Bon on va commencer par répondre à la question que les français, que dis-je, le monde entier se pose : oui, Alkpote décapite encore et toujours les mégaputes.


Ceci étant dit, on peut aller droit au but et dire que c'est sûrement son meilleur projet depuis des années. Pourquoi ? Parce que DJ Weedim. Les deux forment un duo équilibré, et ont l'air de bosser de la même façon : on sait que le premier écrit vite et sans trop de déchets, tout comme on sent que le second se prend pas la tête des heures sur ses prods. En gros, il suffit d'une petite idée et boum, pas la peine de complexifier pour le plaisir, juste on envoie la sauce et on réfléchit après. Alors quand Weedim arrive en studio avec la bonne instru qui claque, et que Gainzbeur grattent deux gros couplets dont il a le secret juste derrière, ça donne forcément une pépite de spontanéité, à l'image du génial Amsterdam City Gang.


Après bon, l'album est pas composé uniquement de chefs d’œuvre, loin de là. Dans les faits, on trouve aussi bien des morceaux assez basiques que des trucs plus expérimentaux dont on comprend bien que certain sont là juste parce que, bah... c'est rigolo quoi (mention spéciale à Super Fluxx et sa rythmique reggaeton, tu vas pas nier que c'est rigolo). Évidemment les morceaux les plus marrants sont aussi ceux qui perdent assez rapidement en intérêt, mais tous s'inscrivent dans un ensemble cohérent qui leur confère un indéniable intérêt sur la longueur. Ce cadrage global est une réussite dont Weedim peut se féliciter.


Mais s'il y a un truc que les fans apprécieront particulièrement, c'est qu'on ne compte aucun putain de feat sur cet album ! Eh non, y'aura pas à se taper le traditionnel couplet d'un obscur rappeur du 91 entre deux ogives lyricales de l'Empereur. Ce choix est symbolique d'une simplicité qui se révèle être leur arme la plus redoutable. Le meilleur exemple est sûrement le début de l'album qui, après un sample de la déjà culte interview impériale en guise d'intro, s'ouvre sur Pyramide, un morceau tout ce qu'il y a de plus simple et efficace : une prod minimaliste, un refrain à base de pyramides (salope), et deux couplets composés uniquement de rimes multi-syllabiques en I-A-I, ce qui permet entre autres de rendre hommage sans sourcilier à Vivaldi et Thierry Gilardi en moins de 20 secondes. Que demande le peuple ?


Quant à la performance de l'aigle royal de Carthage, on peut dire qu'il assume ici comme jamais ce côté « Mongoldorak », avec un festival de fulguro-punchlines aussi virtuoses que complètement débiles. Sadisme et Perversion, c'est un peu la quintessence de la dégueulasserie poétique, une sorte d'Alkpote à son stade chimiquement pur. Autrement dit, ceux qui n'ont jamais accroché à son personnage ne comprendront toujours pas ce qu'il peut y avoir de drolatique dans des phases comme « J'crache de la harissa, suce mon piment d'Espelette », alors que ses adeptes n'arriveront toujours pas à expliquer ce qu'il y a d'absolument génial dans un « Suce mon antenne, j'éjacule du Pantene / Sur des panthères qui ont l'âme en peine ».


Les fans les plus exigeants pourront par contre regretter qu'il ait ici complètement exclu les petites réflexions d'une sincère mélancolie qui ponctuaient le plus souvent ses déchaînements de violence lyricale, et donnaient cette saveur particulière à ses meilleurs morceaux. Surtout qu'elles ont été plus ou moins remplacées par des provocations toujours plus gratuites (Je fume un joint sur la voie lactée / J'vais aller me faire tatouer une croix gammée).


Ce Sadisme et Perversion est donc un énorme défouloir pour celui qui continue inlassablement de fouiller les recoins de la langue française pour nous donner le nec plus ultra de la rime phallique. Certainement pas son meilleur album mais sans doute un chapitre majeur à rajouter à la légende de la crasserie.


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Yanga
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le 5 juil. 2016

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Yanga

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