Presence
6.9
Presence

Album de Led Zeppelin (1976)

De l'avis général, les cieux ont été tutoyé entre 1969 et 1975 pour Led Zep, avec la création du label Swan Song (ça ne s'invente pas) puis Physical Graffiti, souvent vu comme le dernier grand album studio.

La suite directe ? De grands concerts certes mais une suite d'évènements néfastes :


. Accident de voiture très grave pour Robert Plant (et sa femme), qui sera longtemps dans un fauteuil roulant (il enregistra une partie de Presence dans ces conditions).

. Tournée annulée suite à cela.

. Jimmy Page goutte de plus en plus à l'héroïne, ce qui sera surtout problématique à la fin de la décennie 1970.

. Bonzo continue de noyer son chagrin (l'éloignement de sa famille) dans l'alcool.

. John Paul Jones de plus en plus discret et distant.


Bref, ce n'est pas fou, et en plus de ça, ils ont un temps limité pour enregistrer le successeur de Physical Graffiti. En effet, l'annulation de la tournée les pousse à enregistrer pour combler les pertes financières, mais ils n'ont le studio que pour 18 jours (les Stones sont censés enregistrés dans la foulée).

De plus, Robert Plant est donc en vrac et John Paul Jones, de moins en moins là, va surtout se contenter de ses lignes de basses, exit le piano et la création.


On en est là, la pression financière, le groupe à la tête ailleurs, et un temps limité.


C'est donc un album où l'empreinte de Jimmy Page est énorme, tant à la guitare (il les multiplie, jusqu'à 6 en même temps) qu'à la production, et évidemment la création.

De ce fait, l'album sonne très guitare, et on revient vers un ton essentiellement saturé et hard rock. Pas de clavier, pas vraiment de nouvelles contrés musicales explorées comme c'était le cas à chaque nouvel opus jusque-là, ni de melotron ou vraiment d'acoustique, c'est rugueux et électrique (Page regrettera d'ailleurs le manque d'investissement de John Paul Jones).


Notons aussi un album enregistré en studio, sans l'utilisation d'extérieur comme par le passé et simplement sans se ressourcer dans leur chère campagne anglaise.

Plant et Page composent dans un appartement de L.A., puis s'envolent à Munich pour enregistrer, en 18 jours donc.


Voilà le contexte.


Et pourtant, malgré tout cela, ils proposent un album incroyable.

Déjà tout ce qui a été écrit précédemment se ressent dans l'ambiance qui traverse l'album, c'est sombre, il y a comme une présence autour du groupe, une présence annonciateur de malheur.

La pochette est d'ailleurs parfaite pour représenter cette image, avec une référence directe à 2001 L'Odyssée de l'Espace.

Jimmy Page est très inspiré, livre des riffs mémorables, on ressent presque la fragilité de Robert Plant dans sa voix, et ça lui donne une vraie intensité. S'il est moins présent, John Paul Jones livre tout de même de superbes lignes de basses, et Bonzo frappe comme à son habitude (donc génialement). Ce dernier est d'ailleurs particulièrement inspiré, montrant un feeling incroyable sur les sept chansons de l'album.


Et comment mieux démarrer que Achilles Last Stand ?

Hard rock sombre et rugueux où Robert Plant (en fauteuil roulant) s'identifie à l'héros d'Homère et Jimmy Page (l'une si ce n'est sa chanson préférée du groupe) continue de mêler influence orientale et occidentale dans un incroyable jeu de guitares (jusqu'à 6 en même temps dans cette chanson). John Paul Jones excelle à la basse, avec un jeu puissant et épurée c'est long, intense, lourd, avec des solos incroyables, un rythme rapide de Bonzo proposant même quelques passages sonnant comme un boléro, et un Plant maîtrisant parfaitement ses variations vocales.


Rock bien lourd sur un tempo lent, For Your Life (qu'ils joueront pour la première fois en concert sans Bonzo mais avec son fils, en 2007) permet ) à Robert Plant d'attaquer la consommation de cocaïne, surtout à L.A., largement répandu dans le milieu à l'époque. Comme sur le précédent titre, une ambiance sombre pèse, le chanteur évoque la mort qui guette.

Vise t-il Jimmy ? Lui, il s'amuse avec le vibrato de sa guitare comme un petit fou, il est inspiré, et donne une touche un peu funky à un riff typiquement Zeppelinien.


Royal Orleans (seul titre composé par l'ensemble du groupe) est un rock encore plus funky où Plant évoque une mésaventure de John Paul Jones, sans le vouloir, avec un travelo, et comment tout cela fini avec un feu dans la chambre d'hôtel suite à un allumage de joint (ha, la dure vie de tournée!). Selon JPJ, ce n'est pas lui, mais leur tour manager Richard Cole, on n'aura surement jamais le fin mot de l'histoire.

