Pitfalls
7.5
Pitfalls

Album de Leprous (2019)

Chroniquer ce Pitfalls est un exercice aussi délicat que de l'écouter, alors soyons un peu bref, nous les fans qui sont un peu déçus par cette offrande sans pour autant crier au scandale. Loin de là, même, car Einar et sa bande de blondinets nous avaient prévenu : l'album sonnerait comme quelque chose de radicalement différents des précédents. S'il est vrai que Leprous a ici parachevé une mue débutée avec The Congregation (2015) et approfondie sur Malina (2017), Pitfalls reste une oeuvre fidèle à l'univers de Leprous. Seulement ici, plus de volutes Metal, ni de déferlantes techniques ou d’exacerbations progressives.


Pitfalls est l'album de l'épurement...


Ses accointances pop sont très marquées, surtout sur la première partie de l'album. Certes, chaque morceau donne son petit lot de frissons, parfois on défaille même, comme sur "Below", un des plus beaux titres du groupe, qui aurait plus sa place sur un Malina qu'ici d'ailleurs. Le quatuor I Lose Hope/ Observe the Train/ By My Throne/Alleviate constitue la nervure du nouveau son de Leprous : des nappes de claviers sur lesquels se pose la voix d'Einar Solberg, aussi sublime qu'elle est envahissante.


Je le craignais déjà un peu, mais c'est bien parvenu : Einar a fini d'éclipser le reste du groupe, qui ne fait désormais que l'accompagner (certes superbement) dans ses vocalises à fleur de peau. D'abord ressource énorme du groupe, puis pierre angulaire et pivot, Einar a aujourd'hui fait de Leprous une sorte d'Einar's Leprous. Presque aucun titre de Pitfalls ne laisse véritablement respirer les instruments (exception faite sur "At The Botom" et "The Sky is Red"), qui pourtant débordent de talent et de nuance. C'est un peu triste, car ça donne une opacité qui ternit la beauté et l'émotion des compositions. Car cette beauté, elle est toujours présente, omniprésente même, mais un peu diluée par l'étouffant chant et la dorure art pop qui frise à de rares moments le ridicule - sur les passages très commerciaux de Alleviate, on croirait entendre Coldplay quoi.


... Mais à force d'épurer ses propos et de minauder son chant, Leprous a aussi perdu de la puissance de frappe qui faisait tout le génie d'un Coal ou d'un Congregation.


C'est là ou je trouve que le gâchis est un peu triste à voir, car Pitfalls reste un excellent album, mais assez ennuyant sur les bords, qui n'arrive jamais à parvenir au degré d'émotion stellaire des trois (voire des quatre) précédents opus, qui eux frisaient (ou touchaient) la perfection d'un style unique en son genre, à la fois déstructuré, chaotique et hautement atmosphérique et mélodique. Leprous a bel et bien perdu en puissance brute, en émotion intense.


Pitfalls marque un virage assumé vers un contenu plus léger mais bien mûri, qui sourit encore à son passé, surtout sur la seconde partie du disque, plus "traditionnelle" : "At The Botom", très cinématographique avec son violoncelle et son refrain épique, "Foreigner" aussi, bien racée et calibrée. "Distant Bells" est un cas un peu à part, car il faut attendre les 3/4 du titre pour que se déchaîne ce refrain entêtant comme pas possible, terriblement accrocheur. Dommage que le début peine un peu à décoller. Quant au titre "The Sky is Red", on y trouve la nervure progressive et l’épilepsie rythmique de Billateral ou Coal, avec la couche plus "arty" des deux derniers albums. Le "break" de fin annonce une sorte d'apocalypse sci-fi ... magistral ! Par sa longueur et sa structure alambiquée, le titre n'est pas facile à appréhender, mais reste avec "Below" la grosse pépite de l'album.


J'ai été trop long déjà, mais sur cet album, il y a tant à écrire, à louer comme à décrier. Au final, Pitfalls déçoit comparé à avant, et rassure un peu aussi quant à la capacité du groupe à apporter du frais, à changer sans se dénaturer, à être toujours aussi plein d'inspi folle. Quel dommage que la fougue, l'accroche et l'emphase d'avant se soit un peu envolée. Malina reste un entre-deux bien plus abouti à mon sens.
A voir ce que donnera le prochain opus, peut-être bien décisif dans la capacité du groupe à renouer avec son immensité.

FlorianSanfilippo
7

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Digressions digestives et débridées: les sons de 2019 (journal de bord)

Créée

le 17 nov. 2019

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