Lost Souls
7.5
Lost Souls

Album de Doves (2000)

Ce que l’on souhaite le plus, en cherchant parmi les albums, c’est à la fois l’immédiateté de ses chansons, sans toutefois perdre de ses subtilités, conserver de son mystère, ne se dévoiler qu’au fil de l’écoute, et nous laisser le plus pantois possible à sa fin, voir jusqu’où ces morceaux peuvent être parlants, évocateurs.
Un mystère il en faut bien un pour commencer ce genre d’album, alors le voici. La formation britannique Sub Sub lancée par les frères Williams et Jimi Goodwin cumulait 7 ans d’existence, elle avait fini par devenir une belle petite machine à hit, avec leur son house danse atteignant jusqu’à la troisième place des UK Charts. Et puis sans prévenir, le studio adoré des adolescents de Sub Sub prit feu, tout leur matos avec. Sub Sub n’était plus. Et les amis Mancuniens décidèrent de bouleverser leur son, marqués par cette curieuse expérience, frustrante. Ils créèrent Doves. Lost Souls est l’album de ce feu, les funérailles du petit groupe dansant que l’on connaissait. Le noir cendré de l’incendie, le sens rythmique pop de Sub Sub, une atmosphère vaporeuse viendront façonner une petite pépite que voici.
Mais il est très dommage, pour un groupe à l’atmosphère si vaporeuse, de passer dans l’ombre du géant Radiohead, qui la même année en 2000 sortait Kid A, encore moins en évoluant dans le même registre. Ô combien dommage, quand ce groupe, nous offre toutes les palettes possibles de son atmosphère noire cendrée, comme il est possible de l’entrevoir dans l’instrumentale mi-rêvée “Firesuite”.
Alors pour oublier, on flirte gentiment avec le Post-Rock sans finir avec, sans s’interdire de faire les yeux doux à l'indie, ni reluquer avec envie la dream-pop. On se noie dans l’ébriété de la ligne de guitare sèche hallucinée de “Sea Song”, on répond à l’appel du chanteur, sans trop réfléchir “Drown with me” ? Aucun soucis patron, on te suit. On se représente tout ce qu’il y a de gracieux dans l’ambiance d’une nuit pleine, la beauté de ses rayons dans les claviers, la réverbération tout au long de "Rise", on vient d’encaisser en tout juste 6 minutes l’équivalent d’une nuit entière (et avec un break à l’harmonica, s’il vous plaît !). On peut dériver pendant 6 minutes durant sur "Lost Souls" ses claviers parsemés, ses trois parties s’unissant pour en faire un morceau fleuve dans l’album. On se promène, en compagnie de la très belle Melody. "Melody Call” de son nom. Ses xylophones, son univers onirique, nous font oublier cette indifférence ingrate, et la nuit de Doves nous sort encore de son chapeau de magicienne des compositions, une ballade nocturne des plus agréables. Un claque imbibée de pop Sub subienne.
Dommage, encore, quand on constate que "Catch The Sun” vient d’un coup balayer d’un contraste délicieux tout le noir incertain de l’album, attention vous êtes prévenu son fichu refrain entêtant colle en tête très longtemps. Trop, surtout quand on vous surprend à la chanter tout seul sous la douche … Et puis ce petit sourire béat devant ce morceau dégoulinant de spontanéité indie est d’un ridicule … Ah c’est vraiment dommage. Alors pour oublier, replongeons tête première dans la vague d’obscurité que nous offrait volontiers cet album. Nos chers Doves nous offrent une petite réponse au “Man Who Sold The World” de David Bowie, comme si cette dernière trouvait en son reflet au clair de lune “The Man Who Told Everything”, beau clin d’oeil ! On devient spectateurs d’une nuit amère chantée par Jimi Goodwin et son refrain plaintif, seul dans une chambre en cèdre “Cedar Room”. Vient un pont spectaculaire au piano, très sinistre “Reprise". Et toujours spectateurs, Doves par la voix impuissante de son chanteur nous refait vivre l’incendie qui a fait naitre son projet tout en tuant l’autre, ainsi se clôture cet album: “A House”. Retour à la case départ, et avec addiction on relance “Firesuite”. La nuit des Doves se répète inlassablement, nous révèle à chaque écoute ce que les précédentes auraient pu timidement cacher.

Bohort
10
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le 9 août 2018

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