Porcupine
7.2
Porcupine

Album de Echo & the Bunnymen (1983)

Les lapins franchissent de rudes montagnes

L’insurmontable passage du troisième album… Voilà ce qu’évoque la pochette de Porcupine. Un groupe se préparant à franchir un obstacle difficile, tel l’alpiniste face à la plus grande des montagnes. Une impression renforcée par les faits : la troisième œuvre studio de Echo and The Bunnymen fut la plus difficile qu’ils aient à enregistrer. Puisqu’après la sortie du grandiose Heaven Up Here, un manque de motivation généralisé se fait ressentir chez ses membres. Les Pattinson est lassé par le cirque de l’industrie musicale. D’autres membres s’éparpillent dans des projets extérieurs au vaisseau mère (Pete de Freitas joue avec une autre bande de Liverpool tout en la produisant et Will Sergeant sort un disque solo). Ce qui est mauvais signe.


Ian McCulloch, lui, ne perd pas la foi et pousse ses collègues à se remettre dans les rails de l’écriture. Ses efforts ne sont pas vains car ils permettent de faire paraitre un single qui est leur premier à rentrer dans le top 20 des charts Britanniques : « The Back of Love ». Merveilleuse composition de post-punk héroïque au refrain à la fois puissant et très pop. Une chanson rendant également compte de l’influence psychédélique devenant de plus en plus importante dans leur son.


Le reste de l’album a mis plus de temps à venir. Les sessions d’enregistrement sont difficiles (l’ambiance était horrible d’après McCulloch) mais donnent naissance à un autre succès commercial, « The Cutter ». Une nouvelle perle, introduite par des cordes arrangées par le violoniste Indien L. Shankar, qui fera l’exploit d’atteindre la huitième place des charts de leur pays.


C’est justement ce qui est le plus étonnant avec ce disque, c’est qu’il fut leur première grosse vente (numéro 2 des charts Anglais, s’il vous plaît) alors que leur musique n’a jamais été aussi difficile. En dehors de l’aspect psyché, les singles ne sont pas représentatifs de Porcupine. L’ambiance n’est pas seulement hivernale comme on pourrait le penser. Elle est pesante, austère et quelques fois déprimante. « Clay » joue les montagnes russes en termes d’intensité en alternant les accalmies gorgées de tensions, les cavalcades rythmiques et les cris déchirants de Sir McCulloch. En parlant de lui, le chanteur aux grosses lèvres ne cesse de progresser. Ses performances vocales sont renversantes. La conclusion « In Bluer Skies », à l’atmosphère païenne, est suffisante pour démontrer à quel point ce type est bon.


Néanmoins, ce disque se mérite. Parce que si le succès commercial est au rendez-vous, le triomphe critique se fait moins retentissant. Les journalistes étant mitigés et n’hésitent pas à pointer du doigt des chansons moins immédiates et un son plus monochrome que d’habitude. Elles vont jusqu’à désigner cet aspect comme révélateur d’une inspiration sur le déclin. Si la lancinance du morceau titre est parfois dure à avaler et que « Heads Will Roll » n’est pas d’une folle originalité (quel refrain et quel violon pourtant !), il faudrait être sourd pour ne pas se rendre compte que Porcupine est une autre grande sortie de la part de ce quatuor. Comme quoi, les difficultés n’enflamment pas forcément que des discordes dans des groupes. Elles attisent également la créativité. On en regretterait que le très bon single « Never Stop » n’ait pas été inclus.


Plus psychédélique, toujours aussi mélodique, un peu dépressif, il s’agit d’un album à la forte personnalité. Donc pas toujours simple à dompter. Seulement croyez-moi, l’effort en vaut la chandelle. Rien qu’avec la ligne de basse titanesque de « Gods Will Be Gods », on tient une œuvre figurant toujours dans les hautes sphères du post-punk plusieurs décennies après sa parution. Une œuvre d’autant plus précieuse qu’elle est la dernière dans cette catégorie.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 12 oct. 2017

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Seijitsu

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