SOLSAD
6.7
SOLSAD

Album de Zamdane (2024)

Solsad ou l'opium phonétique, évasion, introspection, magnification

Deuxième album solo de Zamdane, “Solsad” nous offre un véritable pèlerinage au maghreb et sa culture via ses sonorités. Avant tout Zamdane possède un potentiel atypique dans le décor “rap français” actuel.

Vecteur de fraîcheur, de renouveau dans un paysage bien monotone depuis quelques années, même si la “new wave” se développe et se crédibilise de plus en plus, Zamdane développe une authenticité le démarquant de Khali, 8ruki, etc… Grâce à sa plume et son personnage imbibé d’une culture à part entière, Zam est un rappeur new wave dans la new wave : démonstration avec son nouveau projet :

“Solsad”, véritable expérience musicale qui vous fait comprendre ce qu’est ressentir des émotions diverses selon les morceaux, et leur message

  • Tout d’abord Zamdane introduit longuement le goal de son projet. “Mouchkila", morceau servi en guise d’introduction, est imprégné de l'entièreté du projet. Bien souvent les bonnes intros de projet sont celles qui sur 2 minutes vous font retranscrire ce pourquoi vous vous êtes penché dessus, ce pourquoi vous allez prendre le temps d’être emporté quelque part… (quand justement c’est bien fait). Et ici Zamdane fait cet effort. Un piano mélodieux, une scène de la vie banale, une intervention d’un grand père de son bled. Solsad tout compte fait c’est le retour au source de Zamdane, il n'y a pas de problème à se montrer, à s’offrir à la musique, à la laisser s’incorporer en nous pour aller chercher ce pourquoi on existe, ce pourquoi on crée cette musique. Mouchkila signifiant “pas de problème” en arabe - le décor est dressé, la lumière du soleil maghrébin va venir faire ressortir les sentiments les plus profonds de Zam, et ainsi crée un lien très intimiste entre l’instrumentalisation - l’interprétation et l’audition qui en quelque sorte sont métaphorique dans cette plongée en abime.
  • Le premier morceau passé, l’instrumental poursuit sur ce même piano qui, à la manière du soleil dans une journée, va nous suivre plus ou moins fortement tout le long du projet. Et de suite une nouvelle entité apparaît : un amour passé… Alors de qui Zamdane parle ? on ne le sera jamais vraiment. Néanmoins pour la première fois on voit zam balancer entre cette entité ci et l’envie de faire d’autres choses, de s'évader, de créer de plus grandes choses, “de changer de panorama”. Au cours de "solsad" non seulement on évolue avec Zamdane, mais on le suit sur un chemin… un morceau du chemin de sa vie… Qui sait. De son bled originel, le décor des dunes, des vents de sable, du climat saharien, des tsitares des touaregs, ZAm souhaite la quitter ! Mais elle non, elle est en lui c’est comme ça et le seul moyen de s’extirper de cette nostalgie mélancolique c’est de la faire apparaître, paradoxalement !
  • Cette rencontre intervient pleinement au cours du morceau “le cercle de la vie”. Où Pomme invitée sur le morceau, incarne la voix de cet amour, cette frustration, cette pensée de Zamdane qui subsiste qui lui dit de “rester coller à la tess”. De plus 10 tracks c’est assez court certes mais les morceaux ont quelque chose qui font que la parité entre instruments et voix est respectée, et par conséquent l’univers qui se dressait petit à petit depuis le début devient réellement tangible. La plongée en abime prend une certaine consistance pour nous donner l’impression d'être avez Zamdane dans ces moments là. A titre de comparaison “petit prince” de Larry était beaucoup plus nébuleux sur cette mise en abime, même si des morceaux comme “barode” redessinait la D.A originelle. Zam lui, suit son fil rouge et ne le perd quasiment jamais au cours du projet : sûrement puisque cet amour passé… Laissé de côté depuis le début de sa discographie a besoin de ressurgir et ne se contente pas d’un seul morceau pour exprimer ce qu’elle a à transmettre !
  • Autre point très positif dans le projet c’est l'entremêlement de 2 univers musicaux distincts dans des tracks bien précises. Sur “million” par exemple, rebelote, le morceau est ouvert sur le piano mélodieux qui transite depuis le début entre chaque morceau et puis d’un coup d’un seul droppe une basse qui module en partie le sentiment du morceau et lui donne bi-sonance très riche en interprétation. Le son est doublé, la volonté est doublée, le ton est doublé, la portée est doublée. En ce sens "Solsad" est réellement un double album dû à cette recherche plus pointilleuse que la norme. De plus Zam réitère cela sur le morceau “printemps”, le même sorti 1 semaine auparavant pour promouvoir le projet qui de même que mouchkila est pilier dans l’ossature de l’album et sa teneur sur les 30 et quelques minutes. +1 pour la profondeur du propos
  • Puis viennent les 2 feats du projet : “alouette” avec Josman et “boboalam” avec So la lune. Force est de constater qu’il y’a un léger bémol à mettre sur leur place et leur cohérence dans la tracklist … ni desservir, ni servir. En effet même si les couplets de Josman et So la lune reste excellent (par conséquent il ne sert à rien de décortiquer leur intervention). Le ressenti ici pour le coup est moins précis à aller chercher que d'habitude. Il est global étant donné que le paradoxe cingle un peu aux oreilles, on aurait presque l’impression d'écouter un projet différent. Effectivement, les basses et les instrumentales sont nettement différentes que la D.A abordé depuis le début et par conséquent maintiennent Josman et So la lune dans leur confort instrumental routinier : en quelque sorte la prise de risque est (plus que) minimisée. Le piano disparaît, les accords rababs, oun, qanoun (guitares maghrébines) s’évaporent pour laisser place à un beatmaking assez commun voire même assez habituel de ce qu’on entend de ces artistes depuis quelques années. En somme certes, les lyrics reste très étudiés, les partitions respectées MAIS… Du niveau musical sur lequel Zamdane nous avait lancé sur les 4 premiers tracks, ces 2 morceaux ci contrastent dans le mauvais sens, n'apportent pas une dynamique nouvelle pour relancer le fil rouge mais sonnent comme simple passager afin de meubler la DA global. De plus “alouette” aurait pu plus s’apparenter à un single de Zam si J0$ n’avait pas était là, en somme Josman est présent sans l’être, sa monotonie aurait pu être modulé, connaissant Josman s’essayer à des mélodies chantées ne l’aurait pas éreinté, un peu dommage :/
  • Mais cette légère déception est vite rattrapée par les 3 (excellents) morceaux qui suivent - (surement la voix seule de Zam est trop envoûtante) : Avec “un peu de moi” zam revient de ce petit détour… à l’essentiel, s’octroie des petites syllabes anglicanes chantées sur un fond de qanoun à qui il cède même le dernier tiers de son morceau et la laisse ainsi parler pour lui. Pourtant il disait pour interlude que la Prod ne lui laissait pas le temps de s'exprimer; “il voulait trop la bouffer”. C’est bien connu “la musique retranscrit les émotions” et ces dernières explosent littéralement sur l’avant dernier morceau:
  • "Youm wara youm"… quel morceau, quel feat ! Quel meilleur invité que Kekra, son frère marocain pour être imbibé de la même culture que lui et ainsi performer d'une telle manière. De toute manière Zam préfère l’arabe au français “qui sera toujours meilleur" :) “les tournures de phrases maghrébines sont toujours mieux imagées” nous disait il. Et c’est normal le français est comme il le dit une langue moins phonétique .

