Le 21 septembre 1973, la tournée européenne se termine, Ian Underwood et Jean-Luc Ponty quittent le groupe The Mothers. Frank Zappa veut rapidement trouver un chanteur pour le seconder et compléter le groupe en lui ajoutant un second batteur, comme au temps de la première formule des Mothers of Invention à la fin des années 60. Ce seront respectivement Napoleon "Murphy" Brock (au sax et au chant) et Chester Thompson (à la batterie) qui seront engagés. Mais FZ n'a que 40 jours pour préparer la tournée d'hiver américaine et ils n'auront finalement qu'un mois de répétitions dans les pattes au moment où ils se présentent à Chicago pour les concerts d'Halloween. La tournée ayant débuté cinq jours auparavant par quatre shows à Austin.


FZ avait inauguré la tradition des concerts à Halloween l'année précédente à Passaic, le résultat n'ayant pas convaincu, il se devait de réussir cette seconde édition, en la rendant encore plus festive et débridée. C'est en tout cas gonflé à bloc que le groupe se présente à ces 2 shows du 31 octobre 1973.


Quand on analyse ces 2 shows avec du recul, on se dit que la plupart des morceaux seront mieux joués par la suite, je pense en particulier à ceux qui seront joués au Roxy de Los Angeles un mois plus tard et présents sur l'album en public "Roxy & Elsewhere" (Pygmy Twylyte, Penguin in Bondage, Village of the Sun, Echidna's Arf, Don't You Ever Wash That Thing, Cheepnis), mais aussi aux morceaux qui paraîtront bien plus tard (Inca Roads, Cosmik Debris ou Rdnzl). Alors où réside l'intérêt de ce quadruple album, me direz-vous ?


Il y a à boire et à manger, comme c'est souvent le cas avec Ahmet Zappa et Joe Travers depuis qu'il ont, au décès de Gail Zappa, repris en main la direction de la ZFT (Zappa Family Trust). Un autre aspects négatifs, - hormis ces versions moins intéressantes dues au fait que les musiciens ne sont pas encore totalement rôdés - est une ampleur sonore moins chaleureuse qu'au Roxy, dû à la salle en elle-même. En effet l'Auditorium de Chicago a une capacité d'environ 4.000 personnes, là où le Roxy peut en contenir que 500, automatiquement le son est plus rond et mat. Mais, malgré tout l'enregistrement est très correct. C'est finalement parce que je compare à l'excellence du Roxy que je donne l'impression de dévaloriser celui-ci.


L'intérêt principal de ces deux shows sont qu'ils sont présentés dans leur entièreté, ce qui nous permet de plonger au coeur même de l'ambiance, d'en suivre le cours. Mais surtout, vu le mois d'écart avec les concerts du Roxy, cela nous permet d'avoir un point de comparaison et d'ainsi ressentir toute l'évolution du groupe dans ce laps de temps très court. Comme si cela était encore nécessaire, cela prouve tout le professionnalisme de FZ et de ses musiciens. Il est intéressant également de remarquer comment FZ construit son show, surtout le premier. Il constitue trois blocs cohérents de chansons. D'abord un bloc de 3 chansons, puis un gros bloc de 7 chansons, pour terminer par un second bloc de 3 chansons, le concert se terminant sur des chansons individuelles.


Le premier bloc est constitué de deux nouvelles chansons ("Pygmy Twylyte" et "Cheepnis" dont ce sont les premières interprétations sur scène) entourant un morceau ancien "The Idiot Bastard Son" (qui lui n'avait jamais été joué sur scène).


Le deuxième bloc est structurellement différent, il regroupe de courts morceaux très différents les uns des autres, entourant un morceau principal (Penguin in Bondage), le tout se terminant sur un morceau puissant, qui prendra encore de l'ampleur dans les années qui suivront (Rdnzl).


Le troisième bloc regroupe trois morceaux qui seront encore présentés dans le même ordre sur l'album "Roxy & Elsewhere". D'abord "Village of the Sun", qui nous montre, malheureusement un Napy (Napoleon "Murphy" Brock) approximatif, qui ne maîtrise pas encore le morceau. Puis suivent deux bonnes interprétations d'"Echidna's Arf" et "Don't You Ever Wash That Thing" se terminant sur un beau duel de batterie.


Puis le public a droit à "Montana", une chanson qui commence à compter dans le répertoire de FZ, le concert se terminant sur le morceau monstre "Dupree's Paradise", long de près de 20 minutes. Un des morceaux les plus inspirés et remarquable de la tournée où chaque musicien improvise des solos sur un thème principal duquel dévie en permanence un George Duke exalté aux claviers. Le rappel sera constitué d'une chanson jouée pour la première fois en public (Dickie's such an asshole) et où Napy et George Duke s'en donnent vocalement à coeur joie.


Ce premier show rondement mené laisse la place au second show, qui lui sera un peu moins intéressant, le groupe ayant un peu épuisé son répertoire, proposera des chansons dans l'ensemble moins intéressante. On y trouvera malgré tout quelques morceaux présents dans le premier show : le trio Pygmy Twylyte/The Idiot Bastard Son/Cheepnis, ainsi que les incontournables "Penguin in Bondage", "T'Mershi Duween", "Rdnzl", et, bien sûr "Dickie's such an Asshole". Pour le reste on a droit à des chansons plus faibles, comme par exemple "Big Swifty", qui n'a pas la finesse, ni la fluidité ou la force qu'elle avait sur l'album "Waka/jawaka", ou bien le Medley final (Son Of Mr. Green Genes/King Kong/Chunga's Revenge) et "Farther Oblivion" qui semblent interminables (ce sera d'ailleurs la dernière fois que ce morceau sera joué sous cette forme sur scène). Mais c'est surtout "Inca Roads" qui, dans sa version "lounge", semble encore en chantier.


On a donc ainsi droit à deux concerts très différents, nous posant la question de la nécessité de publier le second. On peut aussi se demander s'il est pertinent de nous proposer un quatrième cd constitué de séances de répétitions données une dizaine de jours auparavant. A part les complétistes, je ne vois pas qui cela peut bien intéresser. Mais c'est apparemment le lot que nous réservera dorénavant la ZFT. Ils ont quand même eu la bonne idée de nous proposer un CD contenant les moments forts de ces deux concerts. Comme j'ai également des choses à dire sur cette sortie, j'en ferais une chronique bientôt.

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le 15 janv. 2022

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PiotrAakoun

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