Glitch Princess
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Glitch Princess

Album de Yeule (2022)

Adam Jensen déménage à Londres et fait de la pop

Après 6 mois de teasing et de promo, des lives twitch en pagaille et la vente d'environ 15000 produits différents (parfums, cheveux (?), vêtements neufs ou de seconde main, carnets de notes), Yeule se décide en février à nous livrer son deuxième album, Glitch Princess.

Est-ce que l'artiste de Singapour, après un premier album réussi, pourra marquer le doublé ? Peut-on envisager un futur hat trick ? Et que penser de cette cover douteuse qui a été détourée sur Photoshop à la truelle ?


Tout aura une réponse dans cet écrit que je vous propose aujourd'hui, et plus encore (!).



My name is Nat Ćmiel

I am 22 years old

I like music, dancing ballet

Crushing up rocks and snorting them

And genderless people



Glitch Princess commence par le morceau intitulé My Name is Nat Ćmiel. Spoken Word. Mélodie désincarnée. Voix tordue et retordue par les différents traitements sonores. C'est ainsi que s'ouvre le projet. Yeule y parle de son chat, de la cocaïne qui traine dans ses narines, de ce qui s'apparente à ses troubles du comportement alimentaire (I like to eat, but I don't like it when it lingers on my body) et de son identité sexuelle (I like being a boy, I like being a girl, I like getting fucked, and I like to fuck).


Yeule, dès l'ouverture de l'album, s'ouvre donc complètement à l'auditeur.

C'est ce premier morceau qui marque d’entrée de jeu la différence majeure avec Serotonin II et aussi ses premiers EP : tout y est plus explicite, plus graphique, moins abstrait. Cela plaira à certains, probablement moins à d'autres de par les thèmes abordés, même si la musique de Yeule n'a jamais été à priori très joyeuse. Mais c’est un marqueur de l’évolution de sa musique et de ses thématiques qui y sont entrelacées.


Les quatre morceaux qui suivent ce spoken word flirtent entre l’hyperpop, l’avant-garde pop (quels termes à la con sérieux), l’ambient et d’autres étiquettes musicales que détesterait Yeule, qui a décidé de devenir cyborg pour s’affranchir de tous les qualificatifs que l’on pouvait poser sur sa personne et sa musique. Ces morceaux parlent d’amour, de dépression // de trouble mentaux. On rentre sur ce terrain abimé qui est dépeint par Yeule, où seul l’ocre et le noir auraient place. Rien de très nouveau sous l’horizon, le soleil, bref je ne connais pas l’expression de toute façon. Mais c’est très efficace.


Et à un moment, Don't Be So Hard on Your Own Beauty déboule. C'est à mes yeux le pivot de cet album. On sort la guitare acoustique, la voix, et on y va. Après avoir traversé pendant 5 morceaux des plaines désolées, ce morceau dénote dans l’ensemble du projet. Le côté acoustique renforce logiquement ce pas de côté, mais ce qu’il raconte également.


N’étant pas un pro du sequencing et n’étant malheureusement pas disposé de l’esprit d’analyse du duo de youtubeurs Amin et Hugo, je ne voudrais pas tirer des conclusions trop hâtives, mais j’ai l’impression que c’est ce morceau qui scinde le disque en deux parties. Si la première partie est très calme, refermée sur elle-même, la seconde partie, elle, explose. N’étant pas rémunéré par le site senscritique.com, je n’ai pas eu le courage de sortir Audacity pour mesurer le BPM de chaque morceaux. Ceci reste donc uniquement mon impression.


Too Dead Inside et Bites on My Neck, quant à eux, sont mes morceaux préférés de ce projet. Balade désabusée pour le premier et incroyable banger parlant de trucs que je ne comprends absolument pas pour le second, c’est à mes yeux le point culminant de l’album. La drogue étant un sujet phare de ce projet, peut-être que Yeule voulait mimer une montée d’acide après avoir passé trop de temps à broyer du noir. Je n’en sais trop rien. #Analyse


Après des très bons morceaux et n’oubliant pas ses amours pour la musique bruitiste - toutes proportions gardées -, Yeule décide alors de conclure avec le morceau Mandy. Tout sonne alors comme le début d’une longue descente de MD qu’elle décrit à demi-mot, renforcé par le côté très anxiogène des percussions et des lignes vocales. En plus d’être un bon morceau et concluant très bien l’album,Mandy fait écho au morceau Veil of Darkness présent sur Serotonin II sans pour autant sonner comme une copie de ce dernier. On dirait un détail de geek. Ça l’est. Mais ça fait du bien aussi.


