Republic
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Republic

Album de New Order (1993)

L’effondrement d’une république…

Quand les membres d’un groupe quittent leur vaisseau mère pour vaquer à différents projets, cela veut dire qu’il y a de l’eau dans le gaz. New Order fut omniprésent durant les années 1980 au point d’avoir été une des bandes les plus visibles de cette décennie. C’est d’autant plus étonnant de remarquer qu’ils seront absents lorsqu’il s’agira de récolter ce qu’ils avaient semé quelques années plus tôt.


Au début des années 1990, le mélange entre house et rock explose. Mené de front par le baggy (Happy Mondays, Inspiral Carpets, The Stone Roses…) et ce sous genre bariolé qu’est le grebo (Pop Will Eat Itself et Carter the Unstoppable Sex Machine). Certains chefs de file des 80s tels que Pet Shop Boys et Depeche Mode s’adaptent même parfaitement à leur époque, car alignant les succès aussi bien commerciaux qu’artistiques.


Les petits gars de Manchester sont finalement les seuls à ne pas profiter de la vague qu’ils ont contribué à inventer (quasiment) tout seuls, puisque préférant faire de la musique chacun de leur côté. Il faut dire, rester collé ensemble pendant plus 10 ans dans deux formations différentes, dont une qui a connu un drame, ça donne envie de souffler un peu.
New Order est d’ailleurs devenu tellement gros qu’il survit sans difficulté à la faillite de leur label Factory. Désormais envoyé au tapis pour cause de gestion financière catastrophique et d’un album (Yes, Please des Happy Mondays) qui leur a coûté plus que de l’argent. Désormais, ils sont sur une major et cela ne les poussera pas à se réunir rapidement pour faire paraître ce qui sera leur seul disque studio dans les années 1990.


Republic sort finalement en pleine ère de transition. L’époque où le dance rock est en train d’être remplacé par la techno et où la britpop s’apprête à devenir une musique autant fraîche qu’iconique. A vrai dire, personne n’a dû se faire de souci à l’écoute de « Regret ». Quel superbe single ! Son refrain est lumineux et addictif comme seul Bernard Sumner est capable d’en écrire. Peter Hook, fidèle à lui-même, délivre une ligne de basse chatoyante nous laissant hébétés devant tant d’évidence et de classe.


Ça sera justement la meilleure chanson.


Pour la première fois de sa carrière, le quatuor a composé un skeud faiblard. Pas dénué de qualités mais souvent facile (« Spooky » et « Avalanche ») quand il n’est pas tout simplement plat (le presque trip hop « Ruined in a Day »). Leur son n’ayant pas uniquement perdu beaucoup en efficacité, mais également en subtilité. Certains titres vont piocher dans la house tout en paraissant rapidement vains (« Chemical »). Si bien qu’on se questionne par moment si on ne s’est pas fait refourgué un mauvais album des Pet Shop Boys.
Une impression qui se confirme avec la discrétion de Peter Hook. Il est nettement moins audible qu’auparavant, donc la perte d’identité de la musique s’en ressent. Sa basse ayant toujours été le principal instrument "organique" qui naviguait parmi les machines. Ces dernières semblent avoir pris le contrôle au point que les autres musiciens se reposent trop sur elles. Ce qui donne un disque agréable mais particulièrement prévisible (« Liar »).


Il y a toutefois quelques morceaux qui méritent d’être réhabilités. Notamment « Times Change », dont la mélodie au clavier est inoubliable tant son onirisme est puissant (si elle n’a pas traumatisé Nobuo Uematsu, alors je me fais moine trapéziste) et aussi « Special ». Seul instant où leur mélancolie aérienne réussit à faire mouche, à la manière de leurs anciens faits d’armes. Le reste ? Au mieux, c’est sympa (« Young Offender »). Au pire, c’est fade comme de l’eau déminéralisée.


Avec Republic, New Order tente et échoue dans sa tentative de modernisation au point de paraître pour un gros ringard avec une telle œuvre. Une hypothèse qui se confirmera par le fait qu’elle sera la seule sortie du groupe pendant très longtemps. Fort heureusement, l’avenir nous donnera tort.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 5 janv. 2016

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