30 août 2009. Des fins fonds de la capitale anglaise surgissent Matthew Rozeik et AJ Cookson. Issu des milieux électroniques underground londoniens, le duo se donne un nom aussi obscur qu'abject, Necro Deathmort (NDM), et se lance dans l'accomplissement d'un projet farfelu et unique : coupler doom et musique électronique en une simple entité. Le pari périlleux se concrétise d'abord avec The Beat is Necrotronic, paru le 30 août 2009. Le nom de l'opus distille déjà quelques indices sur ses influences, puisqu'il s'agit d'une référence évidente à un titre du groupe phare de la dance européenne des années 90 : Technotronic. L’Angleterre des soubassements assiste à la naissance discrète d'un phénomène insolite, d'un OVNI aux fondements révolutionnaires. Car plutôt que de labourer inutilement les terres sur-exploitées des poncifs électroniques et métalliques que pourraient être respectivement Klaus Schulze et St Vitus, NDM préfère s'y allonger pour mieux s'imprégner de leur essence naturelle.

Le premier effort de 2009, même si déjà marqué par de nombreuses tentatives d'innovations, pêchait par une carence en extrémisme : tantôt électrique, tantôt électronique, la cohérence du tout laissait à désirer et l'objectif visé, soit la création d'un hybride attractif de deux genres a priori antagonistes, n'atteignait pas son but. Music Of Bleak Origin, paru en juin 2011, est son mystérieux successeur. Apaisement, restructuration et maturation sont les changements attendus pour que Necro Deathmort devienne une figure de proue d'un univers encore nouveau, que nous qualifierons désormais d'electro-doom.

Profitons de l'occasion pour s'arrêter plus en profondeur sur la musique électronique, encore peu traitée dans nos pages. Malgré sa relative exposition médiatique, l'électro est un genre encore sous-étudié et sous-apprécié. Sa musique peut revêtir divers accoutrements. Tantôt celui de la contemplation et du rêve, à l'instar des représentants de la Berlin School que sont Tangerine Dream, Ash Ra Tempel ou les plus récents Airsculpture. Tantôt celui de l'agression hypnotique comme certaines hallucinations Trance, Hallucinogen et The Infinity Project en tête. Tantôt celui de l'expérimentation et de l'implosion des rythmes, le costume hype, celui de l'IDM (Intelligent Dance Music), avec Flying Lotus ou Lapalux. Quelque soit son habillement, la musique électronique est un genre à part entière aux subdivisions nombreuses, parfois audacieuses.

Avec Music Of Bleak Origin, Necro Deathmort lui offre de nouveaux habits, ceux de l'impureté et de l'obscurité. En ajoutant Electric Wizard, Acid King et Reverend Bizarre à la liste des influences, le tout prend une nouvelle dimension, presque mystique. La construction de l'album est diaboliquement intelligente : scindé en trois parties, toutes connectées, il est la scène d'affrontements stylistiques toujours maîtrisés. La première partie, de « Jaffanaut » à « Temple Of Juno », semble au premier abord très traditionnelle, quoiqu'effroyablement efficace. « Überlord » est la lente et inquiétante transition entre les deux premières parties, puis les premières notes de « For Your Own Good » ne laissent plus de place au doute : voilà l'auditeur entraîné dans un univers différent, plus électronique mais tout aussi malsain. Les rythmes s'intensifient, gagnent en vitesse et les lourdes guitares laissent place aux insaisissables synthétiseurs. D'inquiétantes boîtes à rythmes les accompagnent, alors que les basses prennent de l'assurance jusqu'à devenir aussi lourdes qu'un cadavre encore chaud. Puis les premières notes de « The Heat Death Of Everything » sonnent le retour à la case départ. D'une lenteur aussi écrasante qu'extrême, la chanson débute la troisième partie de l’œuvre, celle de l'apocalypse, de la tragédie, de la mort et du calme qui s'en suit (« Moon », néantique).

Les temps forts sont nombreux, entre le couple « In Binary »/« Temple Of Juno », « Devastating Vector » et « The Heat Death Of Everything », et l'agencement général des morceaux simplement parfait. Une des plus profondes oeuvres de l'année. Abandonner sa joie dans Music Of Bleak Origin est une expérience ô combien gratifiante. Mais quelle expérience ne l'est pas ?
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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