Second Life Syndrome par Benoit Baylé
En succombant à ses envies de ballades saccharinées au sein du très facultatif EP Voices In My Head, Riverside entame la production du successeur du surestimé Out Of Myself l’esprit belligérant, prêt à en découdre avec les rares et raisonnables critiques négatives de l’antédiluvien premier opus. Malicieusement récupéré par le label InsideOut, déjà en charge de Devin Townsend, Spock’s Beard, Pain Of Salvation ou des Flower Kings, Riverside poursuit son triptyque conceptuel entamé avec Out Of Myself, Reality Dream, cette fois-ci en dépeignant la sombre histoire d’un homme honteux de lui-même prêt à tout pour changer.
Au travers du récit ainsi abordé, l’auditeur sera ravi de constater la partielle disparition des sons synthétisés si risibles du premier opus. Leur éradication incomplète n’est pas un problème, au contraire : plus discrets, de meilleur goût, ils gagnent en intensité et permettent la mise en place d’une fresque à l’atmosphère mi-orientale mi-spatiale. A l’écoute de « Volte-Face », les heureux esprits imaginatifs se complairont à visionner de majestueuses pyramides martiennes entrecoupées d’oasis à l’abreuvage rougeâtre, dans une ambiance de civilisation maya post-apocalyptique… Voyez, cet album rend fou. Ses fresques musicales sublimes appellent inévitablement des images d’une beauté torve, tapies dans l’ombre des rageuses distorsions qui parsèment l’abstrait voyage. Dénuées de toute naïveté, les compositions plus dépouillées (en bref, les ballades) ne sont pas moins spirituelles et profondes ; elles touchent parfois même à l’ineffable à l’instar de « Conceiving You », ce mirifique piano-voix issu d’un autre monde, ou « I Turned You Down », repentance difficile d’un homme détruit par ses regrettées erreurs passées.
Du point de vue si bien vocal qu’instrumental, toutes les interventions de Mariusz Duda effleurent le prodigieux et prouvent une nouvelle fois son influence presque exclusive sur Riverside. En gommant ses principaux défauts vocaux comme l’ancienne persistance dans le romantisme de variété populaire de bas-étage, il s’affirme avec panache comme un incroyable chanteur, capable de susurrer le bonheur d’une voix chaude (« Before ») mais aussi de crier vengeance avec violence (« Artificial Smile »). Quant à son jeu de basse, il est simplement monumental. Les sceptiques peuvent d’ores et déjà se pencher sur la plage éponyme, un paradis de quinze minutes pour tout amoureux des musiques absconses que deux ou trois binoclards se sont amusés à appeler progressisme. Cohérente et dans la plus pure tradition progressive, la suite permet également au nouvel arrivant claviériste Michal Lapaj de prouver son talent de mélodiste de bon goût.
Second Life Syndrome est la première réussite de Riverside. Et quelle réussite ! Possédé, romanesque, onirique, visionnaire, nostalgique, l’album est le plus convaincant de la trilogie Reality Dream engagée de manière mitigée deux ans auparavant. Il convient à tout amateur de musiques sophistiquées de s’y abandonner, l’espace d’une heure d’une intensité rare.
