School’s Out
7.3
School’s Out

Album de Alice Cooper (1972)

From your first cigarette 'til your last dyin' day.

"Donne moi ta main, et prends la mienne..." Oui, on avait déjà Sheila, eux eurent Alice Cooper.
Après quelques années à se chercher, à vaciller au sein d'un psychédélisme bancal, le succès a fini par venir à la rencontre d'Alice Cooper. "Love it to Death" et "Killer" ont posé le groupe sur un socle de shock-rockers encore inédit, les USA et même l'Angleterre sont conquis et Alice lui même obtient un statut iconique. Quand un peu partout les ligues de bonnes moeurs, les conservateurs et les associations de parents s'acharnent à tenter de bannir le groupe pour son usage abusif d'imagerie sombre et sanglante, les plus jeunes sont ravis : leur rebellion mal dirigée et leur besoin de choquer a enfin trouvé son porte parole (vivement le punk). Le chanteur s'est fondu dans son personnage de Capitaine Crochet du rock, lassé de ne voir dans le rock que des héros, il choisit d'incarner le méchant, non sans humour.
Donc "School's Out" est l'album où tout explose, commercialement et musicalement. "Killer" était résolument rock, ce nouvel album part dans une autre direction tout en renouant avec les atmosphères de comédies musicales corrompues déjà présentes sur les deux premiers albums du groupe, sauf que cette fois, Bob Ezrin et son sens de la production tubesque sont là pour emballer le tout. "School's Out" parle de la jeunesse et de sa morgue des mauvais jours, pas du flower-power. Il est marqué par ce thème de la déliquence juvénile, on y suit une bande de brutes à la sortie du lycée, bière, crans d'arrêts et dessins animés inclus.

Souvenez-vous de l'école. Le meilleur moment de l'année, quand retentit la sonnerie annonçant enfin la fin du tout dernier cours avant les grandes vacances. La chanson "School's Out" c'est ça, l'intensité, la fébrilité, l'impatience des 3 minutes qui précèdent la sonnerie. C'est de loin le morceau le plus rock de tout l'album, un hymne gravé sur un pupitre en bois gueulé par des enfants bien décidés à mettre un terme définitif à l'année scolaire, quitte à faire exploser l'école une fois pour toutes. Inutile d'enfoncer le clou, ce sera Le grand succès d'Alice Cooper, jamais retiré des set-lists, incontournable et évident. Le riff est tranchant, l'animosité sincère et l'humour jamais très loin.
Depuis "Love it to Death" le groupe a signé chez Warner, l'occasion d'en rire est "Luney Tune" en référence pas très discrète aux personnages de l'écurie, avec une nouvelle incursion dans le psychédélisme des débuts. On suit un jeune paumé qui tente de se donner un air de vrai dur dans ses préparatifs du matin et ses envies de sang. Le morceau eest assez représentatif de ce versant sombre du glam qu'Alice Cooper incarne à ce moment.
"Gutter Cat Vs. The Jets" conduit inéxorablement à la baston. "West Side Story" et sa guerre des gangs sert de fil rouge au morceau en forme de provocation d'avant bataille. Si le morceau commence comme une nouvelle pièce psyché-glam, il évolue peu à peu vers la retranscription pure et simple de la chanson des Jets de la comédie musicale en quesion, non sans ironie (il faut dire que même vu de 1972, leur allure n'avait rien de spécialement terrifiant). Gutter Cat, leader félin particulièrement hérissé conduit sa bande dans la conquête du quartier (et d'une jolie minette surtout) sur fond de murs de briques et d'échelles de secours. Tout y est, claquements de doigts, claviers bidouillés et paroles de Steven Stondheim. Si Broadway était évoqué jusqu'alors, cette fois ci le pas est franchi avec jubilation. "Street Fight" prolonge la chanson avec sa basse jazzy survoltée, ses cris de chats et ses sirènes de police en approche.
On reste dans le jazz avec le très joli "Blue Turk" où le chanteur révèle des capacités jusque là peu exploitées, il harangue moins et chante plus. Les cuivres sont de sortie, et se paient même le luxe d'un long instrumental à mille lieues du riff survolté de "School's Out", le fourre-tout fourmillant des deux premiers albums s'est mué en polyvalence bien mieux maîtrisée, il y a eu du boulot et ça s'entend.
"My Stars" est une hallucinante chanson toute en montées et dégringolades vertigineuses et hystériques. Peu cité ici et là chez les fans, "My Stars" est pourtant un petit trésor du genre, parfaitement maîtrisé. Ca commence gentiment avec un piano vaporeux, mais dés que la machine démarre elle ne s'arrête plus. Le morceau est survolté, c'est à peu près la dernière dose de psychédélisme pour le groupe qui abandonne grosso modo ce style après cet album, Pour le coup on est plus près du bad-trip que du rêve hippie des phrases comme " Landscapes alive and it's movin' my feet, all I need is a holocaust to make my day complete" sont là pour nous rappeler qu'on est chez les méchants. C'est confirmé avec "Public Animal #9" et son jeu de mots un peu foireux qui voit le chanteur assumer son côté bestial non sans théâtralité. Les choeurs en "hey hey hey" et les claquements de mains créent un savoureux décalage entre le fond et la forme, l'humour est omniprésent "she wanted an Einstein but she got a Frankenstein", et on parle à nouveau de la terreur du lycée, de son pupitre couvert de graffitis, de son envie de briser les barreaux de sa cage... Ca se finit en grognement inintelligibles, évidemment.
"Alma Mater" vient contrebalancer la haine de l'école en laissant place à la nostalgie de cette période révolue. On y entend Alice Cooper chanter comme jamais jusqu'alors. Sa voix y est claire et tout à fait mélodieuse. Le morceau est très Paul McCartneysien , impression renforcée par sa voix filtrée par le combiné d'un téléphone. Le gros dur qu'on suivait jusqu'alors se révèle finalement plutôt touchant, du moins un peu pitoyable et vu comme un loser ayant peu d'amis. Le begaiement sur la fin et la demande désespérée de ne pas oublier le Coop' sont particulièrement drôles il faut l'avouer. C'est en tout cas un très joli morceau, tragi-comique et épuré ce qui est alors très rare chez le groupe.
Heureusement pour les amateurs de grandiloquence, "Grande Finale" le bien nommé vient conclure l'album dans une explosion en fanfare qu'on croirait tirée d'une grosse production Warner, on y revient sur "West Side Story" histoire d'être bien certains que tout cela n'est finalement que du grand spectacle, et que les ligues de bonne moeurs ont raté un épisode.

"School's Out" est certes porté par son morceau titre archi-connu, pourtant, cette chanson n'est pas tellement représentative de l'album qui est loin d'être peuplé d'hymnes rocks du même tonneau. L'album est très bon c'est certain, mais il n'est pas vraiment à conseiller à quelqu'un qui voudrait découvrir le groupe à mon sens, "Killer" serait une meilleure introduction. Le succès sera quant à lui au rendez-vous puisque "School's Out" marquera le triomphe du groupe un peu partout dans les classements, surtout grâce à son single titre. Sans être l'album clef, il reste tout de même un incontournable sur lequel toute impasse serait malheureuse. Pour les choses sérieuses, il faudra attendre le merveilleux "Billion Dollar Babies" qui verra l'aboutissement artistique d'Alice Cooper en tant que groupe, le rock de "Killer" et la folie façon Broadway de "School's Out" vont enfin fusionner et croyez-moi ce serait bête de passer à côté,
I Reverend

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7

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