La petite pépite maudite d'Indie Kylie

1996. Après quatre albums chez l'usine à tube PWL, un excellent album éponyme chez DeConstruction et un duo exceptionnel avec le ténébreux Nick Cave, la petite Kylie se cherche, elle tente différents genres musicaux bien loin de sa pop mainstream des 80's et nous livre, en 1997, son album le plus personnel: Impossible Princess.


Un peu d'histoire.


Ce titre vient d'un recueil de poésies (Poems to Break the Hearts of the Impossible Princess, 1994), envoyé à Kylie par son auteur Billy Childish, un rockeur littéraire culte. Les Brothers In Rhythm supervisent la production, après leur succès sur Confide in Me. Alors que l'album est quasi achevé, le label DeConstruction décide que d'autres producteurs doivent y collaborer. Kylie fait alors appel au groupe le plus énorme du moment, les Manic Street Preachers et les chansons naissent: I Don't Need Anyone et Some Kind of Bliss que l'équipe de DeConstruction choisit comme premier single. Le morceau, aussi excellent soit-il, n'est guère représentatif de l'ensemble du disque qui vogue plutôt vers une électro-pop parfois nourrie de jungle ou drum'n'bass alors que les chansons des Manic débordent de guitares. On croit même noter des clins d'oeil à Kate Bush (les "yeah yeah yeah" de Cowboy Style rappellent The Big Sky) et à Serge Gainsbourg (l'intro de Dreams rappelle Les Dessous Chics de Jane Birkin). Kylie en a conscience et aurait préféré sortir Limbo mais s'incline devant la décision de son équipe.


Le 8 septembre 1997, le single Some Kind of Bliss rentre dans les charts et ne rencontre qu'un succès modéré: 22ème en Angleterre, 27ème en Australie... on a connu mieux mais le vrai problème est ailleurs. Une autre princesse chérie de l'Angleterre vient de périr, le 31 août, dans un accident de voiture à Paris et dans ce contexte, le titre de l'album se prête à toutes les interprétations possibles et inimaginables. Les albums déjà fabriqués sont donc détruits et réédités sans le titre, ce qui coûte une petite fortune. La sortie est alors reportée à novembre avec un second single Did it Again qui entre dans le top 20 le 24 du mois. Mais ce jour là, Kylie se moque bien de son entrée dans les classements... Quarante-huit heures plus tôt, Michael Hutchence (son ex petit ami et ex leader d'INXS) s'est pendu dans une chambre d'hôtel de Melbourne. Le soir même, elle doit monter sur scène pour une soirée G-A-Y à l'Astoria. Elle maintient. The show must go on.


La publication de l'album est de nouveau repoussée en mars 1998, peu après le single Breathe. De report en report, l'énergie s'est brisée et les critiques contradictoires empêchent le public d'avoir une idée claire sur la qualité musicale du disque. Billboard la soutient, NME l'enfonce et Kylie se défend comme elle peut. Elle exprime d'ailleurs, dans diverses interviews, son admiration pour des artistes "dont le travail est un vrai domaine sacré. Des filles comme Björk, Toris Amos respirent la musique, elles ne peuvent pas fonctionner sans. C'est beau à voir. Je suis un peu envieuse de ça."


En août 1998, DeConstruction remet une couche avec un ultime single, Cowboy Style... Succès mitigé. Kylie se console en Australie, sa terre natale, où l'album marche mieux et la tournée Intimate and Live, malgré un petit budget, rencontre un accueil phénoménal. Même si l'album passe laborieusement le cap du disque d'or en Angleterre, cela ne suffit pas à couvrir les coûts de production et de promotion.


Mais finalement, que vaut cet album?


L'album s'ouvre avec Too Far et son intro psychotique au piano...le ton est donné, Kylie est déterminée à crédibiliser son image d'artiste et continue de le faire avec l'insatiable Drunk, l'ironique et très 60's I Don't Need Anyone avec ses guitares enjouées, le jouissif Limbo, le calme Breathe, le contemplatif Jump pour finir en apothéose avec le sublime Dreams.


Vous l'aurez compris, Kylie veut se détacher de son image de poupée 80's et se créer une image d'artiste. Et pour cela, elle décide d'écrire ses propres textes abordant différents thèmes plus personnels. Quant à la production, les sons se tournent radicalement vers la pop alternative (Did It Again), trip-hop (Jump, Through the Years), drum'n'bass (Too Far, Limbo, Say Hey) et rock alternatif (I Don't Need Anyone, Some Kind of Bliss) à l'ambiance sombre plutôt déroutant par rapport aux anciens travaux de la chanteuse mais le tout est fascinant et jubilatoire. Tous ces titres, plus différents les uns que les autres, peignent alors le portait torturé et complexe de Kylie marquant un véritable tournant dans sa carrière.


Impossible Princess est sans conteste un joyau dans la discographie de Kylie et une gemme sous estimée dans l'histoire de la pop. Il se réécoute avec plaisir des années après et certaines idées restent encore d'actualité.

Thibox
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le 29 déc. 2014

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