Avant toute chose, prenez à peine un peu plus d'un quart d'heure pour écouter la Rhapsodie in blue de Gershwin avec Khatia Buniatishvili au piano, dont voici le lien youtube.

https://www.youtube.com/watch?v=0U-IXWaapx4

Pour moi la Rhapsodie in blue c'était musicalement jusqu'à ce jour une envolée de clarinette sur un 33 tours de mon père grand amateur de jazz.

C'était les rues de New York, c'était la flamboyance tragique des USA de la prohibition, c'était le rêve fantastique d'une Amérique que j'associais à la symphonie du nouveau monde de Dvorak.

C'était un ébouriffant foutoir d'émotion mais c'était un orchestre où la chaleur des bois dominait.

Et puis récemment j'ai découvert la Rhapsodie in blue avec Khatia au piano,

Aie aie ai ! quel choc mes aïeux !

Dans sa robe de dentelle noire elle ressemble à une elfe consciente de son charme qui n'ignore pas l'effet que son apparition provoque sur la gente masculine de son public. On l'aime déjà mais un peu comme une petite sœur qu'on voudraient protéger, une petite chose si fragile qui seule va devoir à la fois dompter un énorme monstre de piano noire et affronter tout un orchestre ordonné comme une armée aux ordres de la baguette du chef.

Elle s'assoit sous les applaudissements et tout commence. L'orchestre avec l'ouverture envoutante de la clarinette est en terrain conquis la trompette poursuit et Khatia patiente puis c'est son tour avec fluidité le gros piano se glisse dans la circulation l'orchestre souffle accompagne reprend poursuit amplifie porté par la puissance des cuivres, le piano joue et petites mains en incarnant, à coup de petits contrepoints, le fourmillement des rues. Du foisonnement de la frénésie et insensiblement les chose changent le piano s'impose calme le jeu avant de s'emballer et de mettre l'orchestre au défi de le suivre.

Au clavier Khatia Buniatishvili n'a plus rien d'une petite chose fragile, c'est une guerrière qui de tout son corps engage le combat et qui frappe le clavier avec la même force et précision que la hache du bucheron sur le tronc qui fatalement à la fin sera vaincu à ses pieds.

Course de vitesse, assaut de virtuosité, où sans cesse la piano provoque, excite, fouette, l'orchestre son adversaire non pas pour le vaincre, mais pour, à coup de défis répétés, l'obliger à la suivre. Ce qui était déjà tourbillonnant de musique devient explosion spectaculaire notes multicolores. Quand à la fin, avec un grand sourire elle brandit son poing serré, on comprend qu'elle a largement gagné mais c'est une victoire de cours de récréations où loin de vouloir se faire du mal les adversaires ont de toutes leur âme partager le même élan.

Une bagarre festive exubérante et pleine de joie.

Bonne écoute à tous et vive la musique.

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le 18 déc. 2022

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