Nunsexmonkrock
7.5
Nunsexmonkrock

Album de Nina Hagen (1982)

Nunsexmonkrock est le premier album solo de Nina Hagen, sorti en 1982, après les deux albums du Nina Hagen Band (en 1978, album éponyme et en 1979, l'album "Unbehagen"). Cet album est différent des deux précédents notamment car il est chanté exclusivement en anglais, à contrario des deux précédents chantés en allemand.

Catharina Hagen, dite Nina Hagen, née le 11 mars 1955 à Berlin-Est en RDA, est une chanteuse, auteur-compositrice-interprète et actrice est-allemande puis allemande.

Nina quitte l'école à 17 ans et, en 1972, après s'être vu refuser son admission à l'école gouvernementale d'acteurs, elle se rend en Pologne où, pendant quelque temps, elle interprète au sein d'un groupe des chansons de Janis Joplin et Tina Turner.

L'année suivante, de retour à Berlin-Est, elle intègre le Studio für Unterhaltungsmusik (« Atelier de musique de divertissement ») duquel elle ressort diplômée un an plus tard. Suivent alors des mois de tournée sur les routes d'Allemagne de l'Est où elle se produit avec l’Alfons Wonneberg Orchestra.

Lassée de ces tournées, elle monte un premier groupe, Automobil, avec lequel elle chante le titre Du hast den Farbfilm vergessen (« Tu as oublié la pellicule couleur ») devenu mythique.

Elle monte ensuite, quelques mois plus tard, un autre groupe appelé Fritzens Dampferband.

Mais, en 1976, Wolf Biermann est déchu de sa nationalité est-allemande. Devenus indésirables, Nina, sa mère et son beau-père quittent Berlin-Est et s'installent à Berlin-Ouest2.

En 1977, Nina gagne Londres et fréquente assidûment la scène punk.

De retour à Berlin, elle monte un nouveau groupe avec les musiciens du groupe de Politrock Lokomotive Kreuzberg et enregistre son premier album en 1978, Nina Hagen Band. Dès sa sortie, l'album dévoile une artiste talentueuse, charismatique, à la voix hors norme, qui trouve son public.

En 1981, Nina s'installe à Los Angeles avec son nouveau compagnon le guitariste hollandais Ferdinand Karmelk. Le 17 mai, elle donne naissance à sa fille Cosma Shiva (nom du neuvième titre de l'album, ou le 4ème de la face B du vinyle) qui posera en compagnie de sa maman pour la pochette de l'album. Je trouve la pochette absolument formidable, Nina Hagen est déguisée en Vierge Marie, tenant Cosmo Chiva (prénom hilarant et excentrique qui correspond si bien à l'artiste) dans les bras en nous tendant la main dans un geste d'amour, des mains qui nous accueillent tendrement dans son monde.

"Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme

S'y taise le monde au moins un moment

Donne-moi tes mains que mon âme y dorme

Que mon âme y dorme éternellement", disait Louis Aragon dans son poème "Les mains d'Elsa".

Le titre de l'album "Nunsexmonkrock" me plaît : nun pour "nonne"; sex pour "sexe" (pas de piège); monk pour "moine" et "rock" pour "saltimbanque" (rire).. pour rock.

Musicalement, l'album oscille entre chansons aux structures traditionnelles (couplet/refrain) et expérimentations : si les six premiers morceaux (Antiworld, Smack Jack, Taitschi tarot, dread love, Futur is Love, Born in Xixax) sont des chansons à proprement parler (« Smack Jack » fera même l'objet d'une sortie en single, le clip est fou, Nina Hagen apparaissant tantôt en homme, tantôt en femme, comme des petits monstres se trémoussant, grimaçant, je trouve que les scènes sont remplies d'humour); « Iki Maska » et « Dr. Art » sonnent davantage comme des sortes d'improvisations vocales sur une base rythmique.

*Titre 1 : "Antiworld" nous plonge dans son monde imagé. Prenant une voix transformée, racontant que son personnage "est possédé par un démon", elle roule les rrrr, crie, se calme, repart de plus belle, sorte d'incantation satirique, proclamant des phrases avec une diction particulière appuyant un côté effrayant. La musique, comme une boîte à rythme mimant une horde de petits démons arrivant pour envahir le monde paisible des mortels.

Le titre se termine par, comme une invitation à la suivre :

-Neiget eure Ohren her, kommt her zu mir

Prêtez l'oreille (écoutez attentivement), venez à moi

-Hoeret zu wird eure Seele leben

Écoute vivre ton Âme

- Denn ich will mit euch einen ewigen Bund machen

Parce que je ferai (elle fera) avec vous une alliance éternelle

*Titre 2 : "Jimmy smack" est une chanson sur la toxicomanie, très explicite, plus encore en anglais qu'en français. Le titre "Smack Jack" est une expression pouvant aussi se traduire par "le baiser du dragon" et décrit le plaisir ressenti lors d'une prise de drogue dure en intraveineuse. Le sujet est quelque peu rendu moins dur qu'on ne peut le penser car "He just needs a hot shoot" est proclamé avec une voix nasillarde, un peu enfantine.

Se finissant :

-Please, don't do it no more, don't do it no more, no more...

Je t'en prie ne recommence plus ça, ne recommence plus, ne recommence plus...

-Junkies are sentimental,

Les junkies sont sentimentaux

-Junkies are very very sentimental

Les junkies sont très très sentimentaux

-Smack Ist Dreck, Stop It Oder Verreck !