La phonétique… c’est finalement ce que l’on pourrait retenir de ce projet; la volonté de Zamdane à célébrer le pouvoir émotionnel de la musique à travers des accords, des douces mélodies. Puisqu'en effet, Zamdane lui aime la phonétique, aime les sonorités diverses, aime lorsqu’il doit écouter plusieurs fois un morceau pour comprendre ses mélodies et son véritable message et ainsi articuler en conséquence ses propres paroles et leurs tonalités .

Zamdane c’est donc cet artiste au sens brut du terme: il n’imagine pas son monde, sa vie sans la musique, sans le rap. “SI JE FAIS PAS DE LA MUSIQUE JE MEURS”, “c’est pas du charbon, c’est pas un lifestyle”. "Solsad" par conséquent (plus que dans “le monde par ma fenêtre”) est un projet qui vient du cœur pur de Zamdane qui nous fait entrevoir ce qui commence à être au plus profond de lui. “commence” oui étant donné qu’il n’a que 26 ans, que la route s’annonce encore longue mais dorénavant plus souriante à cet artiste immigré il y’a peu et pour qui les souvenirs douloureux et complexes restent encore assez frais dans sa mémoire et du coup dans ses textes…

Pour conclure, Zamdane c’est aussi cet artiste ayant pour leitmotiv éternel, la quête de liberté. Touchant d’émotions dans ses textes, c’est justement parce que son témoignage reste baigné d'épanouissement personnel sans aversion ou compromission de chiffre, de rentabilité, de profit que Zam s’octroie le temps d'écrire et de mûrir son projet jusqu’au bout sans écart. “j’aime quand ma prise de parole c’est le travail” “c’est pas pour moi les 800 000 par contre c’est pour moi la liberté”.

Solsad n’est pas extraordinaire dans sa forme mais l'est dans son fond puisqu'il révèle l’identité d’un rappeur attachant dans un paysage français de plus en plus dépourvu de vrais émotions. Solsad est véritablement ce coucher de soleil magnifique, apaisant presque envoûtant mais qui s’éteint trop vite !

Marceauuu
8
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le 26 févr. 2024

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