Kiss Floyd (mais du Kiss quand même)

Un énième album mésestimé car il a entrepris de changer les choses, du moins certaines, peu importe pourquoi (certainement pas par amour du rock progressif et symphonique, ne rêvez pas, ici, c'est juste Kiss qui veut redorer son blason après avoir pondu un truc à la sauce disco bien discutable et une merde pop rock ayant bien entaché leur image et leur crédibilité, les ventes s'effondraient, le flouze ne coulait plus à flots, les fans gueulaient et voulaient le « vrai » Kiss, Peter Criss quittera le navire, Ace Frehley commençait à voir rouge lui aussi, etc. il fallait quelque chose qui leur redonne le respect de la street), et considéré comme « l'album où y a le nom du groupe dessus mais où ça ressemble pas du tout », « ouais, tel album c'est pas du *nom de l'artiste ou du groupe* », alors qu'a posteriori, hormis le fait d'être l'unique concept album de Kiss (devant être la BO d'un film hélas jamais sorti), la plupart des éléments déjà croisés auparavant dans la carrière du groupe à ce stade sont là, regardez plutôt :

• Du hard rock, parce qu'avant que Bob Ezrin ne soit de la partie, l'opus devait être un retour à leur style classique des 70s (bon, pour, du vrai hard rock couillu comme promis initialement, il aura fallu attendre l'opus suivant, mais toute velléité pop rock / power pop semble quand même avoir disparu, et heureusement pour le coup),
• Des ballades (Beth, à titre d'exemple, c'est quoi ?),
• Un goût pour les cordes (y a principalement quoi dans Beth ?) et les claviers (présents dès Love Gun),
• Un Paul Stanley en falsetto (même les faux fans et connaisseurs qui ne sauraient te citer que I Was Made for Lovin' You le savent),
• Un Gene Simmons qui peut faire autre chose que jouer le Démon à tout prix (coucou Goin' Blind)

Tout ça est là, et juste amené d'une autre manière et en mettant l'accent sur certains éléments (seul Alive IV laissera autant de place aux cordes, et c'est vrai que les claviers se feront bien plus discrets sur les albums qui suivront, que Simmons n'utilisera plus autant sa voix douce et que Stanley ne fera plus autant le fausset), mais pour oser dire que « c'est pas du Kiss », il faut en fait ne pas connaître Kiss.

"Bon ok, il ose nous dire que c'est autant du Kiss que l'éponyme, mais ça donne quoi cette galette sinon ?"

Ben ça donne un truc digne d'être écouté du début à la fin, puisqu'il a été conçu comme tel, ou aucun titre n'est foncièrement à jeter, mais où il y a quelques inconstances (Fanfare, Just a Boy et Odyssey, où Paul semble en faire un peu trop, n'aident pas à rentrer en douceur dans l'album, et ce sont principalement les chansons de Gene qui ressortent le plus, j'en veux pour preuve les incroyables Under the Rose, dont les chœurs rappelleraient presque Bathory période Hammerheart et Twilight of the Gods, et A World Without Heroes, meilleure ballade et meilleure chanson sortie en single par le groupe, je veux rien savoir, ah, si on pouvait autant nous la ressortir que IWMfLY dès qu'il s'agit de Kiss...), mais certainement pas quelque chose qui mérite d'être renié autant par ses auteurs, au point d'être inexistant en concert (excepté les paroles qui vont avec le thème de l'album, en quoi Mr. Blackwell diffère-t-elle d'autres « Gene songs » comme God of Thunder, I Love It Loud, War Machine et Unholy ?, et n'y a-t-il que moi pour imaginer un public chantant à tue-tête le refrain de I ?), et des considérations et des notes aussi basses que ce que l'on voit partout (le problème est qu'il faut juste connaître Kiss, en fait, ou alors ne pas se contenter du hard rock basique qui est, bien entendu, une de leur spécialités), le summum ayant été atteint par Pitchbouze qui a osé noter cela 0.

Donc s'il vous plaît, si vous ne le connaissez pas, la prochaine fois que le débat est orienté sur cet album, faites fi des « ouais c'est pas du Kiss » « ouais ça ressemble plus à du Pink Floyd qu'à du Kiss », « normalement, Kiss, c'est du bon hard rock des familles, mais pas là », « normalement, Kiss, c'est plutôt genre IWMfLY t'vois, mais pas là », accordez-lui une chance, et s'il ne vous a pas convaincu, tant pis, mais au moins, vous aurez essayé, et vous aurez ce mérite-là, comme Kiss aura au moins eu le mérite de s'essayer à quelque chose de plus « arty » et ambitieux qu'à l'accoutumé, même si c'était uniquement pour relancer une boutique en perte de vitesse (l'effet escompté n'a pas eu lieu et le public était apparemment encore plus décontenancé qu'avant la parution de l'opus), boutique qui ne redémarrera qu'un an plus tard, non sans commettre encore quelques erreurs (et des vraies cette fois) par la suite (la période glam metal), mais sachant toujours s'en relever (coucou la reformation de 1996), et puis, l'erreur n'est-elle pas humaine et n'est-on pas censé apprendre d'elle ?