Happiness
7.1
Happiness

Album de Hurts (2010)

Ca spammait à mort sur Facebook, au milieu de l'année 2010, en prévision de la sortie du premier opus du nouveau groupe britannique Hurts. « Si vous aimez The Cure – variante possible avec Joy Division, ils avaient tout prévu – alors vous aimerez Hurts ! », nous assurait-on. Etant totalement fan des deux, autant dire que le slogan avait de fortes chances de me toucher. Aventureusement, je me lançais alors dans l'écoute des singles précédant la sortie de l'album, « Wonderful life » et « Better than love ». La production hyper lissée avait déjà installé en moi une légère inquiétude, une sorte de mauvais pressentiment, et ça se rapprochait plus de Depeche Mode que des groupes cités plus haut, mais la qualité globale des morceaux avait fini par me convaincre, faisant de « Happiness » un objet d'attente et de curiosité. C'est quand même fou comme on peut être induit en erreur, parfois.
Oui, autant le dire tout de suite, le coup de pub était très bien monté : looks étudiés, titre faussement énigmatique contrastant avec une pochette sobre (le noir et blanc, tout de suite, ça fait sérieux), singles aux sonorités eighties... Il est temps de crier au fake. Si vous pensiez que Hurts allaient s'inscrire dans la mouvance post new-wave, rangez vos illusions au placard ! Les apparences sont bien là, mais le reste ne suit pas. Drôle de tactique, tout de même, de faire miroiter quelque chose lorsque l'imposture est si mal maîtrisée : l'image du groupe en prend tout de suite un sacré coup, ce qui est loin d'être l'idéal pour démarrer sur de bonnes bases. Et il faut bien l'avouer, être pris pour un abruti est pour le futur auditeur un brin vexant... On a sa fierté, quoi.
Alors, me direz-vous, sans tout ce battage médiatique, cette tromperie préméditée, aurais-je été moins sévère envers la musique de Hurts ? Sans doute pas. Disons que cela m'offrait simplement l'occasion d'enfoncer le clou, car dans l'absolu, ce disque est très loin d'être convaincant. On y retrouve évidemment les fameux singles, énergiques, mélodiquement impeccables et pas trop caricaturaux ; mais ce qui est absolument terrible, c'est que ce sont les seuls morceaux qui présentent un réel intérêt : sur un total de onze, ça commence à faire peu. « Silver lining », en introduction, passe encore, et « Wonderful life », juste derrière, permet d'entretenir le fantasme d'une new-wave efficace pour quelques minutes supplémentaires. Mais il suffit d'enchaîner sur « Blood, tears and gold », sorte de niaiserie sucrée digne d'un boys band de R'n'B, pour que très vite, les masques tombent. Non, ce n'est définitivement pas le son ni l'esprit « underground » des années 80 que l'on retrouvera sur « Happiness », mais un mélange foireux entre sa synthpop datée, cheap, celle qui a le plus mal vieilli, et la dance music la plus monstrueuse de la décennie 90. C'était donc ça, cette intuition désastreuse qui m'avait saisi quelques semaines plus tôt... On devrait toujours écouter ses intuitions !
Loin d'alimenter la flamme de la new-wave donc, on en arrivera à la conclusion malheureuse que les membres de ce groupe nous ont été envoyés dans le but sournois de nous préparer au come-back fracassant des boys band nouvelle génération durant la décennie 2010 – 2020, dont ils seraient les précurseurs. On comprend rapidement que le kiff de Theo Hutchcraft, le chanteur, c'est de faire dégouliner sa voix - néanmoins bonne au demeurant – comme un lover solitaire, sur des rythmes lents rappelant la douceur des fesses d'un nouveau-né (« Blood, tears and gold », « Stay », Illuminated », « Evelyn », « The water »... Que des slows langoureux boursouflés de violons gentillets, d'orgues grandiloquents et de romantisme à l'eau de rose). Pas très rock'n'roll, non ? « Devotion », le duo avec Kylie Minogue (hmmm...), sent la tentative de buzz à plein nez, si ce n'est que c'est un ratage sans aucune personnalité. Quant au reste... Justement, il ne reste plus grand-chose. « Sunday », plutôt sympathique, se voit hélas gâchée par le côté « dance ringarde » des synthés.
Voilà... Le seul conseil que je puisse prodiguer à présent, c'est d'éviter de tomber dans le piège musical édulcoré tendu par Hurts, ou leur maison de disques, ou les deux. Il sera tout de même intéressant de jeter un œil sur la suite de leur carrière, par curiosité... Après tout, même le premier opus de Depeche Mode était assez ignoble, quand on y pense. Le doute m'assaille, mais sait-on jamais !
Psychedeclic
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le 22 déc. 2011

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