Lifted
7.5
Lifted

Album de Israel Nash (2018)

Passé quasi inaperçu cet été pour cause de parution en plein week-end du chassé-croisé juillet-août, le cinquième album du songwriter américain Israel Nash mérite urgemment une seconde chance. Crions-le sans plus tarder, Lifted concourt au titre de la plus belle production alt/country entendue cette année. Révélé voilà quatre ans en France avec son mirifique troisième album, Rain Plans – déjà considéré comme un classique moderne du genre – , le songwriter originaire du Missouri (installé au Texas depuis quelques 2011 après un détour à New York), s’est rapidement bâtit une solide réputation dans l’art de façonner une folk rock chimérique teintée d’americana, détentrice d’une intensité singulière. Une surprise qui se hissait d’emblée à la hauteur d’un Harvest Moon de Neil Young, At Dawn de My Morning Jacket, voire la pop psychédélique majestueuse du Deserter’s Songs de Mercury Rev. Oui, de cette trempe là. Enregistré comme de tradition dans le ranch de son démiurge, non loin d’Austin, ce cinquième album intitulé Lifted (« élevé » in french), s’impose déjà comme un triplé gagnant après donc Silver Season (2015) et Rain Plans (2013). Voire une trilogie gagnante, tant l’esthétique sonore aboutie sur Lifted puise dans la matière foisonnante des deux disques précédents, tout en y apportant des éléments inédits. Soit 45 minutes d’un voyage épique, peaufinée par le songwriter avec la même fine équipe que sur les deux précédents opus, son groupe de longue date et le producteur et ingénieur Ted Young (Kurt Vile, The Rolling Stones). A l’instar de son camarade de la côte ouest Jonathan Wilson, Israel Nash est un hippie moderne. Un personnage plutôt mystique, qui revendique plus que jamais à travers sa musique, et en ces temps patriotiques troubles, des valeurs spirituelles de paix, d’amour et de bonheur. Si le message peut évidemment faire sourire, la musique de Nash ne perd aucunement en crédibilité. Aussi porteur de bonnes ondes soit-il, Lifted n’échappe pourtant pas à une certaine mélancolie, on ne peut lui en vouloir quand la qualité de l’ouvrage est d’un tel niveau. Si l’on retrouve toujours ces fameuses parties de lapsteel country folk cotonneuses, Nash se permet d’expérimenter du côté de la pop sixties bigarrée : on entend notamment des trompettes façon Sgt Pepper sur “The Widow”, ou encore “Looking Glass”, symphonie pop de poche avec ses trompettes divines, mais aussi les choeurs très Beach Boys de “Sweet Springs”. A moins que ce ne soit les arrangements baroque de Jesse Chandler (Mercury Rev, Midlake) qui tirent le disque vers cette couleur psychédélique. L’introduction enchanteresse d’ailleurs de « Rolling On », n’est d’ailleurs pas sans rappeler le fameux “Holes” du « Rêv de Mercure », évoqué plus haut. Plus étonnant, les parties de cuivres sont ici interprétées par le groupe de funk/cumbia Grupo Fantasma, notamment sur « SpiritFalls », où la voix de Nash grimpe, bouleversante, dans les cimes de l’harmonie pop parfaite. D’après les dires du label, la gestation de ce disque serait « inspiré par les méthodes mises au point par John Cage, Nash ayant agencé sons et musique de façon aléatoire, avant de les réarranger selon le manuel chinois ancestrale I Ching (Le Livre des Mutations)”. Tout un programme, à vrai dire plus cosmique que cosmogonique. Difficile à croire à cette méthode du hasard, tant les compositions de Lifted se veulent concises, diablement mélodieuses, et surtout parfaitement en harmonie avec son impressionnant déploiement onirique – notamment sur le renversant “Hillsides” et le final « Golden Fleeces ». Avec Lifted, Israel Nash vient de réaliser son tour de passe passe le plus bluffant, le plus universel aussi.(pinkushion)

bisca
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le 9 mars 2022

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