Autocitation level : über neuntausend

Depuis l'imparfait mais sympathique Liebe Is Für Alle Da, il s'en est passé du temps.
10 ans, en gros.
10 ans pendant lesquels la musique a évolué, le métal en particulier.

Le retour annoncé de Rammstein était pour le moins excitant : pierre angulaire du genre au tournant des 2000, l'après Reise Reise avait été plus délicat pour eux (Rosenrot sentait très fort l'empilage de B-side dont il était fait et LIFAD souffrait de la comparaison avec le trio Sensucht-Mutter-Reise Reise).
Ces 10 ans auront ils permis de faire renaître la bête aussi puissante qu'elle l'avait été par le passé ?

Un premier clip, Deutschland, soufflait un vent très chaud. C'est puissant, assez simple et très basé sur une rythmique entêtante et un clavier très présent, avec un refrain scandé pour bien s'imprimer dans le crâne. C'est du Rammstein.
Rien de novateur mais un bon cru, et un morceau qui doit bien rendre en live.

Je suis passé à coté de la sortie de Radio et j'ai directement embrayé sur l'écoute de l'album en entier.
Et là...
Ben déjà j’ai pu entendre Radio, qui ne m'a pas plu au premier abord et qui au fil des écoutes.... me déplait de plus en plus.
De la partie électro qui sent fort le sous-Kraftwerk à la mollesse incroyable de l'ensemble, j'avais l’impression de retrouver les moments les plus oubliables de Rosenrot. Le son est infernalement daté et la chanson aurait été sympa... en fin des années 80, début 90. Au pire ça aurait fait un respiration pas trop nulle sur Herzeleid (à la place on a eu Seeman, et c'est tellement mieux ainsi).
Même en cette période de synthwave et de nostalgie 80's, ça fait mal de se retrouver avec quelque chose qui ne cherche pas à évoquer les 80's, mais qui y est simplement bloqué.

Et la suite de l'album va fortement souffrir d'un autre mal : l'autocitation. L'ensemble apparait comme si le groupe n'avait jamais pu trouver l'inspiration de faire quelque chose de réellement percutant passé Deutschland.
Et comme la cartouche du Best-of + inédit avait déjà été grillée avec Mein Land, ils se sont rabattu sur un autre ressort : ré-invoquer absolument tout ce qu'ils ont déjà fait pour titiller les muscles de la nostalgie.

On aura donc un morceau qui ressemble étrangement aux morceaux mineurs (mais sympas) de la fin de Mutter ou à certains de Rosenrot. Mélangez Zwitter et Rein Raus dans un grand shaker et vous aurez une chance d'en ressortir Zeig Dich. Ça sera pas le pire résultat au demeurant.
Et évidemment on va le faire parler de religion, parce que c'est un thème jamais abordé auparavant
Un morceau qui parle de cul directement. (Sex. Au moins c'est un poil moins con que Pussy, Bück Dich ou Bückstabü)
Un morceau qui parle de pédophile parce que après Tier, Wiener Blut, etc... ça manquait (Halloman)
Une ballade affreusement mièvre avec heureusement des paroles intelligentes pour faire comme les tellement inoubliables que plus personne ne s'en souvient Roten Sand et Ein Lied (Diamant).
Une power-ballade qui aimerait bien recapter le momentum de Öhne Dich, ou au moins celui de Amour ou Rosenrot, et copie tellement tout qu'on n'entend au final plus que ça (Was Ich Liebe)
Un morceau qui alterne un chant très doux et un refrain très dérangeant un peu comme Wiener Blut pour raconter une histoire d'enfance très sombre comme je sais pas...Spielhur, Dalai Lama, Hilf Mir,... (Puppe)
Un morceau avec des mots en langue étrangère parce que Moskau, Amour, Te Quiero Puta, Frühlings aus Paris existent (Ausländer)
....

Ca n'est pas foncièrement désagréable à l'écoute. J’ai beau réellement abhorrer Radio et Ausländer (et beaucoup craindre de les subir en live) des morceaux comme Zeig Dich, Puppe ou Weit Weg restent éminemment sympathique. Et Sex n'est pas désagréable.
A ce titre le chant éraillé de Puppe est une des rare plus-value de l'album et il arrive a installer une ambiance très sombre au morceau. Je le trouve certes moins profondément marquant et dérangeant que Wiener Blut (que je trouve réellement terrifiante), mais c'est à peu près son seul défaut.
Weit Weg s'en sort également grâce à une rythmique vraiment bien foutue même si la chanson peine à marquer au delà de ça.

Ah et je n’ai rien dit de Tatoo pour une raison toute bête : cette chanson à le pouvoir de s'effacer mon esprit au fur et à mesure de l'écoute. Je l'ai entendue 5 fois au moins et je ne me rappelle jamais de rien si ce n'est qu'elle ne me parait pas désagréable sur le moment avant de totalement échapper à ma mémoire. C'est aussi impressionnant que rare d'arriver a faire un morceau à ce point générique.

Peut être que mes goûts ont évolués pendant ces dix ans au point où Rammstein n'y figure plus qu'en lien avec les souvenirs que j'ai des anciens albums. Et que la comparaison dans le métal cette année est incroyablement relevée (Shehili de Myrath, et surtout Empath ont posé un niveau plutôt relevé. Bien qu'on ne soit pas dans le même style, il y a un standard de qualité qui s'est créé).
Mais je suis passé au travers de l'album à chacune de mes 5 écoutes à ce jour. Je n'en retiens que quelques maigres passages, et certains proviennent des morceaux qui je n'aime pas. Parce qu'ils sont construits pour être des earworms obsédants, et que ce coup-ci le calcul est visible (enfin audible). Et il n'y a rien de pire qu'un earworm que l'on déteste, parce que ça ne fait rien pour améliorer le sentiment à son égard.

Au final, Rammstein livre un album en demi-teinte qui s'appuie trop sur le passé pour apporter quoique ce soit. Une déception malgré quelques morceaux intéressants, sans être marquants.