Banal et unique

Hier m'est revenu en tête le souvenir d'un album que j'avais découvert il y a deux ans, et que j'avais totalement adoré, mais que j'ai complètement oublié depuis. C'est rare que ça arrive ce genre de choses, tout de même. Cela dit ça s'explique assez facilement : par le fait, d'une part, que c'est un album assez oubliable (que l'on aime ou non), d'autre part que je l'avais adoré quand j'avais une culture musicale assez pauvre. Depuis, j'ai trouvé bien mieux, et je suppose que je vois les choses avec beaucoup plus de recul.
Déjà, Milliontown, c'est clairement un album qui en fait trop. De par la structure mélodieuse de ses chansons qui part en couilles vraiment toutes les 2 minutes, de par ses solos de guitare électronique (ça sonne quand même très électronique tout le long..) situés quelque part entre Pink Floyd et la musique de jeux vidéos. Désolé, j'ai pas trouvé plus original et cherché comme références, mais c'est vraiment ce qui me vient en tête quand j'aborde cette musique, certains passages de Milliontown (le morceau) pourraient aisément figurer dans l'OST d'un jeu Sonic, par exemple. Parce qu'on sent une inspiration d'une part du rock progressif classique, mais aussi une intention d'aller au-delà, de transgresser, et de mélanger ça avec un côté beaucoup plus pop des années 2000.
Les sonorités rock et électroniques de l'album, ajoutées à une production très synthétique, qu'on pourrait facilement qualifier d'"artificielle", donne un résultat de prime abord assez superficiel, et qui pourrait repousser. Cela dit, si l'on ne garde que le bon de l'album, on peut vraiment en tirer quelque chose de très intéressant. Déjà, oubliez les morceaux No me no you et Snowman. Ils sont jolis sur certains aspects, mais vraiment trop bancals, et font un peu "tâche" par rapport au reste de l'album. Le chant No me no you a une sorte de phrasé un peu étrange (qu'on pourrait identifier comme appartenant... au métal ? Sur une composition totalement pop, ici ça ne marche pas trop), et Snowman a un côté bonbon un peu trop écoeurant, bien plus que tout le reste, même si c'est pas un mauvais morceau. Quant à The Other me, c'est une chanson bien sympathique, mais vraiment, elle n'avait pas besoin d'être dans cet album non plus, et n'y apporte rien de bien particulier... Hyperventilation est très intéressant, cela dit, d'abord calme et doux, le morceau sait se déployer au fur et à mesure pour nous donner un avant goût de la folie créative qu'on retrouvera plus tard dans l'album.
Mais les morceaux que j'adore, ceux qui me font quelque chose à chaque fois que je les écoute, ceux qui justifient à eux seuls l'existence de cet album, et m'auraient permis de vraiment l'adorer s'ils en étaient les deux seuls morceaux... C'est bien sûr Black Light Machine et le morceau éponyme, Milliontown. Ces morceaux sont géniaux. En tous cas ils sont spéciaux. Utilisant les grandes lignes du rock progressif et de la musique électronique, en faisant un peu tout et n'importe quoi avec, on a deux morceaux mastodontes jouissifs et complètement dingues. On sent une forme de liberté intense s'en dégager, un petit truc assez unique.
Je n'ai pas écouté d'autres albums de Frost*, mais il semble évident en écoutant celui-ci que c'est bien dans les morceaux longs que le groupe parvient le mieux à s'exprimer. Il arrive à faire avancer sa musique comme un Grand Huit, alternant passages tranquilles et passages super dynamiques qui partent dans tous les sens, et incluant toutes sortes de sonorités du domaine de la culture pop actuelle. C'est assez amusant comme musique, et ça procure une sensation de voyage et d'exploration, parfois on a vraiment l'impression que même la musique ne sait pas où elle va. Et surtout, c'est très étrange car quand je l'écoute je me demande toujours toutes les trente secondes si ce que j'écoute est du pur génie ou de la surenchère ridicule. La vérité se trouve sûrement entre les deux, Milliontown (l'album) est du début à la fin un album assez bâtard dans sa composition, mais c'est ce qui lui donne un charme sans pareil. Chaque digression se base sur des sonorités très familières, banales, mais tournées de telle sorte qu'on se sente à la maison et en terrain inconnu à la fois.
Cela dit, si Black Light Machine est parfait tel quel, Milliontown (le morceau) est peut-être un peu trop long pour ce qu'il est, mêlant vrais morceaux de bravoure à accès de facilité, ou à des passages un peu trop redondants. Mais comme je l'ai dit plus tôt, avec Milliontown (l'album) je ne sais vraiment pas. Le côté trop mielleux et facile se mêle parfois tellement au côté fou et aventureux que selon l'humeur, je peux le trouver génial comme moyen. Je vous conseille en tous cas d'essayer, ça peut être intéressant.