"I'm Not Following You" est vraiment un drôle d'album dans la carrière de notre très, très cher Edwyn Collins. D'ailleurs, fan comme j'étais du pétulant Ecossais, en 1997, j'avais écouté "I'm Not Following You" deux fois, avant de le ranger sans regrets,... et d'arrêter même de suivre la carrière d'Edwyn... au moins jusqu'à son étonnante résurrection en 2010, treize ans plus tard.


Extraire le CD poussiéreux de la discothèque, le faire glisser, non sans appréhension, dans le tiroir de la platine, s'avéra donc être un (petit) moment d'appréhension. Et le démarrage mi trip-hop, mi hip-hop de "It's a Steal" me rappela immédiatement ce que je n'avais pas aimé à l'époque : un son électronique plutôt vulgaire, la voix (majestueuse, mais là n'était pas la question) du bel Edwyn qui récite plus qu'il ne chante... pas la meilleure ouverture d'album qui soit, surtout après les délices de "Gorgeous George"...


Vient ensuite "The Magic Piper of Love", un titre accrocheur, bien pop, avec des cuivres amusants, mais noyé dans une ambiance "madchester" trop à la mode pour un outsider comme Collins. Le plus gros "problème" du disque est néanmoins le troisième titre, "Seventies Night", co-composé avec le venimeux Mark E. Smith, qui amène aussi sa voix sur ce délire funky agressif et provocateur, avec effets au vocoder : c'est évidemment très intéressant comme approche (d'autant qu'avec le recul, ce n'est pas si loin de ce que font aujourd'hui des gens comme Fat White Family), mais ce n'est pas du tout ce qu'on attend d'un album d'Edwyn Collins, qui a clairement voulu secouer son auditoire de base en allant sur de "nouveaux territoires". Il faut d'ailleurs noter qu'Edwyn assume seul ici la production de "I'm Not Following You", où il joue également la majorité des instruments - avec l'aide occasionnelle d'amis comme Paul Cook (ex-batteur des Pistols, faut-il le rappeler ?), Phil Thornalley (producteur du mémorable "Pornography" de The Cure) et Boz Boorer (fidèle guitariste de Morrissey...).


Et puis, pouf !!!, avec "No One Waved Goodbye", majestueuse ballade soul, à peine souillée par des traces d'électronique (une des caractéristiques rémanentes de la production sur tout l'album...), voilà qu'on retrouve tout ce qu'on aime : la classe, la finesse des compositions, l'élégance du chant, etc. etc. Et la bonne nouvelle, c'est qu'à partir de là, et hormis la conclusion un peu longue et pénible de "I'm Not Following You" dont on se serait bien passé, l'album est une succession d'excellentes chansons qui n'auraient pas déparé sur l'album précédent... On est presque embarrassé pour choisir notre titre préféré, tant l'offre est opulente : est-ce le grandiose "Downer" qui tape fort, emporte et séduit à la fois ? "Keep On Burning" qui est du Collins millésimé dans la droite ligne de "A Girl Like You" ? "Running Away with Myself", sublime chanson à la fois nostalgique et positive, pleine d'une émotion toute simple qui serre littéralement le cœur ("I'm going back to my wild youth / Though our trousers were wide / We had soul, we had side / Ain't I the living proof? / I'm going back to my roots / I'm going back to my grass roots / 'Cause it's time to re-group / Before spring-heeled we'll shoot on the good foot)? La somptueuse et soyeuse et feelgood et très soul "For the Rest of My Life" ? L'irrésistible "Superficial Cat" ?


Bien sûr, la production reste le point noir de l'album, avec la batterie pachydermique et les abus inutiles d'électronique (comme sur "Adidas Word" qui sonne presque comme du Neil Young de la période "Trans" !)... mais quel talent dans l'écriture des chansons, dans le chant, et dans les parties de guitare incendiaires !


Conclusion de cette sombre affaire : quelle idée d'avoir délaissé cet album pendant plus de 20 ans, alors qu'il réserve tant de beaux moments ? Mais après tout, c'est bien la faute à Edwyn, non ? Quelle idée, de son côté, d'avoir habillé ces chansons magnifiques d'aussi vilaine façon ?


(Re)découverte de l'année ?


[Critique écrite en 2021]

EricDebarnot
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Vous reprendrez bien un peu de jus d'orange ? La discographie merveilleuse d'Edwyn Collins

Créée

le 31 mars 2021

Critique lue 49 fois

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Eric BBYoda

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