John Coltrane – Settin' The Pace – (mars 58)
Nous voici lors de la session du vingt-six mars mille neuf cent cinquante-huit, sous la supervision de Rudy Van Gelder, dans les célèbres studios d’Hackensack, pour le compte du fameux label Prestige qui enchaîne les enregistrements. Celui-ci ne paraîtra que bien plus tard, la première version en mono, sortira pendant l’année soixante et un.
Alors Coltrane, bien sûr, mais aussi le Red Garland trio, avec Red au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Art Taylor à la batterie. Ils se connaissent et s’apprécient, sont habitués ensemble et chacun possède ses marques.
Comme à l’habitude le répertoire est constitué d’airs populaires, de ceux que chacun connaît et chantonne à l’époque. Les deux premiers titres qui siègent face une sont tous les deux signés par les compositeurs « Dietz & Schwartz », des habitués des shows de Broadway très en vogue alors.
Ainsi l’album s’ouvre sur une ballade, « I See Your Face Before Me » de près de dix minutes, immortalisée par Franck Sinatra. Après une intro au piano, Coltrane se montre extrêmement tendre et caressant, libérant un solo de saxo extrêmement long, affichant une progression remarquable, très fouillée déjà, avant de laisser la place au piano de Red Garland, après quatre minutes et vingt secondes.
La ballade avance en conservant ce même tempo avec la rythmique qui reste dans la même structure, mais deux minutes plus tard Paul Chambers se saisit de l’archet et risque un solo, avant que Coltrane ne reprenne la main pour une nouvelle variation finale… J’avoue que j’aime bien ce genre de ballades dont Coltrane colorait le plus souvent chacun de ses albums à l’époque.
La seconde pièce, « If There Is Someone Lovelier Than You » est toujours aussi philosophique et plaisante, cette fois-ci le titre est mid-tempo, dans un style que Coltrane aime beaucoup à l’époque, et dont il use à foison.
La pièce suivante est sans doute plus remarquable, signée par Jackie McLean, elle se nomme « Little Melonae ». C’est peut-être la pièce la plus ciselée ici, en tout cas la plus originale où chacun grimpe d’un niveau, c’est aussi la plus moderne avec sa curieuse mélodie et ses harmoniques complexes. On sent poindre ici le génie coltranien, dont les solos sont décapants. C’est aussi la pièce la plus conséquente, flirtant avec le quart d’heure.
L’album se termine avec « Rise ‘N’ Shine », une pièce très rapide et très enlevée où tout s’emballe et se bouscule, la virtuosité des musiciens est mise à l’épreuve, mais pour ces kadors il n’y a ni risque ni péril, tout est en place et la course peut s’élancer ! A noter qu’au fil des rééditions, l’album s’est parfois appelé « Trane's Reign ».