Seul réel point noir au tableau que Yeule nous a peint pendant quasiment deux ans : le morceau de 4h44. Mandy concluait à mes yeux l’album très correctement et je peine à comprendre l’intérêt d’inclure ce morceau à l’album, il s’auto-suffisait largement et il gâche complètement le côté performance qu’il dégageait initialement. Comme si, finalement, ce long plan séquence n’était qu’une scénette bonus ajoutée à la fin d’un film que l’on passerait tous.



Around my neck, a friendly machine

Pretends to wipe my memory clean

Pretends to make it all go away

Pretends to make me feel quite okay



Paradoxalement, même si Glitch Princess peut être décrit comme l'album le plus personnel de Yeule au moment où cet incroyable travail d'analyse vous est fourni (Mars 2022 donc), il aura fallu pour aboutir à la genèse de ce projet la présence de Danny L. Harle, qui coproduit la quasi-totalité de l'album. Rendons partiellement à César ce qui appartenait partiellement à César donc, car c'est une pièce majeure de Glitch Princess


Simple spéculation naissant de ce constat : il est probable que la présence de ce dernier ait aidé Yeule à aborder, "assumer" ou juste approfondir tout ce qui pouvait relever des sujets concernant la transidentité. Cette spéculation vient simplement du fait qu'il est signé sur PC Music, un label avec un nombre assez grand d'artistes militant pour les causes LGBT. On peut citer entre autres SOPHIE, A.G. Cook, Hannah Diamond, Hyd, etc. Cela reste une interprétation, je ne veux en aucun cas retirer à Yeule le "mérite" d'avoir abordé ces sujets.



We'll make it go away

The pain can go away

They said it'd go away

With Mandy

Mandy



Serotonin II est un album qui m’a longtemps accompagné. Il a longtemps été « présent » avec moi car il évoque des sujets qui, je pense, touchent globalement beaucoup de personnes issues de ma génération, entre les zoomers, les boomers et les autres (j’ai ni 18 ni 30 ans quoi). Il évoquait les rapports humains vécus sur Internet et comment on vivait plus globalement le rapport à Internet d’une part, mais les parties vocales étaient suffisamment abstraites pour qu’on puisse aussi s’imaginer autre chose. Chacun pouvait avoir son propre disque, en quelques sortes. Même s’il existe encore des reliquats de ce que j’évoque sur Glitch Princess (je pense à Friendly Machine), c’est quelque chose qui est moins présent et qui est de toute façon une démarche totalement avouée par Yeule en interview.


Je ne sais pas si Glitch Princess m’accompagnera aussi longtemps. Se voulant beaucoup plus vocal et par extension plus explicite, l’album me plait un brin moins que Serotonin II. Il évoque aussi des thèmes qui me parlent moins. Pour autant, le texte n'est pas la seule chose à retenir évidemment. Yeule, avec le soutien d'autres artistes, a réussi à étoffer une nouvelle palette sonore. J’aime énormément la deuxième partie du disque, commençant à mes yeux après Don’t Be So Hard on Your Own Beauty. Là ou une certaine appréhension, légitime, pouvait être évoquée quant au futur de la musique de Yeule après la sortie de Serotonin II et sa capacité à la faire évoluer sans se trahir, je pense qu'on peut dire maintenant que Glitch Princess arrive à conserver son identité originelle sans pour autant être une copie carbone de son grand frère.


Même si pour un cyborg, être une copie carbone d'un ancien androïde n'aurait pas posé de souci.


Je n’ai pas parlé de tout ce qui était extra-musical contrairement à ma « critique » sur Serotonin II pour la simple et bonne raison que Yeule a réussi à rendre sa musique suffisamment explicite pour qu’il n’y ait pas besoin de l’expliquer outre-mesure. Cependant, si ça vous intéresse, une interview écrite a été réalisée pendant la période de promotion de Glitch Princess.
https://musictech.com/features/interviews/yeule-cover-interview-2021-glitch-princess/
Pour ceux qui ne sont vraiment pas frileux avec l’anglais, vous pouvez aussi écouter un podcast qui a été enregistré par Fader.
https://www.thefader.com/2022/02/04/yeule-glitch-princess-interview-podcast-friendly-machine
Et pour finir, une review en anglais que j’ai trouvé assez intéressante.
https://rateyourmusic.com/music-review/Yata/yeule/glitch-princess/166238549

adriyain
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le 22 mars 2022

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adriyain

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