No Surrender
7.9
No Surrender

Album de Kickback (2009)

Difficile d'exprimer la satisfaction bestiale, primaire, honteuse, que procure l'écoute de cet album de Kickback. No remorse, no surrender : un manifeste, l'ultime cri du mass murderer cerné par les flics, acculé, déterminé à emmener avec lui un maximum d'anonymes. Cet album, plus que les trois précédents, atteint une violence encore jamais atteinte. Entre les instruments maltraités et la voix de Bessac toujours sur le fil du rasoir, comme s'il manquait d'être égorgé à chaque souffle, les ambiances délétères, mauvaises et des paroles plus sombres que jamais, tout ne semble figurer que l'inverse maléfique de ce que nous pouvons -encore- avoir d'humain.

Si la musique est la matière, No Surrender est l'anti-matière. «I hate you», profère Bessac dans la chanson qui ouvre l'album, déchirée par une citation du film de Gaspar Noé, «Seul contre tous », et qui résume parfaitement ce qu'est l'humain pour Kickback : un non-être, un animal en chasse ou traqué, et celui qui l'ignore encore n'en sombrera que plus profondément (Still on the prowl). Kickback ignore le meilleur et ne dépeint que le pire mais peut-être bien parce que nous ne nous révélons nous-même que le dégradant, le gerbant, le minable, l'abject.

Si ce disque ne fait que réveiller nos pires instincts, c'est bien qu'ils se tapissent dans l'ombre, dans nos propres abysses, et que la bête ne demande qu'à se réveiller (Aging disgracefully). Et pour l'apaiser, rien ne vaut de la viande crue, de bonnes giclées de sperme, de la souffrance, de la violence. Forcément.

No Surrender est la bande-son d'un road movie nihiliste, crasseux, aussi vide que l'expression qui fend le visage d'une pute en train de se prendre son énième triple pénétration. Comme d'habitude, Kickback traîne du côté des bas-fonds de l'âme humaine, et nous plonge, seul, forcément seul, dans cette ville innommable, forcément tentaculaire, peuplée d'ennemis : cette putain de planète où personne ne vaut rien, à commencer par soi-même (Law of the self).

Et comme on coule, forcément, on finit par surnager dans cette fange, parmi les vociférations des sans-nom, dans ce magma informe et souillé où les gémissements des quelques putes qui se font dérouiller, où les hurlements du clampin qui se fait déchirer le bide à coups de tessons, où les jérémiades des junkies pantelants à l'affût du pigeon pour se payer leur fix se perdent dans les soupiraux sans émouvoir personne. Mais on sait qu'on ne mérite pas mieux, de toute façon (If I Die Tonight).

Ecouter cet album, c'est se prendre un bon fist sablonneux par surprise. Le pire, c'est qu'on en redemande. C'est la musique qui ouvre l'appétit pour le carnage, qui annonce la curée. Sur cet album, Bessac est au top : ses hurlements n'ont jamais été aussi lancinants, aussi brutaux, aussi dévastateurs. Il tente même le chant hurlé sur Sideshow, qui passe sacrément bien : «Older, colder, stronger», le groupe avance, de préférence en se rapprochant du précipice.

Le son des instruments n'a jamais été aussi crade: les guitares sont écorchées, barbelées, toujours à la limite de la fausse note, les cordes lacérées, la basse est grasse et rauque, la batterie sonne comme celle du Jugement dernier. Les morceaux sont entrecoupées de stridulations, de notes égrenées comme du sang poisseux qui goutte d'une blessure en train de pourrir... Les riffs sonnent toujours hardcore, donnent toujours cette envie irrésistible de mosher, comme pour une dernière dance, mortifère. Celle des guerriers qui ne quittent jamais le sentier de la guerre (Warpath), même lorsqu'il longe l'à-pic. Surtout lorsqu'il longe l'à-pic.

Forcément.

(critique tirée de mon blog, juillet 2009)
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le 25 déc. 2011

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