Triste et belle histoire que celle de cette oeuvre. Zbigniew Preisner est, comme le cinéphile averti sait, le compositeur attitré du cinéaste polonais K. Kieslowski, pour lequel il a signé toutes ses partitions, dont le sommet est probablement la trilogie tricolore (préférence pour Bleu - vu le sujet, et pour Blanc). Mais après la mort du cinéaste, Preisner ne pouvait cesser sa carrière. Il a donc continué, après avoir rendu un vibrant hommage à son ami en lui composant ce Requiem absolument somptueux et d'une grande originalité.

Musicien autodidacte, qui n'a jamais appris la musique ou reçu de formation, la liberté de son style créatif éclate dans ce Requiem, dont on peut clairement distinguer deux parties : une facture et structure plutôt classique (avec quelques libertés) qui va de l'Officium à l'Epitaphium. On y retrouve ainsi l'Agnus Dei, le Dies Irae, le Sanctus, etc. Sur cette partie, la compositeur se fait plus classique et, il faut l'avouer, moins à l'aise. Néanmoins le Kyrie Eleison et surtout le Lacrimosa sont des réussites majeures. Du Lacrimosa, le cinéphile averti - encore lui - saura qu'il a été remis au goût du jour par Terrence Malick dans la séquence de la genèse de Tree of Life. Morceau absolument superbe, la plus grande réussite du Requiem, porté par le chant lyrique de la soprano Elzbieta Towarnicka, égérie du compositeur, omniprésente dans ses compositions.

Mais c'est surtout la deuxième partie du requiem (sous titrée "Life") qui frappe : plus libre, plus moderne, mais marquée d'une inspiration, d'une révérence classique. Au programme, deux suites sous forme de trilogies : The Beginning et Apocalypse. L'écriture y est plus "cinématographique", l'insturmentation, audacieuse. On appréciera particulièrement l'écriture pour saxophone alto, qui porte l'ensemble vers des sonorités plus jazz voire plus progressives. Un pur régal. La pièce de résistance Kai Kairo, de près de 10 minutes, est merveilleuse. Et aux tourments de l'Apocalypse succèdent une reprise étoffée du Lacrimosa et une ultime prière incantatoire écrite sur pédale.

Un magnifique moment de beauté suspendue et de recueillement. Kieslowski ne pouvait rêver meilleur hommage.
Krokodebil
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le 27 févr. 2013

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