Les mains dans les poches, tranquille le chat.

Alors voilà, c'est la fin du printemps et l'été commence à taper à la porte.

T'as un chat qui gambade dans la fraîche nature, les pattounes alertes et la moustache aux aguets. Aux détours de quelques champs, il se fait des lignes de blé, de maïs, de betteraves, il sniffe aussi l'odeur printanière de la campagne, il reluque les oiseaux dans le ciel et espère s'en choper un pour le déjeuner.
Il fait bon et le matou fait une pause. Tel Tom Sawyer, il profite de ces beaux jours ensoleillés pour respirer à pleins poumons. Il se dit (oui, ce chat-là pense et cogite) que chasser continuellement c'est pas une vie, qu'il en a plein les coussinets de toujours devoir attaquer de la barback pour grailler, qu'il jouerait bien de l'orgue pour attirer les moineaux, les pigeons car il ne veut plus vivre sa life par procuration. Comprenne qui pourra. Bref, il apprend dans la presse un scandale: "la vie des autres qui s'étale" et finalement il finit par trouver ça normal.
Allongé dans un pâturage, il entend au loin une musique. Indistincte. Il se rapproche. Il ne connait pas l'endroit, c'est une fermette. Et qui dit fermette, dit animaux. Et qui dit animaux,...dit poules. Enfin ici oui.
C'est toujours le printemps et il fait encore beau. Musique, campagne, de la volaille. Tout pour lui plaire. Et à portée de griffes. Banzaï c'est jour de fête pour Matoukat (oui j'vous avais pas encore donné son blase). Il avance avec légèreté, rasant le sol, rampant presque. Vous voyez le topo. Se mettant à bonne distance pour ne pas attirer l'attention des poules, veaux, vaches et cochons, il se pose près d'un chêne (du côté de chez Swann si ma mémoire est bonne), un épi de blé dans la gamelle. Les mains dans les poches, il ferme les yeux et écoute les mélopées de ladite chanson. C'est doux, agréable, velouté. Il n'en demandait pas tant. Alors il part. Oui, il part en voyage façon road trip dans sa tête. Il tente de dessiner un visage; celui de la personne qui est en train de chanter. Il imagine cette femme, guitare à la main, lui jouer "You Oughta Know". Ce morceau dans lequel il se reconnait. "Tu devrais savoir" le chat que Mary Jane ne serait pas ravie que tu lui bouffes ses poules. Et hop piste suivante. "Mary Jane", comme une révélation. Pas le cannabis, la Marie-Jeanne avec son tablier à carreaux qui trait les vaches, et tout et tout hein. Matoukat s'envole à l'approche de la chanson, il est littéralement happé par la voix de la donzelle, haute et aérienne. Re-voyage. Commençant à être dopé après trois chansons, il se dit qu'il mangerait bien un bout. Ça creuse de ne rien foutre parfois.

Temps-mort technique. Matoukat s'approche du poulailler où une dizaine de gallinacés picorent. Jackpot. Son choix se porte sur une brune, svelte, ancienne coureuse du 100 mètres haies. L’œil vif, le muscle développé et la plume brillante. C'est elle qui passera à la casserole. Pendant ce temps (environ 4 minutes), "Ironic" passe dans la machine à musique de la ferme. Il se stoppe net, tel un lémurien ayant entendu l'approche d'un fauve. Se dit qu'il pourrait lui aussi tomber nez-à-nez avec plus fort que lui, style un ours, un buffle, un caribou. Mais heureusement pour lui, dans la Creuse y en a pas. Ouf. Alors il repart chercher sa promise en Terre du Poulailler en balançant la tête d'avant en arrière imprimée par la chanson (oui, ce chat est étrange).
Motivé comme un Rocky Balboa, mais surtout par la porte entrouverte de l'antre des poules, il se faufile comme un chat. Euh bah lui aussi c'est un chat en fait. Il scanne l'endroit où les poules se sont arrêtées de picorer, statufiées par l'arrivée impromptue de Super Matou. La scène est intense, digne d'un western de Sergio Leone. Les regards obliques se croisent. Wouin, wouin, wouin. Et d'un coup c'est le branle-bas de combat. Les poules s'insurgent, se révoltent. C'est le Bounty. La mutinerie s'amorce. Elles sont dix, il est un. Elles passent en mode "ergot-automatique" en assénant des "kot-kot-kot" assourdissants. Le chat est désemparé, il sent que la bataille de Waterpoule peut tourner à tout moment. Quant survint "Forgiven". Alanis lui rappelle qu'il doit savoir pardonner, car un jour une poule lui avait volé son sandwich à la récré. Une sombre histoire. Il se renfrogne mais préfère se sauver la face plutôt que de la voir égratignée par dix folles. Il rebrousse chemin. La bataille tant attendue n'eut pas lieu. Mais il a les crocs le chat. Que faire dès lors ?

"All I Really Want" se met en marche, guitare électrique et harmonica en background. Le petit côté country rock lui rappelle qu'il se trouve bien à la cambrousse et ça le (ré)conforte.
Repartant près du chêne, Alanis s'y est posé. il esquisse un sourire de contentement. Et si "Ce qu'il voulait vraiment", c'était cette poule-là. Comme celle qu'il convoitait, elle aussi est brune, svelte et sacrément jolie. Et pi elle joue de la musique. L'épisode de la volaille est désormais clôt. "Right Through You" vient asseoir ce sentiment; elle l'a foudroyé en plein cœur. Il ne voit plus que par elle.

Fin de journée, soleil couchant, Matoukat se réveille de son rêve.
lehibououzbek
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le 23 janv. 2014

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