Tim 28, Jeff 30. A eux deux, ils n'auront pas vécu plus de 58 piges. Et bien que la très courte discographie de Jeff soit de qualité, on ne peut s'empêcher de citer son padre comme LA référence, encore et toujours. Difficile de passer après un tel talent paternel. "Les enfants de la balle" qu'on les appelle, que ce soit en zik qu'au cinoche. Jeff a baigné dès son plus jeune âge dans la musique de papa, alors à un moment ou à un autre ça aide, fatalement. Sur le morceau "Grace", le fantôme de Tim m'apparaît. La voix écorchée et criant le désespoir, même si l'instrumentation n'a rien à voir avec lui. Ce qui les rapproche en revanche c'est leur timbre de voix et ce putain d'ambitus vocal (pléonasme ?).
Je n'ai jamais vraiment été fan de la musique de Jeff Buckley, mais ce n'est pas pour autant que je ne dois pas reconnaître son grand talent. Malheureusement dès lors qu'il s'agit de nommer un titre du bonhomme, le monde s'empresse de citer "Hallelujah". C'est vraiment con et logique à la fois. Au milieu des années 90 les radios nous cassaient les roubignoles avec ce morceau à longueur de temps, alors bien évidemment ça rentre dans le cerveau à force. A l'instar de Jimi Hendrix, le sens commun cite volontiers "Hey Joe". Quelle hérésie ! Ces deux chansons sont des covers en plus et ne représentent pas du tout le travail de l'un et de l'autre.
Si une personne veut se lancer dans une écoute de Jeff, c'est sûrement pas par Hallelujah qu'il faut commencer, bien que l'interprétation demeure une fois de plus une valeur sûre. "Lilac Wine", "Grace", "So Real" et "Lover, You Should've Come Over" sont de loin bien plus profondes et jouent sur des variations que n'a pas la cover de Leonard Cohen. Cela dit je préfère cent fois cette version de Buckley (qui possède une voix lui) que d'entendre geindre des pucelles à des émissions tévé en nous faisant croire qu'elles ont une voix, et qu'il suffit de faire "genre" pour faire passer des émotions. Enfin bref, je ne vais pas passer ma critique à ne parler que de ce titre...
...car la suite vaut bien plus que le coup d'oreille. "Lover, You Should've Come Over" est le morceau qui m'a sauté à la tronche, celui qui m'a donné le plus de plaisir durant l'écoute de l'opus, quand ce n'est pas "Corpus Christi Carol" illuminé par la grâce de Jeff qui monte dans une voix de fausset. Perturbant et impressionnant. Selon moi, les deux grands moments de l'album sans conteste. Toutefois "Eternal Life" vient dans un registre très différent, contrebalancer avec une électrification alt-rock et la voix de Jeff se fait déchirante. Par moments j'ai l'impression d'entendre Alice in Chains..je dis bien "par moments".
Plusieurs choses sont frappantes après les 52 minutes; les diverses atmosphères présentes; les différentes postures vocales du monsieur et la capacité à passer de la mélancolie profonde à un rock beaucoup plus expressif. Et vice versa.
Cet album a été grandement salué à sa sortie et encore à notre époque, le considérant comme l'un des plus grands apports dans le rock romantico-mélancolique. En effet, des groupes comme Radiohead, Muse voire Coldplay avancent volontiers Jeff Buckley comme référence, et dans l'élaboration de leur musique. On peut aisément les comprendre.
A noter que l'album Grace est le seul que Jeff Buckley enregistrera en studio, sachant que Sketches for My Sweetheart the Drunk sont des chutes de studio et démos et Mystery White Boy, une compilation de chansons live.
Un album à (re)découvrir et à respecter il me semble.