Tête brûlée
6.7
Tête brûlée

Album de Iliona (2022)

Il y a deux semaines environ, je redécouvrais cette grande artiste qu’est Iliona.

C’est une chanteuse, autrice et compositrice, l’une de celle, et c’est en fait la seule, à réussir à me faire sangloter piteusement derrière mon téléphone.

Je ne sais pas si vous aussi parfois, arpentez les rues à des heures tardives en mettant un casque sur les oreilles, et écoutez de la musique en s’abandonnant complètement aux mélodies qui vous transpercent le corps pour le calmer plus efficacement que deux doses de morphines pur jus.

Moi en tout cas ça m’arrive plus ou moins régulièrement, ça fonctionne par phase.

La dernière consistait en la consommation frénétique de la bande originale de la série Succession. Il faut m’imaginer la mine sérieuse, le pas énergique et fronçant les sourcils, fendre la foule en m’imaginant devenir maître du monde.

D’un style d’aristocrate capitaliste, je suis donc passé à celui d’un jeune homme transis et romantique, presque artiste je pourrais dire.

Iliona a cette capacité incroyable de s’inscrire dans la nouvelle génération pop de la musique belge sans succomber à la débauche de marketing et d’idéologie dont ses comparses abusent joyeusement.

La subversivité, qui semble être le concept à faire sien pour qui veut percer dans le monde fermé des vedettes de la chanson (et tout ça me semble-t-il, depuis Stromae, jamais vraiment égalé), est une idée étrangère à la jeune femme qui se contente au fil de ses textes de parler d’amour.

Un seul sujet, une seule source d’inspiration, cela ne fait-il pas trop peu ?

Moi je réponds catégoriquement ; quand on a le talent pour le faire, on pourrait même se permettre de parler de la même chose toute sa vie.

Outre le talent dont elle évidemment imprégnée jusqu’à la tête, je peux presque affirmer qu’elle a la trempe des grands, que l’histoire de la musique pop des années 2020, si jamais la guerre nucléaire choisit de ne pas intervenir avant l’apocalypse, se chargera de la préserver en son sein.

Les mélodies sont simples, les refrains entraînants et entêtants. On passe de la balade mignonne et guillerette (« vedette » ; je suis fan du tout début, où sa voix presque en demi-teinte chante « si le jour est trop court, pour me voir en couleur, tu lui tiens tête »), à des textes plus mélancoliques voir franchement tristes (je pense à « moins joli » ou à « reste » dont le refrain m’emporte à chaque écoute). Mais cette tristesse est mise en musique avec une telle pudeur, transparaissant dans le grain de voix particulier d’Iliona, avec une telle mesure dans les nuances et une si juste utilisation de la musique électronique (instrumentation, autotune, …), qu’elle nous touche directement en plein cœur.

À celui qui a la chance de ne pas encore avoir découvert sa musique, je conseille d’écouter son titre sans texte ni voix (ou presque) ; « wherever you hide, the party finds you », et de vous promener comme moi, le casque vissé sur la tête le soir dans les boulevards alors que les restaurants et les boutiques ferment, que les chats sortent et que les gens rentrent chez eux, pour profiter de ce que la chanson française peut encore offrir de moment de grâce et de pure poésie.

Bastien_Pelat
9
Écrit par

Créée

le 3 mai 2023

Critique lue 18 fois

Bastien_Pelat

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