C’est donc sur les choix de production, des musiciens, et les choix ou l’absence de choix en matière d’interprétation que va porter cette chronique.


Ce double album, assez gargantuesque, m’aura permis de constater à quel point les deux performers exceptionnels que sont (ou qu’étaient) Phil Collins et Peter Gabriel sont quasiment irremplaçables. A quel point il était totalement illusoire de s’imaginer qu’avec cette méthode révérencieuse on allait pouvoir éprouver d’autre sentiment qu’une admiration renforcée face aux performances de ces deux hommes, tant leur pendant contemporain est loin d’être à la hauteur. Il me faut néanmoins, pour tempérer cette analyse brutale, préciser que les morceaux en question, interprétés par le line-up classique, je les ai écoutés des dizaines, voire des centaines de fois, depuis plus d'une vingtaine d’années, et je les connais donc par cœur, absolument sur le bout des doigts. Je connais chaque glissement de basse, chaque chuintement du timbre de caisse-claire, chaque note d’un solo de guitare ou de Moog et chaque respiration de Gabriel. Il me fallait donc, dans un premier temps, passer outre l’exercice inutile et chiant, mais presque inévitable, comme par réflexe, du jeu des mille différences. Et je dois avouer que la méthode Hackett, à savoir l’usage de sonorités et de partitions quasi-identiques à l’original, ne m’a pas facilité les choses. Il aurait été plus facile d’admettre une différence flagrante si Genesis avait été repris par un groupe all-star de pagan-folk scandinave, j’aurais pu plus facilement me plonger au cœur des morceaux : de par ma nature de fan ultime, je suis longtemps resté en surface, étudiant les choix, les discutant, les interprétant, les remettant en question. J’ai fini par les accepter, pour certains, et au sortir de cet exercice j’ai pu déterminer différentes catégories dans lesquelles classer ces morceaux.


Il y a dans un premier temps les ratés, les foirages, qu’ils soient dus au choix des interprètes (Amanda Lehmann, hideuse sur Ripples) ou des morceaux. Afterglow, déjà un peu mou à la base, s’est encore ramolli avec la prestation de John Wetton. Étrange choix d’ailleurs, que cet Afterglow, qui déjà, clôturant Wind And Wuthering, annonçait à sa manière que l’âge d’or était terminé. Premier morceau un peu lourdingue et légèrement foiré de Genesis, le premier d’une longue liste.


La deuxième catégorie inclut les morceaux dont la version moderne est intéressante, sans aller plus loin, qui raviront les nostalgiques mais n’arrivent que douloureusement à se hisser au niveau de l’ongle incarné de Mike Rutherford. C’est le cas pour Dancing With The Moonlit Knight, dont la reprise n’a sans doute pas empêché Gabriel de dormir. Sur ces morceaux, seul Hackett tire son épingle du jeu, et encore, on peut se poser la question : le mec a le même son et le même jeu ou presque qu’en 72, est-ce vraiment une bonne chose ? On sait bien sûr qu’il le fait intentionnellement, pour les besoins de cet album, mais tout de même, les rares différences notables en matière d’intro ou de solos sont peu intéressantes.


Troisième catégorie, et ça commence à devenir plus intéressant vous verrez, les morceaux où le choix de l’invité vocal présente une intérêt certain, même si la qualité de sa prestation n’est guère au rendez-vous. Je prends pour exemple Can-Utility And The Coastliners, une rareté (la seule), sans doute jamais jouée en concert depuis 1974, et qui est ici confiée aux bons soins de Steven Wilson. Ou le dantesque Supper’s Ready, dont les premières parties sont allouées à Mikael Akerfeldt. Les deux compères de Storm Corrosion, sans doute au summum de leur joie à l’idée d’interpréter ces classiques, nous livrent tous les deux une performance en demi-teinte, mais malgré cela, c’est assez kiffant de les entendre sur ces morceaux.


Enfin, la dernière partie ne va concerner que deux hommes, et un seul type de morceau : les réussites franches. Il y en a peu, car j’ai décidé, comme vous l’avez compris, de ne pas inclure dans cette catégorie les morceaux bien repris, avec respect et qualité, mais peu de saveur inédite. Ici, on a d’abord la voix très spéciale de Nad Sylvan. Sachez déjà qu’il m’a fallu des jours, des semaines, pour m’habituer à son timbre, lorsque je l’ai découvert il y a quelques années. Et pourtant, il fallait ça pour reprendre dignement les lignes vocales de Gabriel sur le sublime The Chamber Of 32 Doors et l’éternel The Musical Box, et même insuffler un vent de fraîcheur à Eleventh Earl Of Mar. Et puis, sans conteste (ou presque, je trouve cette version de 32 Doors exceptionnelle), c’est The Lamia qui emporte la palme. Déjà l’un des plus beaux morceaux du groupe, nous avons ici droit à une version fantastique et un numéro particulièrement émouvant de Nik Kershaw (oui c’est lui, The Riddle et Would’nt It Be Good), et puis, un moment que tant d’entre nous attendais depuis des lustres, un duo/duel Steve Rothery/Steve Hackett, au final assez discret, je suis bien obligé de le reconnaître.


Ce qui apparaît comme flagrant à l’écoute de cet album c’est que même les morceaux issus de la dernière catégorie souffrent terriblement de la comparaison avec les originaux. On savait, bien sûr, que Phil Collins était un batteur d’une finesse inédite en 1972 et rarement atteinte depuis. Il était également évident que Peter Gabriel, par sa puissance vocale, sa virtuosité et sa créativité sans pareille n’avait que très peu de concurrents dans ce domaine, hormis Fish et sans doute Bruce Dickinson. Le constater à chaque instant de cet album lui a donné une dimension douloureuse, et m’a surtout donné envie de réécouter les originaux. C’est n’est qu’en faisant délibérément quelque chose de très différent, en termes de qualité vocale, que ce Genesis Revisited II parvient à exister. L’ombre de Gabriel plane sur l’album bien plus que je ne m’y attendais, et fait que je ne parviens toujours pas à me décider : à réserver aux fans ? A éloigner des fans ?


Ces mots reviennent sans cesse, mais le problème demeure.

Silvergm
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le 20 mai 2021

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