Bref, les paroles sont assez drôles, le riff funky influencé par les discothèques beaucoup côtoyées par le groupe à l'époque, Bonham ressort les congas et on notera une version Deluxe assez délirante où on ne reconnait pas la voix de Plant. Et ce n'est pas loin d'être le meilleur funk/rock du groupe.


La face B débute sur un très gros morceaux, Nobody's Fault But Mine, qu'ils sublimeront en concert à plusieurs reprises. L'un des sommets de l'album.

Le morceau s'ouvre sur la guitare entêtante de Jimmy Page puis Robert Plant qui vient s'y greffer (il dégainera superbement son harmonica au milieu de la chanson). C'est une relecture blues comme ils savent si bien le faire depuis leur début, et qui n'a plus rien à voir avec l'original (ici du pasteur Blind Willie Johnson) tant pour les paroles que la musique. On passe de la bible et de l'enfer à une fuite pour éviter des maléfices, hé oui Robert, on ne peut pas toujours accuser les autres et on doit assumer ses actes

Là c'est intense, les guitares superbement doublés, des silences sous tension, et un incroyable feeling pour les solos et dans le chant.



Candy Store Rock donne l'impression d'être une petite récréation, un petit rock sympa où Plant assume d'imiter Ral Donner (sorte de sosie d'Elvis), dans un phrasé très typé années 1950 et de manière général, un rock sonnant rockabilly, rappelant Gene Vincent ou Elvis. Enregistré rapidement, c'est l'unique morceau contenant un passage acoustique, avec un Bonham au top, et une ambiance qui détonne au sein d'un album plutôt sombre et lourd. Hots on for Nowhere est lui aussi enregistré dans l'urgence, un bon vieux rock and roll plutôt nostalgique où Plant mêle un peu sa vie à de la fantasy type Tolkien qui l'a tant inspiré par le passé. Et Bonzo, encore un super groove tandis que Jimmy Page est inspiré (comme toujours jusque là), tant le riff que solo.


Tea for One, c'est le mal du pays, une incroyable conclusion blues qui n'est pas sans rappeler la géniale Since I've been loving you, où Plant, parlant pour tout le groupe, évoque la famille absente. En l'écoutant, on imagine aisément un Robert déprimé dans son fauteuil, s'interrogeant sur le sens de s'éloigner de sa famille pour faire du rock. Un blues long et simple, sans artifice où les deux guitares de Page se répondent superbement, une chanson subtile.


Dans l'édition Deluxe, à côté d'autres versions de chansons de l'album, on trouve la curiosité 10 Ribs & All / Carrot Pod Pod (Pod) où John Paul Jones sort enfin son piano, pour 6 min, où il sera rejoint par Bonzo et Page. Cette jam ne ressemble en rien à ce que le groupe a enregistré jusque-là, il y a une atmosphère légère, mais ne sera jamais approfondi.


Si les problèmes commencent à s'accumuler pour le groupe, la fin est encore loin et Presence est un incroyable album, centré sur les guitares, une atmosphère sombre et lourde, dominé par un Jimmy Page très inspiré, jouant pour plusieurs, et un Robert Plant enregistrant en fauteuil roulant. Ce qui donnera un album sans fausse note, et avec quelques grands morceaux que l'on peut aisément mettre au panthéon du groupe.



Face A :


Achilles Last Stand

For Your Life

Royal Orleans


Face B :


Nobody's Fault But Mine

Candy Store Rock

Hots On for Nowhere

Tea for One


10 Ribs & All / Carrot Pod Pod (Pod) (Deluxe édition)

Créée

le 13 mars 2025

Critique lue 75 fois

7 j'aime

3 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 75 fois

7
3

D'autres avis sur Presence

Presence
ErrolGardner
8

Achilles et les autres.

C'est l'album de Led Zeppelin que préfère Jimmy Page. Le disque commence par l'un des meilleurs titres de rock de tous les temps : Achille Last Stand, l'un des morceaux les plus emblématiques...

le 2 nov. 2015

11 j'aime

6

Presence
Docteur_Jivago
9

Le Paradis des Guitares

De l'avis général, les cieux ont été tutoyé entre 1969 et 1975 pour Led Zep, avec la création du label Swan Song (ça ne s'invente pas) puis Physical Graffiti, souvent vu comme le dernier grand album...

le 13 mars 2025

7 j'aime

3

Presence
trevorReznik
7

Critique de Presence par trevorReznik

Achilles Last Stand (qui ouvre Presence), serait pour beaucoup de spécialistes, le dernier grand morceau du groupe. C'est pourtant pas le titre qui me donne le plus envie de réécouter cet album :...

le 23 oct. 2014

5 j'aime

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

165 j'aime

53

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

153 j'aime

34