McCartney
7.1
McCartney

Album de Paul McCartney (1970)

Certains nostalgiques disent que le split des Beatles fut la première preuve du déclin britannique sur la scène internationale. C'est une amusante réflexion car il est vrai que les Beatles sont toujours considérés (n'en déplaise à leurs détracteurs) comme le meilleur groupe de musique n'ayant jamais existé. Leur split a marqué, et au delà de ce que le monde en a pensé, il y a ce qu'ils en ont pensé eux. John est parti hurler sur Plastic Ono Band, Ringo faire son crooner ringard et son cow-boy (ringard lui aussi) sur, respectivement Sentimental Journey et Beaucoups Of Blues, et George accoucher d'un chef d'œuvre majeur du XX°siècle, All Things Must Pass, mais qu'en est-il de Paul ? Paul, le mignon mélodiste aimant les "scrambled eggs", écrivain et compositeur de certaines des chansons les plus connues au monde ("Hey Jude" pour ne citer qu'elle)? C'est ce que nous allons voir aujourd'hui.


Macca est déçu, déçu d'être acculé face à ses trois partenaires au sujet de la gestion de leur société, Apple. Il est méfiant vis-à-vis de l'escroc notoire Allen Klein, qui fait pourtant le bonheur, temporaire, de John Lennon et de George Harrison. Paul aurait préféré son beau-père Lee Eastman, mais ses collègues refusent, peut être juste pour l'emmerder, et font accéder Klein aux comptes du groupe, ils le regretteront.


Les sessions Get Back et Abbey Road se passent moyennement bien, Paul étant targué de dictateur, car essayant de préserver un groupe de plus en plus attaqué par certaines velléités solos. En septembre 1969, John Lennon annonce qu'il en a marre, qu'il quitte les Beatles. Il s'en va fonder le Plastic Ono Band, supergroupe fumeux à la formation changeante, interprétant à cette époque beaucoup de la musique d'avant garde de sa Yoko de femme. La nouvelle est gardée secrète, afin de ne pas influer sur les ventes d'Abbey Road, leur dernier album en pleine ascension dans les charts du monde entier.


Paul, piteux, délaissé par celui qu'il considérait comme son meilleur ami, déprime. Il en a assez. Il embarque Linda, son épouse et future claviériste dans Wings, et sa famille en Ecosse où il possède un domaine, une ferme en plein milieu de la campagne. Il n'en peut plus des disputes continuelles autour de la gestion d'Apple, il déclarera avoir dit à Linda à ce moment: "cassons nous en Ecosse, et faisons les choses à notre manière".


Il les fera, les choses, dans son premier album solo, sobrement intitulé McCartney, sorti en avril 1970. Son séjour en Ecosse, assez hippie, à base de culture de légumes (Paul est devenu végétarien sous l'impulsion de Linda), de balades à cheval et de paresse bucolique auront sorti Macca de sa dépression, de ses problèmes d'alcool qu'il traînait depuis le début de ses ennuis avec les Beatles. Il reprend goût à la vie, pense au futur et élabore son disque, auquel il insuffle cette veine campagnarde et rustique, écossaise et paisible, que l'on ressent à travers sa musique.


McCartney est particulier. D'abord, il inaugure une trilogie, qui sera complétée par l'expérimental McCartney II en 1980 (à la rupture avec Wings) et par le récent McCartney III, composé pendant le confinement de 2020. Ensuite, et surtout, Paul, multi-instrumentiste accompli, joue de tout sur ceux-ci. Aux crédits, il n'y a que lui, et Linda, assurant quelques harmonies vocales. Aucun souci de droit d'auteur !


L'album est très plaisant à l'écoute, très simple, bucolique, sans prise de tête, diffusant un esprit de famille, loin de ce que ses camarades Lennon et Harrison ont pu produire la même année. Les critiques, ayant en général mal accueilli McCartney, lui reconnaîtront au moins cela, il est loin de la "prétention" de ses collègues (notamment Lennon). Ces mauvaises critiques n'empêcheront pas l'album d'être un grand succès commercial, tant en Europe qu'aux Etats-Unis.


C'est un album fragmenté, certaines (pour ne pas dire la plupart) des chansons ne sont que des bribes, et les œuvres complètes se comptent sur les doigts d'une main. Cependant, des titres comme "The Lovely Linda" , "Hot As Sun/Glasses" ou "Momma Miss America" donnent à McCartney son ambiance si particulière, véritable parenthèse au milieu des projets, plus lourds, de ses ex-collègues.


Les véritables chansons sont très agréables, certaines rescapées des sessions Get Back ("Every Night") ou même de celles du Double Blanc ("Junk", douce réflexion sur le consumérisme). "Man We Was Lonely" ou "That Would Be Something" ne sont assurément pas les chefs-d'œuvre capitaux de la discographie de Paul McCartney, mais sans elles, ce bucolique album ne serait plus le même.


Enfin, comment ne pas parler de "Maybe I'm Amazed, la pépite de l'album, fantastique ballade où Paul déclare son amour à la lovely Linda. C'est mignon, et assez représentatif de ce que McCartney fera ensuite, en virant parfois dans le mélo et la soupe.


Retour en 1970, l'album doit bientôt sortir, cependant sa date de parution coïncide avec celle du spectorien Let It Be, bribes réagencées et surproduites des sessions Get Back. Harrison et Lennon, embêtés, envoient le pacifique Ringo Starr convaincre Paul de décaler la sortie de son disque, afin que les deux œuvres n'entrent pas en concurrence commerciale. Celui-ci le prend très mal et expulse le malheureux batteur de chez lui sans ménagements. Non, il ne décalera rien du tout, mais en plus il élabore un faux communiqué de presse (rédigé par Clint Harrigan, qui n'est autre que McCartney lui-même, qui ,sous ce pseudonyme, signera également les notes de pochette du premier album de Wings, Wild Life, en 1972) annonçant la dissolution des Beatles, pourtant tenue secrète depuis le départ de Lennon.


Il se brouillera par cela avec ses anciens collègues, et accessoirement avec le reste du monde, devenant l'affreux ayant dissous son groupe préféré. Il en souffrira beaucoup. Lennon multipliera les piques à son égard dans ses projets solos, Harrison se montrera plus réservé (mais ils ne redeviendront jamais proches) et Ringo restera Ringo, ainsi va la vie ...


McCartney, après l'époustouflant Ram en 1971, s'en ira créer Wings, avec sa femme et l'ex Moody Blues Denny Laine, ou le groupe le plus sous-estimé de l'histoire de la musique moderne, qui enchaînera durant les seventies des albums tous très intéressants jusqu'à sa dissolution en 1980.


McCartney, opus intéressant, annonciateur d'une carrière solo qui le sera tout autant, n'en déplaise...


Une parenthèse bucolique au milieu des sombres albums solo de ses ex-collègues.


McCartney, full album
Maybe I'm Amazed
Momma Miss America

lyons_pride_
8
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le 22 janv. 2022

Critique lue 178 fois

2 j'aime

lyons_pride_

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