Pharrell Williams, figure majeure du hip hop et de la pop de ces 20 dernières années, à travers ses différents projets solo ou en groupe, refuse de se reposer sur ses lauriers et ressuscite N*E*R*D pour un album éponyme.


Reprendre une formule précise est donc hors de question, ce que l'on comprend dès la sortie du premier single, Lemon. Avec une Rihanna magnifiquement nonchalante dans une performance rap imprévisible, le groupe de Pharrell ajuste le diapason du projet. Le choix est d'autant plus réfléchi que c'est le morceau qui ouvre l'album. Aucun répit n'est laissé au public, N*E*R*D dévoile une semaine plus tard 1000, le deuxième single. Bombe énergétique soutenue par un Future accueilli à merveille par l'instru, le morceau porte un message optimiste qui appelle à la révolte perpétuelle. La deuxième moitié du morceau est effrénée au possible, relâchant un flot d'énergie intense accumulée depuis le début. Le clip de 1000 donne la dernière clé annonciatrice de la direction de l'album: la portée sociale et politique du message qu'il porte. Dans la continuité de cela débarque Don't Don't Do It, troisième et dernier single, avec Kendrick Lamar, centré sur la paranoïa policière aux Etats-Unis.


Une fois l'album entre les mains, on explore donc ces trois routes: l'euphorie, la confiance en soi et donc la révolution individuelle et sociale. Le dosage est minutieux, les morceaux d'une catégorie ou de l'autre s'alternent avec justesse. La présence de chaque invité est donc réfléchie, y compris la redondance de Kendrick, qui sert vraiment deux intentions distinctes dans ses deux performances. M.I.A lui donne presque la réplique sur Kites, peut-être le morceau le plus efficace de l'album, dont la production change de saveur (entre autre de vitesse et de rythme) à quatre reprises. Ainsi, le groupe de Pharrell délivre avec beaucoup de goût un message fort pro-migrants.
On peut aussi compter Gucci Mane, Wale, André3000 et Ed Sheeran parmi les recrues.
Voilà, qui comporte une performance des deux premiers, repose sur une structure similaire à Rollinem' 7s, changeant drastiquement de style instrumental aux deux tiers de la piste. Si dans le premier cas l'optimisme et l'enthousiasme contagieux du résultat n'a aucune difficulté à convaincre, dans le second on se lasse vite, un couplet de la gigantesque moitié d'Outkast ne suffisant pas à briser la redondance et la monotonie de l'ensemble.


Le groupe met en avant ses points forts dans les morceaux sans guests bien sûr: Deep Down Body Thurst, leur hymne anti-Trump puisqu'il en faut un, évolue d'une boucle de synthé tout droit sortie du Discovery de Daft Punk en une ritournelle pop énergique et réconfortante. ESP se veut de plus en plus prophétique au fil de son déploiement, se frottant sans hésiter au mystique pour une deuxième partie hypnotique et grisante où Pharrell s'improvise gourou, s'inspirant des messes afro-américaines. Lightning Fire Magic Prayer se présente comme le grand pivot du disque, longue piste chaleureuse de presque 8 minutes dont pas une seule n'est lassante. Enfin, puisqu'il faut nuancer ce parcours sans faute, Secret Life Of Tigers s'adresse aux adolescents dans un élan d'émancipation en faisant vrombir les 808, pour un résultat malheureusement un poil long et oubliable.


NO_ONE EVER REALLY DIES veut donner une impression de minimalisme précis et pointilleux, N*E*R*D lui donne vie à merveille. Un souffle nouveau emporte le trio vers des horizons résolument modernes, avec la simplicité technique et la profondeur thématique d'antan. Le secret réside peut-être dans le dernier refrain de l'album, chanté par le rouquin le plus envahissant et insupportable de la pop américaine: "Let them say what they want to about us, when they say your name they're lifting you". Pharrell ne s'interdit rien, expérimente en continu, pour le meilleur comme pour le moins bon. Cette supposition semble se confirmer au fil du temps: l'album divise et c'est tant mieux. N*E*R*D ne mourra jamais, vive N*E*R*D.

NaUti
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le 9 janv. 2018

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