Chez les dylanophiles, chaque nouvelle sortie d’un Bootleg Series s’apparente plus ou moins à un second noël. Les plus patients attendront le week-end, les autres poseront une RTT, écouteront religieusement la chose et ressortiront les lunettes pour ne rien perdre des quelques cinquante à soixante pages de l’habituel et somptueux livret. Et comme on les comprend, tant il est vrai que Legacy connaît bien son affaire !


Pour ce volume 9, c’est à la maison d’édition de Tin Pan Alley, M. Witmark & Sons, d’exhumer ses vieux trésors. Le tout jeune Bob Dylan y signa en 1962 sous l’impulsion de son manager Albert Grossman. Rappelons qu’à l’époque, rares étaient ceux qui portaient la double casquette de singer/songwriter et sur ce point, l’intraitable imprésario ne se faisait pas d’illusions : son protégé allait percer mais à condition que des voix moins singulières puissent parer ses compositions de plus beaux atours.


Mais qui, aujourd’hui, échangerait le "Blowin’ in the Wind" du Zim contre la charmante mais quelque peu désincarnée version de Peter, Paul & Mary ? Car, à quelques rares exceptions près, « Nobody sings Dylan like Dylan », et c'est ce dont témoignaient déjà ces 47 titres enregistrés entre 1962 (en vérité 1961) et 1964. Période charnière donc, où le jeune homme délaisse progressivement l’influence de l’imagerie américaine et des murder ballads pour sauter dans le wagon du folk protestataire. Timing idéal : Vietnam, mouvement des droits civiques… le gamin devient icône malgré lui. Les dernières démos, celles de 1964, voient d'ailleurs Dylan se défaire de son encombrant statut de chantre de la contre-culture. L’écriture devient plus introspective ("Mama, You Been On My Mind", "I’ll Keep It With Mine") et empreinte de poésie surréaliste ("Mr.Tambourine Man").


Ces Witmark Demos (qui sont ici associées aux enregistrements réalisés pour Leeds Music quelques mois auparavant) offrent un intéressant contrepoint aux premiers albums du barde dans la mesure où, mieux que tout autre format, cette compilation rend compte du degré d’exigence d’un songwriter qui pouvait se permettre de ne pas retenir des trucs aussi bons que, au hasard, "All Over You" ou "Guess I’m Doing Fine". Au terme de deux heures et demie de folk songs et de talking blues, le constat, bien que depuis longtemps unanime, reste édifiant : le gamin de Duluth s’émancipait du carcan puriste du Greenwich Village comme personne. A tel point que, fin 1964, il avait déjà fait le tour de la question folk. Robert Allen Zimmerman était alors paré pour la controverse électrique de Bringing It All Back Home


Note : On trouvera ici quinze compositions inédites mais également quatre doublons: des versions de "The Times They Are A-Changin’", "When The Ship Comes In", "Don’t Think Twice It’s All Right" et "Walkin’ Down The Line" déjà présentes sur les volumes 1 et 7 de ces Bootleg Series. Mais l’opération reste, rassurez-vous, tout à fait rentable !

ElstonGunn
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le 6 avr. 2015

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