The Roland Kirk Quartet Featuring Elvin Jones – Rip, Rig & Panic – (1965)
Rien qu’à l’énoncé des musiciens le vertige vous prend, Roland Kirk avec tout son bazar, saxos, sifflets et autres colifichets autour du cou et dans les poches, le grand Elvin Jones à la batterie, Richard Davis la légende vivante à la contrebasse et Jaki Byard au piano, l’écouter c’est l’adopter pourrait-on dire de lui !
Mais côté coulisses c’est également inespéré, Rudy Van Gelder lui-même est aux manettes, ne cherchez plus, le menu est juste grandiose ! Certes nous sommes en soixante-cinq, l’années du chef d’œuvre des chefs d’œuvre, « A Love Supreme » qui a tant bouleversé les cœurs. Mais même s’il jette une ombre considérable sur les autres parutions de ce millésime, il ne faut pas négliger un tel album, il y a forcément une place pour cette belle pièce, même si, d’évidence, l’album est beaucoup trop court, à peine trente-cinq minutes.
Sans doute vaut-il mieux faire court et bien, plutôt que faire du remplissage inutile, alors goûtons ce qui nous est proposé. D’autant que la formule du quartet est très en vogue, à l’origine d’un équilibre essentiel souvent parfait, comme ici. Roland a mouillé la chemise et composé cinq des sept titres, seuls « Once In A While » de Bennie Green et « Black Diamond » de Milton Sealey sont des reprises.
« Rip Rig and Panic » est une sorte d’ovni venu d’on ne sait où, un pied dans le hard bop et un autre un peu plus loin, déjà le précédent « I Talk With The Spirits » avait sonné l’alarme et montré la voie que celui-ci prolonge, et même très loin, si on songe à « Slippery, Hippery, Flippery » qui termine l’album.
Pas de doute Roland Kirk nous plonge dans le free jazz ! Cette ouverture franche vers la modernité est comme un cap qu’il a franchi, au milieu des septièmes rugissants, bataillant fort face aux éléments et assumant tous les risques avec un Elvin Jones qui s’évertue avec courage.
On peut sans hésiter classer cet enregistrement parmi ses meilleurs et ses plus audacieux, dépassant largement le rôle de « bête de cirque » que certains voulaient lui faire endosser, appuyant uniquement sur ses capacités de multi instrumentiste, jouant de plusieurs instruments en même temps, et aveugle de surcroît.
Il n’y a que de belles choses ici, mais soulignons quelques titres, « No Tonic Press » qui ouvre l’album, « Mystical Dream », « Once In A While », « Rip, Rig & Panic » et « Slippery, Hippery, Flippery », mais les autres sont également au top, car ici tout est bon, à écouter tout du long…