Le baiser de Jack est une ordure

-Arrête ça ou crève...

*Titre 3 : "Taitschi tarot", titre tournant en boucle, énervant comme un moustique, ce vombrissement aigu, lancinant qui crispe, entrecoupé de phrases pleines de spiritualité orientale, comme sortant du décors, sorte d'incantations, Nina Hagen prenant alors une voix bien plus grave.

Ce qui m'épate est la tessiture de l'artiste, et sa facilité à changer sa voix, à s'amuser avec, c'est déroutant et fascinant ; cette facilité avec laquelle elle chante.

*Titre 4 : "Dread Love", titre plus punk, comme une hymne à l'amour et au sexe.

-Love affairs are so exciting, When the star of Dread Love shining

Les amours sont tellement excitants, Quand l'étoile de Dread Amour brille

-Love affairs are so exciting, When the star of Dread Love shining

Histoires d'amour sont si excitantes, Quand l'étoile de Dread Amour brille

*Titre 5 : "Futur is now", là la voix de Nina Hagen est vraiment mise en exergue, elle se répond, rajoute des gargarismes. Le synthétiseur est bien présent. Le changement de tempo est marqué aussi. Bruit d'horloge. Titre comme découpé en quatre parties minimum, qui semble difficile à suivre, mais tout est maîtrisé.

*Titre 6 : "Born in Xixax", démarrage "oh i'm sorry, if you turn on the machine", m'attrape et me fait rire. Des rires comme des rires de sorcières qui résonnent, un voix de lutin s'exprime. Ce titre parle de politique. "One day we will be free" comme message d'espoir. Brejnev était est un homme d'État soviétique d'origine ukrainienne, secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, et donc principal dirigeant de l'URSS de 1964 à 1982.

-My brother was a soldier (oh)

Mon frère était un soldat (oh)

-By the war in Vietnam (shoot)

Par la guerre du Vietnam (tournage)

-My uncle was a spy

Mon oncle était un espion

-In the Soviet Union

En Union soviétique,

-He knows that Mr Brezhnev is planning a reunion

Il sait que M. Brejnev organise des retrouvailles

puis :

-One day we will be free we will be for labor day

Un jour nous serons libres, nous serons de la fête ^)du travail

et enfin :

-Lie, ah, stop the news (nyet, nyet)

Allongez-vous, ah, arrêtez les nouvelles (niet, niet)

-(I wonder if I can make soup out of this)

(Je me demande si je peux faire de la soupe de ce)

-Nyet, lazy, watch 'em bloko, nyet, nyet, nyet

Em Niet, paresseux, montre 'bloko, niet, niet, niet

*Titre 7 : "Iki Maska", La voix de l'artiste utilisée en lyrique, rappelant Klaus Nomi, utiliser l'opéra dans le rock, cela me plaît beaucoup. Une voix à l'arrière "Bong, bong bong..". Lalalalalala.

Titre 8 : "Dr Art", mon titre préféré. D'un certaine douceur. Une voix de bébé parfois. Ce titre me fait beaucoup penser à l'album des Talking Heads "Remain in light", ça me transporte, comme une joli rêve, quelque peu mystique et angoissant mais apaisant avec le synthétiseur à l'arrière. On me chuchotte à l'oreille.

Ce titre est un hommage au graffitiste Ivar Vičs, alias Dr. Rat, ex-petit ami de Nina Hagen, décédé d'une overdose en 1981. Sur le clip de ce titre, on peut aperçevoir l'homme, entrecoupé par des photos de Nina Hagen.

Titre 9 : "Cosmo Shiva", titre très expérimental. Gazouillis de sa fille.

Titre 10 : "UFO" Titre sur les OVNI. Ce titre m'évoque Krafwerk, côté électronique, et voix vibrante grave. Puis, sorte d'écho "And you are not alone", "AND YOU ARE NOT ALONE". (Si quelqu'un connaît le nom de l'instrument utilisé qui fait un bruit sautillant, ça n'est pas de la cythare, ni de la lyre, ni du clavecin.. bref ça me stresse, c'est peut être juste un synthétiseur ?)

J'aime beaucoup cet album, complètement perché, me rappelant beaucoup d'artistes que j'aime bien et sa voix est formidable.

Un peu des Stooges pour le côté punk évidemment, un pincée de Gong, notamment « Witch’s song/I’m your Pussy » de l’album « Flying teapot », notamment pour les rires de sorcières, une pincée des Flammin’ groovies, notamment «Louie Louie » de l’album du même nom que le groupe, pour les « louielouielouielouielouielouie » et la voix nasillarde, une pincée de Klaus Nomi pour le côté opéra déluré, un peu de Krafwerk avec « Boing Boom Tschak » de l’album Electric Café, soupoudré de Janis Joplin et Petra Magoni pour la féminité.. vous amalgamez, bref, mon propre cake d’amour.

Je fais des liens sortis du chapeau, avec un peu de malchance, mon chapeau s’envole au grès du vent fripon sur le pont des arts.

Nina Hagen peut tordre sa voix, l'adoucir, la rendre agressive, puis tout à coup suave, puis surtout elle est remplie d'humour. Finalement c'est un peu du théâtre chanté, personnellement j'ai des images plein la tête à l’écoute de ses titres et le film me plaît.

Décidemment, les artistes allemands, c'est quelque chose (entre Can, Klaus Nomi, Carol of Harvest, Krafwerk, et maintenant Nina Hagen), je vais perdre la tête.

-Ys
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le 18 janv. 2023

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-Ysé-

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