Mark ! Où tu as foutu le chichon ??!

Si vous aviez des doutes sur le fait que la musique des Screaming Trees regorge de stupéfiants, voilà une pochette qui devrait vous le confirmer. Probablement dessinée par un ado de quinze ans à qui on aurait refilé de l’herbe, cette étrange couverture (Alice aux pays des merveilles en version déviante ?) est pourtant raccord avec son contenu. Invisible Lantern étant un des disques les plus singuliers du grunge des années 1980. Peut-être encore plus que les précédentes sorties du groupe. Parce que si l’influence psychédélique fait partie intégrante de leur musique depuis le début, elle n’a jamais été aussi prégnante ici.
Autre détail qui surprend, ce son de guitare très agressif et une interprétation qui l’est presque autant. Étant compagnons de label, il est possible que Hüsker Dü ait pu donner l’envie au gang des frères Conner de s’orienter vers une approche plus punk et également plus bruyante. Car cette production bien brouillonne et saturée de fuzz n’est pas sans évoquer leur New Day Rising.


Heureusement, les compositions sont d’un autre calibre que ce classique surcoté. Les ex-natifs d’Ellensburg ne négligeant pas les mélodies accrocheuses. Des mélodies très pop contrastant avec ce garage rock noisy un poil chaotique (le fuzz débordant de « She Knows »). Parce que si vous pensiez que cet album est plus carré que Even If and Especially When, vous vous mettez le doigt dans l’œil !


Si « Ivy » le fait démarrer sur les chapeaux de roues (rien que la gueulante de Lanegan vaut son pesant de cacahuètes, ça sent la détresse du drogué en manque), c’est quand même bien le bordel cette histoire ! Un désordre qui se poursuit jusqu’au dernier morceau de cette face-A décidément difficile à cerner malgré quelques refrains pas piqués des hannetons (« Straight Out to Any Place »). « Grey Diamond Desert » entamant une rupture de ton. Voici donc une ballade. Une bien jolie ma foi. Mark démontrant quel grand crooner il pourra être dans le futur.
Cependant, cet aspect amateur est justement ce qui fait le charme de cette période. La formation se cherche, ne se trouve pas toujours mais son énergie, son enthousiasme et son inspiration (puisqu’il y a de chouettes mélodies là-dedans) donnent un charme fou à leur grunge. La fratrie Conner est aussi capable de trouver un riff ou un solo décisif rendant la moindre chanson bancale au minimum appréciable (« Shadow Song »).


La face-B, elle, est un peu plus posée. Notamment grâce à un songwriting plus abouti. « Smokerings » débute les hostilités de fort belles manières car il a tout du judicieux single pour promouvoir ce skeud au faible potentiel commercial en dehors des sphères indépendantes. Les riffs de « The Second I Awake » et « Night Comes Creeping » sont remarquables. L’atmosphère de « Even If » est même envoûtante, telle la bande-son d’un road-movie sur fond de coucher de soleil. Quant au morceau titre, il dévoile un refrain enchanteur à hurler sous la douche.


Tout comme Even If and Especially When ou Louder Than Love de leurs collègues du Jardin du Son, Invisible Lantern est un album avec des défauts, mais que ses qualités nous font volontiers oublier. Une œuvre confirmant l’énorme potentiel des Trees et n’ayant pas à rougir d’une concurrence peinant à s’organiser pour constituer une alternative crédible (Malfunkshun et Green River étant, de loin, beaucoup moins bons). Ce qui n’apporte pas vraiment d’explications à la confidentialité dont souffre, encore aujourd’hui, cette bande de poissards.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 18 oct. 2017

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trevorReznik
6

Critique de Invisible Lantern par trevorReznik

Le groupe a trouvé son équilibre mais l'album n'offre pas de morceaux réellement marquant. Agréable à écouter mais en deçà de ce que les Screaming trees sortiront par la suite.

le 28 juin 2017

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