L'Orée
L'Orée

Album de Ashinoa (2022)

La sagesse immortelle de la chlorophylle

Loin du béton des villes, à la frontière floue entre le plastique et l'humus, s'étendent des terres libres, amples, élancées dans la touffeur du temps. Les entrelacs feuillus des forêts profondes retiennent les échos des rires, et les racines les murmures du passé. Ici, à l'orée des bois primordiaux, l'homme s'efface, s'incline et s'enfonce dans un ailleurs végétal.


Rythmée par les vibrations de la selve, la formation Ashinoa a déserté la léthargie des immeubles lyonnais pour côtoyer l’âpreté de la sève sylvestre. Enregistré aux abords des bois, sur la route et sous confinement, L'Orée est un second album fin et bruissant, épais comme une chênaie, sage et mystérieux comme une canopée empourprée d'aurore.


Le krautrock d'Ashinoa revient avec ses pleines brassées de groove mélancolique, de tribulations tribales situées au carrefour de la musique psychédélique, de l'electro atmosphérique et de l'expérimentation garage.


Riche de sa narration quasi-instrumentale (quelques voix samplées se promènent fantomatiquement, ici et là), Ashinoa peaufine les lances mélodiques de Sini Sini, les transformant en javelots incandescents. Chaudes et organiques, humides et moelleuses, les compositions de l'Orée éclosent majestueusement, naviguant parfaitement entre le trip suspendu (Koalibi, Fuel of Sweet) et l'élan subtil (Feu de joie, Selvatica, Bade BaidebSz).

Revendiquant ses influences foisonnantes, du Jazz à la Dub en passant par la downtempo et l'approche électroacoustique, Ashinoa vibre de grâce dans un espace végétalisé où sont invoqués les spectres de musiques d'hier et d'aujourd'hui, ramenées à une délicate cohabitation.


Soutenues par une batterie et des percussions exaltantes, des compositions charnues et des intermezzio plus courts mais évocateurs s'enchaînent pour former un voyage-somme à la maturité et au charme détonants. La multiplicité des ambiances et des instruments utilisés (de la 808 bass de Unknown To Myself au violoncelle de Yzmenet, du synthé moogesque aux strings lancinants) attestent de la passion dévorante qui anime Ashinoa, et de son âme résolument tournée vers une musique spirituelle menée à peu feutrés, discrets.


De l'ouverture aux nervures timides de Vermillon jusqu'aux craquements rauques des troncs de Yzmenet, Ashinoa parcourt avec nous les profondeurs fraîches des forêts, là où nos émotions s'évadent dans les mousses. Et l'orée, dans sa sagesse immortelle, engloutit les sons et les formes.

FlorianSanfilippo
8

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Créée

le 20 juin 2022

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