Ils sont de retour, et bordel, ça fait du bien. Comme quand tu retrouves l’intimité de ta chambre et de ton compte pornhub premium + après deux semaines passées dans la promiscuité du domicile de tes grands-parents à chercher désespérément un semblant de 3G quelque part en Meurthe-et-Moselle. Après un premier album très prometteur sorti l’année dernière, les cinq forcenés de Idles remettent le couvert avec Joy as an act of Resistance. La recette n’a pas changé : du punk rock mâtiné de post punk et de hardcore, ainsi que des textes coups de poing déclamés avec un accent à couper au couteau par un grand gaillard tatoué au sourire tantôt amusant, tantôt flippant. Le tout accompagné d’un humour absurde qui n’est pas sans rappeler les Monty Python (on remarquera d’ailleurs une certaine ressemblance entre le guitariste Mark Bowen et le comédien Eric… Idle).


So what ? (Et si quoi pour les non bilingues) Redite ou pépite ? Ce ne serait pas la première fois qu’on s’ennuie ferme dans un album de punk passées les premières écoutes (il suffit de regarder dans sa playlist de collégien boutonneux mal dans sa peau pour s’en convaincre). Pourtant, cet album, sans révolutionner le genre, réussit à gommer certains défauts de son prédécesseur, et s’impose comme un des meilleurs projets de 2018.



Never fight a Brit with a guitar



Dès les premiers morceaux, ça tape fort. Une section rythmique omniprésente dicte un tempo frénétique, le duo de guitares s’entrechoquent avec fracas, les phrases assénées par le chanteur Joe Talbot sont directes et concises. Ça sent la sueur et la bière, la chaleur et la guerre. Tout en gardant cet esprit de pogo bon enfant, que l’on retrouve notamment sur les morceaux Colossus ou I’m Scum, véritable ode à la désinvolture. Je me vois déjà foncer gaiement dans un circle pit et mêler ma sueur à celle de cinquante autres inconnus tout aussi écervelés (et puants) que moi. Miam.


Et dans l’ensemble, le reste de l’album suit cette dynamique. Mis à part l’émouvant June, qui relate la perte de la fille du chanteur à la suite d’une fausse couche dans une ambiance très pesante, la délirante reprise du standard soul Cry to Me, ou dans une moindre mesure le loufoque Gram Rock, aux rythmiques plus hardcore et violentes, on se laisse volontiers porter par les hurlements enjoués et les refrains extrêmement efficaces de Joe Talbot et sa bande, sans que cela ne paraisse trop redondant, comme cela était parfois le cas dans Brutalism.



Anti-facho, anti-macho



Aussi prévisibles qu’un sketch de Gad Elmaleh, les thèmes abordés ne dépayseront pas le consommateur moyen de musique punk (à quand le punk de droite ?) : tour à tour pro-immigration, anti-Brexit, ou anti-média, les textes sont simples et légers mais toujours engagés, avec un accent tout particulier mis sur la toxic maculinity. Car ils n’en ont pas l’air comme ça, mais derrière ces cinq grands garçons se cachent des êtres à la sensibilité pleinement assumée, exhortant au rejet du modèle masculin traditionnel basé sur la dissimulation des émotions au profit d’une fierté inutile, devenue caduque. Des couilles velues, en somme, mais dans un mouchoir de soie, s’il vous plaît.


Et quelles que soient vos opinions sur le sujet, nul besoin d’être un bobo communo-islamo gauchiste ou un punk à chiens anarchiste (pléonasme ?) pour apprécier toute l’énergie de cet album et sa progression. Car malgré les quelques longueurs au milieu de l’album sur les poussifs Samaritans et Television, on ne peut s’empêcher de secouer la tête et taper du pied tout au long de ce joyeux et triomphal bordel, parfaitement illustré par la couverture de l’album.


Sans être une révolution ni même une évolution marquante dans la trajectoire musicale du groupe, Joy as an act of resistance est toutefois une suite logique, maîtrisée et bonifiée de son prédécesseur Brutalism, et apporte la confirmation qu’IDLES fait partie de ce qui se fait de mieux dans la scène punk actuelle. Que vous aimiez ou pas le genre, écoutez ce disque tout de suite et foncez les voir en live à la moindre occasion, bonne humeur et spectacle garantis.



  • En quelques mots: Un pogo avec les Monty Python dans un pub crasseux

  • Coups de coeur: Colossus, I'm Scum, Danny Nedelko, June, GREAT

  • Coups de mou: Samaritans, Television

  • Coups de pute: RAS

  • Note finale: 8-

JLTBB
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le 13 sept. 2018

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